De notre correspondant
Craintes pour la sécurité et la confidentialité des données, hésitations à transmettre à l'hôpital, (vécu comme trop centralisateur), des informations concernant leurs patients, interrogations sur le coût de l'installation, de la maintenance technique et du mode de rémunération de cette activité nouvelle : les récriminations et les motifs de résistance à la télémédecine semblent nombreux parmi les médecins, selon une enquête du département économie et gestion de la santé de l'université Lyon-III.
Seule une infime minorité se dit prête, par exemple, à « partager le dossier patient avec un confrère hospitalier, avec le secteur médico-social ou encore avec le patient lui-même ».
En clair, les résultats de cette enquête sur la télémédecine, qui seront rendus publics demain au cours d'un colloque (1), montrent « qu'au-delà des beaux discours, et exceptées les expériences pilotes de Lille et de Toulouse, on est encore loin d'une introduction massive de la télémédecine dans les pratiques », résume le Pr Christophe Pascal, qui l'a coordonnée.
Encore l'affaire de pionniers
L'équipe de recherche avait déterminé un échantillon représentatif de 3 500 praticiens (sur quelque 7 000 dans le Rhône), auxquels a été soumis un long questionnaire détaillé. Seulement 10 % ont répondu, dont 62 % de libéraux, 19 % appartenant au CHU, 8 % au secteur parapublic et 11 % exerçant en santé publique. Le faible pourcentage de répondants confirme que « la télémédecine reste l'affaire de quelques pionniers », estime le Pr Pascal, et quel que soit l'objectif visé : surveillance d'un patient, formation continue, partage du dossier patient dans un réseau ville-hôpital, ou encore visioconférence. Ces pionniers qui, par ailleurs, sont des « fous » d'Internet et surfent en routine depuis déjà des années (83 % d'entre eux au moins une fois par jour), attendent en priorité de la télémédecine un gain de temps : l'enquête constate par exemple que la majorité d'entre eux souhaiterait d'abord que cette technologie leur permette d'accéder plus rapidement à certaines données de la littérature mondiale, que l'Internet propose certes déjà, mais de façon tellement hétérogène qu'elles sont insuffisantes ou inutilisables car trop parcellaires.
Obstacles majeurs
Au-delà des contraintes techniques, et économiques (qui devra, en particulier, financer les équipements ?), au moins deux obstacles majeurs doivent être levés pour que la télémédecine se développe dans les prochaines années, estime en substance le Pr Pascal. Il convient d'abord de « sortir de l'hospitalo-centrisme, c'est-à-dire que les projets de mise en réseau ne soient plus exclusivement pilotés par l'hôpital, qui apparaît encore trop souvent aux yeux des libéraux comme un concurrent déloyal et monopolistique ».
En matière de « dossier patient partagé » par exemple, seule une logique de « gagnant-gagnant », celle où le praticien de ville a tout autant à gagner que l'hôpital à ce partage, pourrait permettre à des projets de décoller.
La seconde condition est « l'attractivité des contenus », et elle tombe sous le sens pour des professions intellectuelles pour qui le facteur temps est omniprésent : l'intérêt de la télémédecine, et donc ce qui déterminera l'implication des médecins dans les projets, réside dans ce qui circule dans les tuyaux et non pas dans les tuyaux eux-mêmes. Le colloque pourrait favoriser la naissance de nouveaux projets en Rhône-Alpes, sachant qu'à Lyon par exemple, capitale régionale pourtant plus que riche en structures de santé et médecins, seulement trois réseaux de télémédecine vivotent aujourd'hui, spécialisés en cancérologie, périnatalité et neurologie. Et qu'aucun d'entre eux n'en est encore au stade du « dossier partagé ».
(1) Le colloque se tient à l'Institut des sciences cognitives, à Bron, 67, boulevard Pinel, le 6 octobre de 9 h à 18 h. Il est organisé par l'association pour la télémédecine dans le Rhône (ASTRHO ), et l'URML. Tél. 04.72.74.02.75.
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