C’EST CE QU’ON APPELLE un rendez-vous très attendu. Les deux principales organisations représentant en France les médecins à diplôme étranger, l’Inpadhue (Intersyndicale nationale des praticiens à diplôme hors Union européenne) et la FPS (Fédération des praticiens de santé) sont reçues cet après-midi par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand.
L’Inpadhue avance trois grandes revendications. La première est inspirée d’une promesse qui lui a été faite en septembre dernier par l’un des conseillers du ministre : une évaluation sur dossier par les commissions d’autorisation des Padhue justifiant de cinq années et plus «d’exercice professionnel autonome» sur le territoire français et des titulaires d’un DIS (diplôme interuniversitaire de spécialisation) ou d’un Csct (certificat de synthèse clinique et thérapeutique). L’Intersyndicale réclame, en outre, la simplification de la NPA (nouvelle procédure d’autorisation) pour les Padhue justifiant de trois années d’exercice en France (de type examen hors quota) et l’amélioration de cette même procédure pour tout autre candidat à l’autorisation d’exercer la médecine. Il s’agirait d’introduire dans la notation les dossiers titres, travaux et services rendus.
La FPS demande, elle aussi, que les 200 titulaires du Csct (médecins et dentistes) passent devant les commissions d’autorisation. Elle distingue, par ailleurs, trois listes : la liste A, qui comprendrait les 3 000 médecins ne justifiant pas de trois ans d’exercice. Ils se soumettraient au concours, avec quota d’entrée, mais pas de sortie. La liste B, celle des 2 000 médecins qui ont effectué trois années d’exercice en France, se soumettrait à la NPA, sans quota ni d’entrée ni de sortie. La liste C, qui compte les 1 000 praticiens ayant fourni de cinq à dix ans de service aux hôpitaux français, passerait devant la commission d’autorisation.
Un système qui arrange tout le monde.
Les attentes des deux organisations semblent finalement assez proches, même si elles s’en défendent. En revanche, toutes deux clament haut et fort que le 30 sera un peu le rendez-vous «de la dernière chance» et se tiennent prêtes à mener des actions si le ministère fait la sourde oreille.
Ces temps derniers, les confrères hospitaliers des médecins à diplôme étranger se sont exprimés. La CGT section santé et l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France), notamment. Leurs représentants, les Drs Christophe Prudhomme et Patrick Pelloux participaient récemment à une réunion organisée par l’Inpadhue. «L’esclavage, c’est terminé», tonnait le Dr Pelloux, patron de l’Amuf. «Aujourd’hui, la non-reconnaissance des médecins à diplôme étranger arrange une bonne partie de nos chers collègues hospitaliers qui ont une forte activité privée et font tourner leurs services à l’hôpital public grâce aux Padhue, main-d’?uvre bon marché», résume son confrère, le Dr Prudhomme, de la CGT. «Il faut immédiatement régler le sort des 1500 à 2000 Padhue qui ont la nationalité française par le système de la VAE (validation des acquis et de l’expérience) . C’est ce qui se passe d’ailleurs dans n’importe quelle profession, sauf en médecine. Le Conseil de l’Ordre a, sur la VAE, une attitude malthusienne. Tous les autres Padhue doivent se soumettre à une procédure, type NPA, mais à condition que des règles du jeu claires soient fixées a priori . Il faut que les candidats connaissent, avant de passer le concours, les quotas et les éventuelles affectations.»
Reconnaître, oui, mais comment ?
«Si ces praticiens étaient mauvais, cela se saurait, il y aurait des procès», insiste le Dr Prudhomme, dont l’organisation entend bientôt «exiger des directeurs d’hôpital d’informer les patients, dans le cadre de la loi Kouchner, qu’ils sont pris en charge par des médecins non titulaires d’un diplôme reconnu dans notre pays».
L’Inph (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers, dont fait partie la FPS) réclame «une voie unique pour un statut unique». Autrement dit, précise le Dr Bocher, la présidente, «hors NPA, il n’y a pas de salut pour les Padhue». C’est ce que semble dire aussi le Syndicat des chirurgiens hospitaliers. «A l’heure de l’exigence de la qualité, il faut une évaluation identique pour tous, y compris les médecins à diplôme étranger, qui auraient alors les mêmes perspectives de carrière, notamment la possibilité de s’installer en libéral, explique le Dr André Nazac, président du syndicat. Ils doivent se soumettre à une épreuve de français et à une épreuve de spécialité, théorique et pratique.»
Pour la CMH (Coordination médicale hospitalière), c’est clair, la reconnaissance de la compétence de ces praticiens ne peut pas être fondée uniquement sur l’expérience. «On ne peut pas maintenir un numerus clausus en collant des étudiants à un quart de point et, dans le même temps, accorder l’autorisation à des médecins étrangers sur la seule preuve de leur expérience», estime le Dr François Aubart, président de la CMH, qui reconnaît tout de même que «certaines situations iniques doivent être réparées». Sans oublier, ajoute t-il, qu’ «abandonner le système de santé qui les (les Padhue) a formés est préjudiciable pour leurs pays d’origine».
L’argument est repris, entre autres, par la Conférence des présidents de CME des CH. Elle s’inquiète de la nature du concours spécifique aux Padhue qui doit, selon elle, «être ouvert prioritairement à des considérations de santé publique».
Finalement, la question est de savoir si, oui ou non, on peut mesurer la compétence de ces praticiens d’après leur expérience au sein de nos hôpitaux. Les avis sont partagés. Reste à connaître celui du ministre.
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