La Coordination nationale des médecins exerçant en clinique (CNMC), qui se veut « l'expression de la majorité des médecins » des établissements privés hospitaliers, se joint au mouvement de grève des 24 et 25 octobre prochain, qui a été annoncé par la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP, voir l'interview ci-dessous du président de cette organisation).
« Nous demandons la parité des salaires entre le secteur public et le secteur privé des personnels soignants qui sont au même niveau de qualification et de formation », a expliqué le Dr Philippe Cuq, responsable de la coordination, et qui exerce en Midi-Pyrénées.
La CNMC réclame au gouvernement une « enveloppe sociale spécifique » de six milliards de francs, conformément à l'estimation faite par la FHP.
Pendant les deux jours de cette « sommation », « aucune entrée de patient ne sera acceptée », a précisé le Dr Cuq.
Faute d'obtenir une réponse satisfaisante à leur revendication, les médecins de la coordination annoncent une « grève générale illimitée » dans les cliniques à compter du 5 novembre. « Si le différentiel actuel entre les salaires persiste, les 35 heures à l'hôpital vont signer la disparition des cliniques. Surtout, on sera face à une crise de santé publique sans précédent, car les hôpitaux n'ont pas la capacité de prendre en charge nos patients », indique le Dr Jérôme Marty, membre de la coordination.
« Il y a plus de vingt ans, il y avait une égalité de salaire avec les hôpitaux publics. Depuis, l'argent est allé à la mise aux normes de sécurité obligatoires, explique le Dr Xavier Pouyat, président de la commission médicale d'établissement de la clinique Velpeau à Tours. Chez nous, les coordinations de salariés ont elles-mêmes fait faire un audit sur la situation financière de la clinique. Elles savent que nous ne leur racontons pas d'histoires. »
Les relations avec les salariés
Pour appuyer ces propos, Gaëlle Guyard et Frédérique Rigaud, les deux infirmières à la tête de la Coordination des salariés du secteur privé qui a pris naissance à Tours, soutiennent la CNMC en accompagnant les médecins dans leurs différents rendez-vous. La CNMC affirme avoir également reçu le soutien des syndicats médicaux, de nombreux directeurs de clinique et présidents de CME.
Les contacts avec les syndicats de salariés s'annoncent en revanche plus difficiles. La CFDT n'a pas jugé utile de répondre à un courrier électronique de la coordination qui, selon le syndicat, « convoquait à une demi-heure près chacune des organisations » pour venir discuter. « Les médecins se servent des salariés quand ça les arrange, estime Dominique Drouet, de la CFDT. « D'ailleurs, ajoute-t-elle , les salariés des cliniques se réduisent aux infirmières, surtout celles de bloc et de réanimation, et à la rigueur les sages-femmes et les aides-soignantes. » La CFDT estime légitime de négocier avec les représentants nationaux des cliniques, en l'occurrence la FHP. « S'ils s'engagent en termes de salaires en signant une convention collective et qu'il s'avère que le financement est insuffisant, à ce moment-là seulement, nous irons voir le ministère. »
Le Dr Max Ponseillé (FHP): nous pourrions aller jusqu'à une grève illimitée
Président de la seule organisation représentative des cliniques, la Fédération de l'hospitalisation privée (1), le Dr Max Ponseillé explique, dans un entretien avec « le Quotidien », les raisons qui l'ont poussé à lancer un mot d'ordre de grève pour les 24 et 25 octobre et à envisager une grève illimitée des cliniques si le gouvernement n'accède pas à ses revendications.
Elisabeth Guigou a annoncé que l'évolution des dépenses des cliniques devrait être limitée à 3,5 % en 2002. Quelle est votre réaction ?
Dr MAX PONSEILLE
Nous avions demandé au gouvernement une enveloppe spécifique de 6,5 milliards de francs (environ un milliard d'euros) uniquement pour financer l'accompagnement social, c'est-à-dire l'alignement des salaires des personnels des cliniques sur ceux des agents hospitaliers. Les salaires de nos personnels sont en moyenne inférieurs de 30 % à ceux de la fonction publique hospitalière. Il faut absolument les aligner. Les directeurs d'agence régionale d'hospitalisation en sont d'ailleurs conscients. Ils ont pu constater sur le terrain les problèmes que posent ces inégalités et les grèves, souvent très dures, que cela a provoquées dans les cliniques. Nous souhaitions que cette somme de 6,5 milliards soit débloquée le plus rapidement possible, sinon sur une seule année. Or, le taux d'évolution des dépenses des cliniques pour 2002 (3,5 %) ne permet nullement de financer cet accompagnement social. Nous avions également demandé à bénéficier d'un traitement égalitaire avec les hôpitaux : ce n'est pas le cas puisque les établissements publics obtiennent une évolution de leur budget de 4,8 %.
Durant deux jours, nous allons arrêter toute admission dans tous les services des cliniques, y compris dans les services d'urgences et d'obstétrique. Il n'y aura aucune activité dans les blocs. Nous n'assurerons plus que la prise en charge des malades déjà hospitalisés. Je tiens à dire que ce mouvement a été décidé en parfaite harmonie avec les médecins des cliniques. La coordination nationale des médecins (voir-ci-dessus) se joindra à cette grève.
Nous rejoindrons alors le mouvement de grève organisé à partir du 5 novembre par la Coordination nationale des médecins des cliniques et nous envisageons très clairement d'opter pour une grève illimitée et générale des cliniques.
Nous avons l'appui des salariés. Ils savent que c'est pour eux que nous revendiquons. Cela dit, cette grève demeure un mouvement des responsables d'établissements. Car notre secteur est en grande difficulté. Depuis deux ou trois ans, un tiers des établissements sont en déficit. Cette année, avec la mise en place des 35 heures, ce sera la moitié des cliniques qui sera dans le rouge.
A ces difficultés économiques majeures s'ajoutent pour nos cliniques les conséquences de la dramatique pénurie d'infirmières. Avec sa politique des quotas à l'entrée des écoles d'infirmières, le gouvernement a contribué à désorganiser le marché du travail de cette profession. Comment allons-nous faire fonctionner nos établissements alors qu'il y a une pénurie et que, parallèlement, le gouvernement veut engager 20 0000 infirmières dans les hôpitaux dans le cadre des 35 heures ? Il va y avoir un exode de nos infirmières vers le secteur public où elles sont mieux payées.
(1) La FHP est née de la fusion de l'Union hospitalière privée et de la Fédération intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature