« C’EST MAL PARTI », s’exclament en chœur six responsables d’URML au sujet des expérimentations sur les nouveaux modes de rémunération proposées aux pôles de santé libéraux et maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). Ces expérimentations sont déjà en cours depuis la fin de l’année 2009 dans des MSP de six régions pilotes (Bretagne, Rhône-Alpes, Bourgogne, Franche-Comté, Ile-de-France et Lorraine) et doivent être proposées aux structures volontaires dans toutes les régions à partir d’aujourd’hui.
C’est là que le bât blesse. Les URML de Bretagne, Basse-Normandie, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Picardie, toutes engagées dans l’accompagnement des professionnels désireux de se lancer dans l’aventure des pôles et maisons de santé, s’élèvent contre le cahier des charges de ces expérimentations.
Le financement du fonctionnement oublié.
Le Dr Luc Duquesnel, patron de l’URML de Basse-Normandie, dénonce principalement l’exclusion à la fois des patients en ALD et des enfants de 0 à 6 ans dans le cadre de ces conventions d’expérimentations qui intègrent pourtant un « forfait à la performance pour des missions coordonnées » (sorte de CAPI collectif qui inclut une dizaine d’indicateurs à valider comme la prise en charge des diabétiques, les fonds d’œil ou les mammographies). « Les pouvoirs publics nous disent qu’il est déjà prévu un forfait médecin traitant, déplore Luc Duquesnel, mais ce forfait, seuls les médecins le touchent (pas la structure pour le financement de son fonctionnement). C’est un non-sens étant donné que la mission principale des MSP est justement la prise en charge des pathologies chroniques dans le cadre d’une coopération entre les différents professionnels de santé ». Le Dr Benoît Feger, président de l’URML Bretagne, ne dit pas autre chose : « Si on veut prendre en compte la fonction de coordination des soins, il est impensable de ne pas comptabiliser les ALD et les enfants ». Pour Luc Duquesnel, si ces items n’ont pas été intégrés, « c’est pour une simple question d’argent, afin de ne pas avoir à trop débourser ».
Les responsables d’URML craignent aussi que certains items, difficiles à améliorer (comme l’hémoglobine glyquée), posent la question de risques éthiques, comme la sélection toujours possible des patients en fonction de leur état de santé. « Si un diabétique ne suit pas son régime ou sa prescription, la MSP va être pénalisée. Il y a donc risque qu’on lui demande d’aller se faire soigner ailleurs », craint Benoît Feger. Il appelle de ses vœux des indicateurs basés non pas sur les résultats, mais « sur les moyens mis en œuvre, sur la qualité de l’organisation et de la prise en charge ». Par ailleurs, la multiplicité des indicateurs retenus dans les contrats fait craindre aux responsables des six URML qu’ils n’obligent les médecins « à passer plus de temps à faire des statistiques pour s’assurer qu’ils obtiendront bien les financements espérés qu’à prendre en charge leurs patients ».
Invendable ?
Pour toutes ces raisons, les responsables d’URML jugent que les contrats qui vont être proposés à titre expérimental dans toutes les régions ne rencontreront...aucun succès. « Dans l’état actuel des choses, avance Luc Duquesnel, je nous vois mal conseiller aux responsables d’une MSP ou d’un pôle de santé d’en signer un. Ca pourrait même remettre en cause un projet de regroupement ». D’autant que ces contrats seront signés pour deux ans seulement, ce qui constitue une échéance courte pour une entreprise libérale. « En terme de visibilité pour un entrepreneur, c’est invendable », renchérit Benoît Feger. Collectivement, les six URML dénoncent la mise en place « de véritables usines à gaz dans lesquelles seuls quelques initiés peuvent espérer trouver leur compte ». Elles ont refusé de participer à la dernière réunion au ministère de la Santé qui devait entériner le contenu des conventions que proposeront les ARS à partir d’aujourd’hui. « Vu la manière dont ces conventions sont ficelées, pronostique Benoît Feger, je ne vois pas une MSP ni un pôle de santé y adhérer ».
Seul espoir des six patrons d’URML : le rendez-vous qu’ils auront le 2 septembre prochain avec Élisabeth Hubert, dans le cadre de la mission sur la médecine de proximité que lui a confiée le président de la République. Ils lui soumettront leurs propositions d’aménagement de ces conventions avec les ARS, dans l’espoir de faire évoluer le dispositif.
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