DE NOTRE CORRESPONDANT
AU DÉBUT DE FÉVRIER, lors d'une réunion de l'union régionale des médecins libéraux (Urml) des Pays de la Loire, le Dr Hugues Even, de SOS Médecins Nantes, a dressé le bilan de la permanence des soins pour faire bloc aux critiques émises par le président du collège de médecine d'urgence de la région (1). Il a donné les chiffres de l'activité de l'association en 2006. «Nous avons reçu 130000appels, expliquait-il . Et nous avons effectué 105000visites.»
De son côté, le Dr Antoine Redor, président de l'Association de la médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire (Amuel), qui regroupe 400 médecins assurant des gardes, annoncait «163000actes en 2006 pour 454000appels». Un taux de visites très différent de celui des appels, qui a fait des vagues : 80 % de visites chez SOS et un peu plus de 35 % chez les médecins de ville.
L'évaluation de la permanence des soins en Loire-Atlantique, réalisée entre octobre 2005 et mars 2006 par l'Urcam et rendue publique en février, confirme non seulement ces statistiques, mais souligne surtout la différence d'activité entre les secteurs couverts par des centres d'accueil et de permanence des soins (Caps) – il en existe actuellement 9 sur le département – et ceux couverts par SOS-Médecins.
Ainsi, en semaine, de 20 heures à minuit, le rapport note que «la part des visites est nettement plus élevée dans les secteurs couverts par SOS-Médecins que dans les autres secteurs, avec des taux autour de 75 à 85%». Les Caps ont, toujours selon le rapport d'évaluation, «un taux de visites nettement au-dessous de la médiane, avec des valeurs comprises entre 20 et 35%».
Pour ce qui est des soirs de week-end, de 20 heures à 24 heures, «un peu plus chargés en activité que les soirs de semaine», précise le document, des taux de 20 à 30 % sont observés sur les secteurs Caps, avec une pointe à 45 %, quand les secteurs SOS enregistrent des niveaux compris entre 70 et 90 %. Pour les dimanches et les jours fériés, l'écart entre les deux dispositifs de garde est « encore plus important (…) que sur les autres périodes», note l'étude.
Ce travail avait pour objectif de connaître le coût relatif à l'organisation de la permanence des soins. Sur ce plan, en considérant uniquement les données sur la période 20 heures-minuit en semaine, il est constaté que les Caps coûtent en moyenne 4,10 euros pour 1 000 habitants contre 7,80 euros pour les secteurs couverts par SOS ; la moyenne des autres secteurs est de 6,50 euros. Côté rémunération, «ce sont les secteurs couverts par SOS qui sont les plus rémunérateurs pour les médecins d'astreinte, comme pour les soirs de semaine», selon le rapport d'évaluation.
Question de moyens.
Sur l'activité quantitative et son coût financier, les écarts entre les deux systèmes sont importants. Les autres secteurs se rapprochent sensiblement des zones avec les Caps. Quoi qu'il en soit, il faut observer que rien n'est dit dans le rapport sur la nature des appels reçus et des visites effectuées par SOS, puisque cette question n'était pas abordée. Au-delà de cet aspect important de la réalité, c'est un problème de moyens qui serait à l'origine du décalage.
C'est en tout cas ce que pense le Dr Patrick Guérin, président de SOS-Médecins Nantes et de SOS-Médecins France : «Avec le15, une régulation s'effectue pour faire le moins de visites possible étant donné qu'il y a carence d'effecteurs. Ce problème d'effecteurs est d'ailleurs suppléé par le recours aux transports sanitaires, dont le nombre augmente. Ce qui montre bien qu'il existe toujours une demande. Nous, nos médecins sont disponibles. Et je pense que l'on a une meilleure appréciation de l'état de santé d'une personne quand on se rend à son chevet. Son examen reste souvent nécessaire. En allant voir le patient au domicile, plutôt que de le déplacer en transport, il est évident que l'on rend un meilleur service.»
Un avis que ne partage pas le Dr Jean-Gérald Bertet, président de l'Urml des Pays de la Loire : «Il n'y a pas de raisons médicales qui justifient des taux de visites si différents.» Le Dr Antoine Redor, président de l'Amuel, va plus loin en mettant en cause le travail qualitatif de SOS : «Depuis six mois, une épidémie de coqueluche sévit. Il est extraordinaire que des familles entières ne sont pas vaccinées et suivies uniquement par SOS. Des pans entiers de la population des grandes villes ne sont pas suivis.» Le président de SOS Nantes dément complètement : «SOS ne se substitue pas au médecin traitant. On ne peut donc pas dire qu'une mauvaise couverture vaccinale soit due à SOS.»
Les règles du jeu.
Si les représentants des médecins libéraux reconnaissent la nécessité d'avoir une présence de SOS, la tendance «expansionniste» – c'est le mot utilisé par le Dr Antoine Redor – de SOS poserait problème. «Des médecins généralistes de la presqu'île guérandaise ont un projet de maison médicale de garde, souligne le Dr Antoine Redor. Mais cela n'est pas simple car SOS est là; le secteur est important, avec La Baule notamment. Quand SOS va sur La Baule, il ne va pas sur Mesquer, par exemple, une commune rurale voisine. Nous, on s'occupe de l'ensemble du département. On aimerait que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. On nous a demandé de diminuer nos visites. C'est ce que nous avons fait, en les divisant par quatre sur le département. Les caisses ne réalisent pas d'économies car, dans le même temps, SOS, qui n'effectue que des visites, augmente le nombre des siennes.»
Mêmes droits, mêmes devoirs.
Dans ce contexte, l'ouverture en octobre 2005 d'un centre de consultation par SOS sur Rezé, en limite sud de son secteur nantais, ne fait que renforcer le sentiment de certains médecins de ville. Le centre fonctionne comme une maison médicale de garde, avec la particularité de n'être pas financée par les pouvoirs publics et les patients peuvent s'y rendre après régulation téléphonique via le 15 ou le standard de SOS. Selon le Dr Patrick Guérin, le centre, comme il en existe dans 25 des 61 associations SOS de France, serait né de «la sollicitation permanente des institutions pour élargir nos secteurs et améliorer la couverture pendant les heures de garde». Et le responsable national de SOS d'ajouter : «On nous a demandé de diviser par deux le nombre de nos médecins après minuit.»
Si la complémentarité entre les structures créées par les libéraux et celles mises en place par SOS se déroule de façon satisfaisante partout ailleurs, selon le Dr Patrick Guérin, il semble que le centre nantais soulève au minimum des questions chez des médecins nantais. D'autant que sur les neuf Caps existants, deux – à Clisson et à Bouaye – ne se situent pas très loin du lieu où SOS a ouvert cette structure. «En créant un tel centre, les médecins de SOS ne deviennent-ils pas des médecins généralistes comme nous?, se demande le Dr Jean-Gérald Bertet. Ce qui supposerait qu'ils aient les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs.»
«Un Caps ne pouvant pas être ouvert sur le lieu d'exercice, leur centre équivaut à un cabinet médical», précise le Dr Antoine Redor.
Le conseil de l'Ordre départemental serait saisi de cette question. Sans que son président, le Dr Jean-Louis Clouet, ne confirme l'existence d'une procédure.
(1) Se reporter au « Quotidien » du 2 mars 2007.
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