L ES quelque 500 médecins temps plein, temps partiel et vacataires travaillant dans les 187 établissement pénitentiaires français (1), au sein d'unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) mises en place par la loi du 18 janvier 1994, demandent, pour eux et les détenus, plus de considération. Il en va de l'accès à la santé de leurs patients et des droits de l'homme en général, disent-ils.
Bernard Kouchner a pris bonne note de leurs revendications, lors d'un « tour d'horizon » sur le sujet avec le Syndicat des médecins exerçant en prison (SMEP), animé par le Dr François Moreau. Le ministre délégué à la Santé, qui a participé à la genèse de la législation de 1994, année où la médecine pénitentiaire est passée au régime hospitalier de droit commun, se montre toujours très attentif à tout ce qui emprunte au champ humanitaire.
Alors que les gardiens et autres personnels pénitentiaires ont droit, depuis 1958, à une prime mensuelle « de pénibilité et de dangerosité » (21 % de leur rémunération brute), de même que les travailleurs sociaux intervenant derrière les barreaux (17 %), les médecins de prison sont privés de toute « reconnaissance statutaire ». Or, rappelle le Dr François Moreau, « si les prises d'otages de confrères sont exceptionnelles, les agressions, elles, sont régulières ».
Il cite la spectaculaire tentative d'évasion de Fresnes (Val-de-Marne) des 27 et 28 mai, qui a provoqué de graves blessures à un surveillant et « au cours de laquelle des praticiens en intervention ont été pris sous le feu ». Aussi, le SMEP (2) suggère que les médecins profitent d'un « avancement de carrière ». Sur 13 échelons, ils en « gagneraient 1 tous les cinq ans », ce qui correspondrait à une indemnité mensuelle de 1 200 F pour un débutant et de 5 000 F pour celui qui est en fin d'activité professionnelle.
Le Dr François Moreau déplore par ailleurs que les agences régionales de l'hospitalisation n'appliquent pas la circulaire du 13 octobre 2000 instaurant une prime forfaitaire de 1 800 F par mois pour « l'activité multisites des praticiens hospitaliers » en UCSA. Pour l'heure, les intervenants en réseau ville-hôpital, les chirurgiens et les anesthésistes en seraient les premiers bénéficiaires. La direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins prévoit de faire un point en septembre. « Dans tous les cas, de telles exigences statutaires, ne pourraient que rendre attractive la médecine carcérale », qui souffre d'un déficit de praticiens, fait remarquer le Dr François Moreau, chef du service médical de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy (Yvelines).
D'autre part, il aurait été souhaitable que la Santé nomme un chargé de mission pour les questions médico-judiciaires, « extérieur à l'administration », les hôpitaux étant « de plus en plus sollicités en la matière, avec leurs services de médecine légale, la prise en charge de victimes (attentats, sinistres, etc.) et l'accompagnement sanitaire d'étrangers dans les centres de rétention (circulaire de l'Intérieur de mars 2000) ». Le ministère vient de décider de confier cette tâche à un médecin-inspecteur. Le SMEP, en outre, aurait aimé être consulté sur la refonte de la loi pénitentiaire que Mme Lebranchu, garde des Sceaux, présentera à l'automne. « Le droit des prisonniers, quand il s'agit d'hygiène (pourquoi 3 douches hebdomadaires et non une quotidienne ?), de santé, de sexualité et de dignité, renvoie directement à la médecine », souligne le Dr François Moreau.
En ce qui concerne la toxicomanie, un rapport de la MILDT est attendu à l'automne. D'ores et déjà, le ministre se montre fervent partisan du développement de la substitution dans les prisons. « A terme, l'échange de seringues paraît inévitable, prévoit le SMEP, même si le sujet est difficile, au point que les résultats d'expériences étrangères . »
Pour ce qui touche à la psychiatrie - thème explosif, avec 30 % des détenus présentant des troubles psychiques - une étude sur l'organisation des soins en santé mentale des Drs Eric Piel (Paris) et Jean-Luc Roelandt (Lille), avec des recommandations en ce qui concerne les patients incarcérés, sera remise au ministre de la Santé fin juin-début juillet. « Mais, bien sûr, rapporte le Dr François Moreau, pour tout médecin et Bernard Kouchner en particulier, la détention est incompatible avec la maladie mentale, elle ne fait que l'aggraver. »
Le SMEP se rendra une nouvelle fois au ministère, le 3 juillet, en vue de participer à l'élaboration d'un « projet d'actions santé sur cinq ans dans les prison ».
(1) Sans compter les psychiatres qui exercent dans les 26 services médico-psychologiques régionaux.
(2) Tél. 01.30.85.92.60.
N.B. : Les chiffres avancés sont « des ordres de grandeur ».
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