Les conseils départementaux de l'Ordre des médecins de Paris et des Bouches-du-Rhône, après en avoir délibéré pendant six semaines, ont finalement tranché : les Drs Gilbert Boublil, Jean-Philippe Zermati, Sonia Ryba et Jean-Yves Ferrand (Paris) ainsi que le Dr Jean Fabre (Marseille) auront à répondre de leur participation à la série télévisée J'ai décidé de maigrir, diffusée le jeudi, du 23 janvier au 13 février derniers sur M6 (« le Quotidien » des 10 février et 10 mars). Le Dr Jean-Michel Cohen est seul à échapper aux foudres ordinales, car il a pris la précaution d'obtenir l'aval préalable de son conseil départemental (Hauts-de-Seine).
Les cinq médecins ont reçu un courrier recommandé pour les informer qu'ils sont accusés d'avoir manqué aux règles déontologiques sur les devoirs généraux des médecins tels qu'ils sont stipulés par six articles du code : respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité (article 2), respect des principes de moralité et de probité (article 3), secret professionnel (article 4), obligation de s'en tenir à des données confirmées dans les actions d'information du public et abstention de toute attitude publicitaire (article 13), exercice non commercial de la médecine (article 19), abstention de tout acte, même en dehors de l'exercice de la profession, qui serait de nature à déconsidérer celle-ci (article 31).
Dérive
Après l'éditorial aux accents particulièrement véhéments publié par le Pr Jean Langlois dans « le Bulletin de l'Ordre » du mois dernier (numéro 13), sous le titre « La consultation médicale n'est pas un spectacle ! », cette issue procédurale ne faisait guère de doute : « Des médecins en situation de consultation exposent leur pratique et leur patient devant une caméra de télévision, s'indignait le président du conseil national ; tout le grand public béat participe ainsi aux révélations et à l'exposition de l'anatomie des patients ! Comment une chaîne de télévision, au prétexte d'une pédagogie sur l'obésité, peut-elle ainsi être la complice de cette dérive ? »
Sans se montrer surpris, les intéressés n'en font pas moins état de leur sentiment d'être victimes d'une discrimination, sinon d'une injustice : « Depuis notre émission, note le Dr Zermati, j'ai relevé plusieurs magazines (Zone Interdite sur la tabacologie avec le Pr Lagrue, Des racines et des ailes consacrée à l'obésité chez les mineurs, et même des reportages sur les consultations d'alcoologie) où on a pu assister à des consultations filmées sans qu'aucune voix s'élève au Conseil de l'Ordre pour les fustiger. »
Le Dr Ferrand, face à cette inégalité de traitement, proteste de sa certitude de n'avoir commis aucune faute déontologique mais d'être en butte à la volonté de certains responsables d'avoir choisi ce dossier pour « se racheter une conscience ».
Quant au Dr Boublil, il s'appuie sur une décision de la Cour européenne des droits de l'homme, qui impose aux plaignants de notifier d'une manière claire et explicite les motifs de leurs plaintes. Il attend maintenant que lui soient fournies « des explications compréhensibles sur (ses) éventuels manquements ».
« Dommage, se lamente encore le Dr Zermati, que ce débat autour des rapports entre médecins et télévision occulte le débat qui aurait dû primer, sur l'inutilité et la nocivité des régimes d'amaigrissement. »
Tous ces praticiens soulignent que la procédure ne s'appuie sur aucune plainte de confrère, mais qu'elle est seulement diligentée par les conseils départementaux. Et ils s'étonnent que l'un des leurs, auteur des mêmes faits, ne soit pas pour sa part inquiété.
Deux rapporteurs vont être maintenant désignés pour instruire les dossiers. Les audiences publiques seront probablement fixées au début de l'année prochaine.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature