Les réactions des syndicats de médecins libéraux
Le Dr Michel Chassang (président de la CSMF)
« Je suis évidemment extrêmement satisfait que la démocratie l'ait emporté sur l'exclusion et que Jacques Chirac ait gagné face à un programme qui était aux antipodes de l'éthique et de la déontologie médicale.
Cela étant, il reste tout à construire et il faut pour cela que le président dispose d'une majorité pour gouverner, et rien n'est sûr. Le gouvernement qui s'installe doit se retrousser les manches et se mettre rapidement au travail pour traiter les dossiers les plus urgents.
A cet égard, celui de la santé et de la médecine libérale est très important. Les médecins doivent continuer à montrer leur détermination, car les plats ne repassent pas deux fois, Il faut profiter de la première fois.
Le président et le gouvernement doivent rapidement faire un geste fort vers les médecins. En attendant, il est hors de question que nous cessions notre mouvement de grève de gardes de nuit et de week-end, et nous sommes bien décidés à poursuivre dès demain d'ailleurs l'opération "Ponts sans toubibs". Nous n'avons pas l'intention de laisser au gouvernement un délai de grâce, comme certains pourraient le suggérer. Notre dossier est connu, et les politiques qui s'installent aux commandes savent qu'il est urgent de le régler. Il leur faut cinq minutes pour signer les textes qui appliquent le C à 20 euros, le V à 30 euros et qui suspendent les pénalités financières pour les spécialistes, dans le cadre du règlement minimal conventionnel. Il faut que soient tenus au plus vite les engagements pris par le candidat Chirac. En attendant, nous continuons notre mouvement. »
Le Dr Jean-Gabriel Brun (président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français)
« D'abord, on est rassuré : le sursaut républicain a joué à fond et le spectre de l'extrême droite est relégué aux oubliettes. Mais je voudrais souligner que le président Chirac va au devant d'élections législatives qui ne seront pas gagnées aussi facilement. La gauche va se rassembler et il ne faut pas exclure une nouvelle cohabitation. En tout cas, nous interpellons dès maintenant le nouveau Premier ministre en lui demandant de suspendre immédiatement le règlement conventionnel minimal pour les spécialistes, ce qui permettra de reprendre des négociations sereines avec la CNAM. Il est possible qu'il y ait, en matière de santé, des décisions très importantes dans le mois qui vient, c'est pourquoi nous voulons prendre date en nous adressant dès aujourd'hui au Premier ministre nommé. Nous souhaitons lancer la concertation entre les caisses et certains syndicats verticaux de spécialistes afin d'obtenir des évolutions tarifaires. »
Le Dr Pierre Costes (président de MG-France)
« La participation est un élément très rassurant quant au sens de la responsabilité des Français. Quatre-vingt-deux pour cent, c'est un front démocratique qui va au-delà des clivages habituels et des programmes. La démocratie, le refus de la xénophobie et le respect de l'autre ont fait l'unité nationale. Mais je ne voudrais pas que l'on oublie trop rapidement les 5 millions de personnes séduites par des discours simplistes, des solutions faciles dans une société très complexe. Dans le secteur de la santé aussi, on a vu par le passé des discours et des solutions simplistes emporter l'adhésion, au moment des élections aux caisses de retraite, par exemple. Il faut donc que très très rapidement le Premier ministre noue le dialogue avec les professionnels qui sont en rupture de confiance avec l'Etat et la Sécurité sociale, ce qui suscite par exemple le phénomène des coordinations. Cela veut dire concrètement que le Premier ministre doit recevoir très vite les syndicats médicaux et de professionnels de santé pour dire comment il voit les choses et comment il donne corps aux promesses de campagne. Nous serons très vigilants à cet égard. »
Le Dr Jean-Claude Régi (président de la FMF)
« Ce soir, je suis content. mais la mobilisation sans précédent de l'électorat entre les deux tours de l'élection présidentielle laissait peu de place au doute quant au résultat. Nous tournons donc la page de l'élection présidentielle pour ouvrir aussitôt celle des législatives et, à cet égard, il faut bien reconnaître que nous ne sommes guère avancés. En effet, si l'on compare le programme santé du candidat Chirac et celui du candidat Jospin qui deviendra demain celui des socialistes, on n'aperçoit guère de différences, qu'il s'agisse de la création des agences régionales de santé qui sont une opération de déconcentration, plutôt que de décentralisation, de l'ONDAM ou de la responsabilisation des acteurs de santé.
Nous attendons du président élu des mesures fortes et rapides : le C à 20 euros, la levée des pénalités financières pour le médecins spécialistes du secteur I dans le cadre du règlement minimal conventionnel, l'arrêt de toutes les poursuites pour les médecins qui auraient appliqué le C à 20 euros. Enfin, les médecins sont las d'être sans cesse tenus pour responsables des déficits et des gaspillages. Au soir de cette élection, il faut que le président élu et, demain, le gouvernement mettent en place une nouvelle politique dans le domaine de santé, en tenant compte de tous ces éléments. »
Le Dr Jacques Reignault (président du CNPS)
« On a eu un vote républicain, et c'est une excellente chose. On a un président de la République largement élu, et c'est Jacques Chirac. On sait aussi qu'il a un programme de santé et de protection sociale, et c'est aussi une très bonne nouvelle. Encore faut-il qu'il ait les moyens de l'appliquer, c'est-à-dire qu'il dispose d'une majorité parlementaire qui lui permette de mettre en pratique les idées qu'il nous a détaillées lors de sa venue aux Assises nationales du Centre national des professions de santé. C'est là que réside notre inquiétude, car il serait grave, que demain nous nous retrouvions dans la même situation qu'hier. C'est pour cela que nous disons clairement qu'il faut donner une majorité au président de la République et, à cet égard, nous refusons de pratiquer la langue de bois. Car nous connaissons le programme du président, qui passe notamment par des revalorisations d'honoraires et par une nouvelle logique qui tourne le dos à la maîtrise comptable. Il sera important qu'il puisse tenir ces objectifs. C'est pour cela que nous disons clairement qu'il faut abandonner le système de la cohabitation. »
Le Dr Dinorino Cabrera (président du SML)
« Ayant appelé à voter Chirac dès le premier tour, je ne peux que me réjouir que les valeurs républicaines aient été plébiscitées lors de ce second tour. Mais il reste quand même une inconnue importante : les législatives. Si les électeurs choisissent encore la cohabitation, je le dis très clairement, certes avec un peu de provocation, il y a de fortes chances pour que, dans cinq ans, nous ayons un second tour à l'élection présidentielle Le Pen-Mégret, tant les choses auront été bloquées, tant les Français seront las.
Il faut donc donner une nette majorité à Jacques Chirac pour qu'il puisse appliquer la politique qu'il a présentée aux Français au cours de ce scrutin présidentiel.
Le président doit aussi donner des signes forts aux Français avant le premier tour des législatives et il le fera par le gouvernement de mission - j'aime bien ce terme - qu'il va mettre en place.
Le président et le gouvernement vont d'ailleurs faire un geste envers les médecins, j'en suis persuadé. Peu importe le délai, demain, dans une semaine ou dans quinze jours, mais il y a aura un geste. Le C à 20 euros, c'est acquis. Je suis tout à fait confiant, pour en avoir souvent parlé avec le président et ses conseillers. Mais je veux bien insister ; refusons la cohabitation. C'est un danger dont les Français ne mesurent pas encore toutes les conséquences néfastes.
Enfin, je voudrais insister sur le fait que je trouve déplorable qu'on affuble le président d'adjectifs tout à fait déplacés et infamants, ce qui ne rend pas service à la démocratie et démobilise de nombreux jeunes électeurs. »
Les réactions dans les syndicats de médecins hospitaliers
Le Dr Rachel Bocher(présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers)
« Le grand rendez-vous républicain a bien eu lieu. Et, dans ce contexte difficile, je suis contente d'être restée dans mon rôle de syndicaliste, tout en affirmant clairement que l'INPH est le parti de la démocratie. Je crois qu'il faut maintenant sortir du débat sur les grandes orientations et passer à l'action. Sur ce point, je prends au mot le nouveau président de la République. Quel sens va-t-il donner au message du second tour mais aussi à celui du premier tour, qui était un avertissement cinglant à tous les partis ? Pour moi, tous les chantiers sont en tout cas ouverts. Mon intention, c'est, avant les élections législatives, de prendre rendez-vous avec les présidents des différents groupes parlementaires pour les interpeller sur nos dossiers habituels. Nous restons donc très mobilisés et attentifs. Après un premier tour relativement terne, un deuxième tour assez violent où on voyait bien le danger, si on parlait un peu de politique... »
Le Dr François Aubart(président de la Coordination médicale hospitalière)
« D'abord, la mise à l'écart du chantre de l'exclusion et du négationisme est un élément extrêmement positif. Mais nous ne sommes pas sortis d'une crise majeure : le pouvoir légitime et efficace que les Français veulent, il est encore en devenir. A cet égard, les conséquences durables des deux tours de l'élection présidentielle imposent des propositions à très court terme. Dans notre secteur, j'attends des propositions dans deux directions essentielles : fonder de nouveaux modes partagés de décision et réaliser des actions durables et visibles à la fois pour l'hôpital, dont le dossier doit être débloqué, mais aussi pour la médecine de ville. Dans les jours qui viennent, nous apporteront notre "brique", nous serons disponibles. Entre les deux tours, j'avais clairement appelé à voter pour Jacques Chirac, compte tenu de la gravité de la situation. Maintenant, nous retrouvons notre rôle de proposition et de médiation. »
Le Dr Pierre Farragi(président de la CHG)
« Le résultat de ce soir, c'est d'abord un signe de bonne santé de l'électorat. On ne peut que se réjouir de cette belle victoire de l'esprit républicain, de la démocratie mais aussi, disons-le, de Jacques Chirac lui-même. Je ne suis pas surpris de ce réveil citoyen. Dès aujourd'hui, nous pouvons retourner, sans arrière-pensées, à nos immenses préoccupations syndicales qui concernent notamment l'hôpital public, la démographie médicale, la réorganisation liée à la RTT ou la régionalisation. Nous allons reprendre tous ces dossiers dans les prochaines semaines avec le gouvernement. En prévision des législatives, nous adresserons aux formations politiques nos propositions sur la place de l'hôpital et nous ferons part dans la mesure du possible de leurs réactions. Nous ne prenons pas position en disant que le président élu doit avoir une majorité : les élections législatives, c'est un autre combat... »
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