L'ACADEMIE de médecine a organisé, en partenariat avec l'ONG Equilibres et Populations, une journée d'informations intitulée « Les mutilations sexuelles féminines, un autre crime contre l'humanité : connaître, prévenir et agir ». L'occasion pour elle de rendre publique une série de recommandations afin d'éradiquer les mutilations sexuelles féminines, notamment en Europe.
En 2001, l'Académie avait lancé une première série de recommandations sur l'excision en Afrique.
Cette année, elle s'est penchée sur les mutilations sexuelles féminines (MSF) en France en édictant une série de recommandations (voir encadré). En effet, on estime aujourd'hui encore à 35 000, en France, le nombre de fillettes ou d'adolescentes excisées ou menacées de l'être. Dans le même temps, la prise en charge des séquelles des mutilations est entrée dans une phase nouvelle, plus active, avec des possibilités réparatrices.
Le secret médical levé.
Il reste que la plupart des signalements émanent des PMI et sont pour l'instant très rarement le fait de médecins libéraux. Pourquoi ? Pendant longtemps, de tels signalements ont été considérés comme une rupture du secret médical et il y a même eu pour ce motif des poursuites ordinales de médecins qui avaient choisi de briser le silence.
Cette aberration a été, depuis, prise en compte par le législateur. Depuis janvier dernier, l'article 226-14 du code pénal précise qu'il n'est pas question de poursuivre un médecin pour rupture du secret médical s'il signale au parquet une mutilation sexuelle. « Nous pouvons donc rassurer les médecins, se réjouit le Pr Claude Sureau, ancien président de l'Académie. Il faut aussi recommander à nos confrères la pratique d'un examen clinique chez les fillettes dès lors qu'elles sont originaires d'un pays à risque. »
Par les cinq recommandations qui seront votées en séance mardi prochain, l'Académie souhaite également alerter les métiers de la police et de la justice : « Nous attendons des autorités un renforcement de l'action de la police de l'air et des frontières, une meilleure information des migrants et des parents des fillettes qui partent séjourner dans leur pays d'origine. » Aux Etats-Unis, certaines voix se sont exprimées sur l'argument que l'excision serait une tradition culturelle sur laquelle les Occidentaux n'auraient pas le droit de porter un jugement. « Nous attendons un suivi et un renforcement de la lutte contre les MSF en espérant que ce type de sous-entendu n'imprègne jamais notre culture juridique », rappelle le Pr Sureau.
Me Weil-Curiel, avocate et membre de la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles, insiste sur le fait que les condamnations qui ont été prononcées à l'encontre de parents de jeunes filles excisées (dans la pratique, essentiellement des peines de prison avec sursis) ont joué un grand rôle de prévention. Les jeunes sœurs de la première victime ont pu être épargnées car « les parents ont compris grâce à la comparution le mal qu'ils avaient fait à leurs enfants », explique l'avocate.
Autre inquiétude de l'Académie, la tentation de médicalisation de la pratique pour des motifs pragmatiques : si on ne peut pas empêcher la mutilation, qu'elle soit au moins réalisée de façon indolore et aseptisée. Si un gynécologue italien et des médecins égyptiens ont reconnu l'avoir pratiquée, aucun cas n'est connu en France. Pourtant, « la participation de médecins à des excisions est formellement interdite par l'OMS et par la Fédération internationale de gynéco-obstétrique », insiste le Pr Sureau.
Cinq recommandations
Les recommandations de l'Académie de médecine afin d'éradiquer les MSF :
1) améliorer les connaissances ;
2) favoriser la diffusion des connaissances au sein du corps social ;
3) renforcer et améliorer les pratiques médicales ;
4) améliorer les conditions de prise en charge des femmes excisées et/ou infibulées ;
5) inciter les autorités nationales à mettre en œuvre des politiques efficaces de prévention.
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