DE NOTRE CORRESPONDANT
TRADITIONNEL rendez-vous de l'Ordre et de l'ensemble des organisations professionnelles allemandes, le congrès des médecins allemands a été, cette année encore, dominé par les débats économiques, alors même que la grande réforme du financement des caisses et des actes médicaux (dorénavant rémunérés en euros et non plus en « points ») doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009. Selon le gouvernement, la réforme améliorera la situation des médecins, en leur donnant plus de souplesse pour fixer leurs honoraires et définir leurs actes. Mais les médecins, à l'image de l'Union fédérale des médecins conventionnés (KBV), qui fédère les unions régionales chargées de négocier les honoraires avec les caisses puis de les collecter et de les reverser aux praticiens, estiment que 4,5 milliards d'euros sont nécessaires pour que les 148 000 praticiens libéraux allemands puissent continuer à exercer convenablement leur mission. L'an dernier, ils ont perçu, tous ensemble, 23 milliards d'euros d'honoraires et prescrit 27 milliards d'euros de médicaments. Sans cette «rallonge» de 4,5 milliards, estime le Dr Andreas Kohler, président de la KBV, de très nombreux cabinets médicaux vont faire faillite, et la désertification médicale va s'accélérer, sans parler des délais de plus en plus longs pour obtenir des soins.
La KBV prédit de nouvelles vagues de protestation dans les mois à venir, dans la veine des grandes grèves de 2006, si le gouvernement ne desserre pas rapidement les vis de la rigueur, en autorisant les caisses à augmenter les honoraires dans tout le pays.
Fronde interne.
La KBV doit aussi faire face à une contestation croissante de la part des médecins, suite à la politique « conventionnelle » qu'elle a menée en leur nom ces dernières années, et qui se révèle un échec pour beaucoup d'entre eux. C'est ainsi que de plus en plus de médecins, au niveau régional, sont tentés de signer des conventions « directes » avec certaines caisses, en se passant de l'aval de l'Union fédérale et des unions régionales.
Le syndicat des généralistes du Bade-Wurtemberg vient, par exemple, de signer une convention directe avec l'association des caisses locales (AOK) de ce Land. En vertu de cet accord, les généralistes bénéficieront d'une meilleure rémunération, pouvant aller jusqu'à 20 %, en échange d'une prise en charge globale du patient, qui devra, lui, s'inscrire chez un médecin de famille et renoncer au libre choix du spécialiste, ce qui lui vaudra une baisse de ses cotisations. Si les généralistes badois jubilent, les spécialistes sont beaucoup plus critiques, et la KBV, pour sa part, s'inquiète de «l'éclatement» de l'unité des médecins qui, selon elle, se retournera contre eux. À l'inverse, les médecins de Bade-Wurtemberg, la région allemande la plus riche avec la Bavière, espèrent que la réforme de 2009, qui prévoit un «fond commun» à la place des budgets régionaux, ne se fera pas au profit des régions les moins riches... mais à leurs frais, et espèrent que la convention directe limitera les conséquences de ce phénomène.
Un manifeste adopté.
Au cours de la séance d'ouverture du congrès, le président de l'Ordre, le Pr Jörg Dietrich Hoppe, a rappelé à la ministre Ulla Schmidt que, contrairement à ses dires, le rationnement est devenu une réalité du système de santé : «Je ne dis pas qu'on refuse des soins mais quand on les repousse, quand on ne peut effectuer certains traitements à l'hôpital faute de personnel ou quand les meilleurs médecins n'ont pas le temps de s'occuper de tous les malades, cela s'appelle bien du rationnement et de la médecine à deux vitesses», a-t-il souligné. L'ensemble du congrès a d'ailleurs débattu et adopté une déclaration globale sur «la politique de santé en Allemagne», qui s'inquiète de sa dégradation générale, tant pour des raisons d'organisation que de financement et de démographie. Dans cette «déclaration d'Ulm», volumineux manifeste de 35 pages, les médecins appellent les pouvoirs publics à les remettre au coeur du système de santé, et à leur permettre à nouveau de se consacrer avant tout à leurs patients. «Nous sommes excédés par ces politiques d'évaluation et de certification qui coûtent des fortunes, qui seraient bien plus utiles pour traiter nos malades», a lancé le Pr Hoppe, avant de finir sur une constatation désabusée : «Aujourd'hui, il y a tellement d'experts et de consultants dans le monde de la santé que le médecin est en train d'en être exclu, mais c'est d'abord le malade qui en est la victime.»
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