REFERENCE
Petit lait et caillé
Le contact avec une protéine étrangère est susceptible de sensibiliser le nourrisson, particulièrement lorsqu'il appartient à une famille d'atopiques. Durant les premiers mois de la vie, les allergènes sont avant tout alimentaires. Les manifestations d'allergie liées à l'ingestion des protéines du lait de vache sont cutanées ou respiratoires ; elles peuvent également être digestives.
La composition protéique du lait des différents mammifères, y compris le lait de femme, est voisine. Le lait de vache contient de 30 à 35 grammes de protéines par litre ; elles se répartissent dans le lactosérum (petit lait) pour 20 % et dans le coagulum ou caillé pour 80 %. Le lactosérum contient des protéines essentiellement globulaires soit synthétisées dans la mamelle (b lactoglobuline, a lactalbumine), soit provenant du sang (sérum albumine bovine, immunoglobulines). Le caillé contient les caséines, protéines peu structurées et associées entre elles pour former des agrégats ou micelles en suspension dans le lactosérum. La ß-lactoglobuline, qui est absente du lait de femme et qui représente 50 % des protéines du lactosérum, était considérée comme l'allergène majeur notamment pour les jeunes enfants, les adultes étant considérés comme plutôt allergiques aux caséines. Actuellement, il est admis que toutes les protéines sont susceptibles d'être responsables de l'allergie au lait de vache et que les plus impliquées sont les caséines.
Une approche difficile
L'approche stratégique de la préparation des formules hypoallergéniques est difficile. En raison de la diversité et de la multiplicité des protéines impliquées et des polysensibilisations fréquemment observées, il est impossible d'éliminer la ou les protéines qui seraient responsables de l'allergie. De plus, chacune de ces protéines comporte elle-même au sein de sa molécule de nombreux épitopes, ou structures immunoréactives reconnaissant les IgE, qu'il est illusoire de vouloir éliminer complètement. L'hydrolyse enzymatique de ces protéines les dénature et les fragmente en petits peptides, ce qui contribue à réduire, mais pas à éliminer totalement l'allergénicité. Certains fragments, même courts, peuvent avoir conservé une allergénicité résiduelle.
La préparation de formules hydrolysées sur mesure, adaptées au profil de réactivité de chaque patient est irréaliste et il convient donc de tester les préparations commerciales destinées à des enfants très allergiques.
Epitopes
On distingue les épitopes séquentiels ou linéaires, qui correspondent à une suite d'acides aminés, et les épitopes conformationnels, c'est-à-dire liés à la configuration dans l'espace de la protéine. Il a été récemment montré que des épitopes linéaires, de petite taille, peuvent être des marqueurs d'une allergie grave ou prolongée. Cette constatation ne permet pas d'élaborer de meilleurs hydrolysats, mais elle peut être considérée comme un outil d'affinement du diagnostic clinique afin de savoir si une allergie donnée est susceptible de guérir rapidement.
2 % de la population pédiatrique
Les données de la littérature montrent que la fréquence de l'allergie au lait de vache est très variable selon les auteurs, les régions géographiques concernées, les âges des enfants et les critères diagnostiques retenus. On peut admettre que 2 % de la population pédiatrique soit considérée comme présentant une allergie au lait de vache, c'est-à-dire avec présence d'IgE spécifiques et manifestations cutanées ou respiratoires, voire systémiques. Beaucoup de pédiatres considèrent que cette prévalence est sous-estimée et ne rend pas compte d'une forme d'allergie non IgE dépendante, qui se manifeste par des symptômes digestifs chroniques. La prévalence peut alors atteindre 8 % en pédiatrie.
Guérison spontanée
La disparition de l'allergie aux protéines du lait de vache est attestée par le taux de guérison spontanée. Ce taux est variable et de l'ordre d'un tiers à deux tiers des enfants à 2 ou 3 ans.
Plusieurs mécanismes complexes concourent à cette guérison : maturation de l'appareil digestif et du système immunitaire muqueux intestinal avec la diminution de la perméabilité de la muqueuse digestive et le renforcement de la barrière intestinale, évolution du système immunitaire systémique avec régulation de la balance lymphocytaire Th1/Th2 et évolution de la spécificité et de l'affinité des différents isotypes d'anticorps spécifiques produits.
Cette guérison peut toutefois laisser des séquelles plus ou moins visibles, liées à une forme d'intolérance. Ainsi, la guérison allergique est susceptible de laisser la place à des manifestations digestives mal caractérisées.
D'après un entretien avec le Dr Jean-Michel Wal, INRA-CEA de Saclay, Gif-sur-Yvette) à l'occasion du 22e ongrès de l'European Academy of Allergology and Clinical Immunology, Paris.
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