EN 2004, le gouvernement sud-africain a décidé une mobilisation nationale contre le VIH dans le cadre d’un grand plan de santé publique 2004-2008. Après la mise en place d’études ciblées locales, les autorités sanitaires ont établi des protocoles thérapeutiques : stavudine-lamivudine-efavirenz, en première intention, avec substitution de l’efavirenz par de la névirapine pour les femmes enceintes. Ils ont aussi défini des objectifs de traitement : 500 000 personnes dans la région du Kwazulu-Natal à la fin de l’année 2008, soit la moitié des personnes atteintes dans cette zone.Les stratégies thérapeutiques locales qui doivent être mises en place dans les prochains mois sont en cours d’élaboration. Elles doivent répondre aux quatre principes éthiques recommandés par l’OMS : respect des personnes, justice, bienfaisance et rapport utilité/efficacité. Dans un but d’aide à la décision, des biomathématiciens de l’université de Californie ont testé l’impact épidémiologique (morbi-mortalité) et l’effet sur l’apparition de résistances virales de trois stratégies de distribution des antirétroviraux dans la région du Kwazulu-Natal : deux stratégies fondées sur une distribution urbaine et rurale ; une stratégie fondée sur la distribution exclusive des médicaments dans la ville de Durban.
«Globalement, l’effet du traitement sur la transmission, le taux de résistance et l’incidence des décès en rapport avec le VIH se révèle tout à fait différent que les médicaments soient exclusivement délivrés en zone urbaine ou que la distribution comprenne aussi les régions rurales», analysent les auteurs.
Si les médicaments ne sont distribués que dans la ville de Durban et ses environs, le taux de transmission du virus diminuerait de 25 à 46 % dans la ville et de moins de 5 % dans les zones rurales. Le taux de transmission de virus résistants augmenterait de 0,4 à 5,5 % à Durban, mais dans les campagnes il n’y aurait quasiment pas d’émergence de résistances virales. Par ailleurs, le taux de décès liés au VIH baisserait de 42 % en zone urbaine contre 0,5 % en zone rurale.
Dans les villes et les campagnes.
A l’inverse, si les médicaments sont distribués à la fois dans les villes et les campagnes, l’effet sur les trois données épidémiologiques analysées serait assez similaire dans les deux zones : transmission réduite de 11 à 28 % à Durban et de 17 à 35 % dans les campagnes, transmission de virus résistants de 0,1 à 3 % en ville et de 0,2 à 4,5 % ailleurs ; le taux de décès serait réduit respectivement de 26 et 34 %.
«L’efficacité d’une prise en charge ciblée dans le but de réduire les épidémies est une donnée connue. Mais appliquer ce principe sans être à l’origine de discriminations éthiques est un dilemme. Le but premier de la mise en place des traitements par antirétroviraux reste thérapeutique, mais l’effet préventif d’une telle stratégie doit aussi être pris en compte, analysent les auteurs. Si les autorités sanitaires de la région du Kwazulu-Natal souhaitent minimiser l’épidémie, alors elles doivent choisir la délivrance urbaine spécifique. Mais, si elles mettent en avant le principe égalitaire, c’est une distribution urbaine et rurale qui doit être choisie. Enfin, si le choix se porte vers le principe de maximin, qui donne la priorité aux personnes les moins avantagées, alors le traitement doit être exclusivement délivré dans les campagnes.»
La difficulté de choix.
Pour que les antirétroviraux soient prescrits de la façon la plus efficace possible en Afrique, de nombreux facteurs doivent être pris en compte : financiers, médicaux, logistiques, scientifiques et politiques. «Notre analyse souligne la difficulté de choix à laquelle sont confrontées les autorités sanitaires des pays en développement en raison de la balance entre les objectifs épidémiologiques et éthiques, du fait des limites financières inhérentes à ces régions.»
« Pnas », édition avancée en ligne.
Le VIH au Kwazulu-Natal
C’est en Afrique du Sud que la proportion de la population atteinte par le VIH est la plus importante au monde. Le Kwazulu-Natal est la région la plus peuplée du pays : 9,4 millions d’habitants y vivent, dont 56 % dans des régions rurales. Plus de 21 % de l’ensemble des habitants infectés par le VIH et recensés en Afrique du Sud vivent dans cette région. Dans les villes, le taux d’infection est supérieur à celui des campagnes (13 % contre 9 %).
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