«ALORS QUE LES MARINS de la pêche et du commerce français effectuent des métiers difficiles sur des lieux de travail particuliers», l'administration chargée de la mission Sécurité et affaires maritimes au ministère de l'Écologie a souhaité, dans un souci d'amélioration de la santé et des conditions de travail, que soient étudiées les prévalences de produits psychoactifs dans cette population. Pour les chercheurs Emmanuel Fort et Alain Bergeret, de l'unité mixte INRETS/Invs de recherche épidémiologique et de surveillance transport-travail-environnement de l'université Lyon-1, appelés à apporter un éclairage sur le sujet*, les risques inhérents aux activités maritimes sont amplifiés par des usages de tabac, d'alcool et d'autres substances dont l'usage est globalement plus répandu que dans la population générale.
• Tabac : quarante-quatre pour cent des hommes fument et un sur trois a essayé d'arrêter, contre 33,3 % et trois sur quatre dans la population masculine globale. Parmi les femmes, 37 % sont des fumeuses, contre 26,5 % dans l'ensemble de la gent féminine.
• Alcool : si les Français sont deux fois plus nombreux à céder quotidiennement à l'alcool que les gens de la mer, 20,3 % contre 11 %, ils se révèlent moins sujets à la dépendance selon le test DETA (13,8 % contre16 %). La quantité moyenne bue lors d'une journée type par les marins atteint 5 verres (49 g), voire sept (68 g) chez les moins de 25 ans, tandis que dans la communauté nationale on se contente d'un verre et demi (15 g)**. Les ivresses répétées durant l'année écoulée, toujours chez les hommes (de moins de 30 ans), témoignent là encore d'un terrain à risques aggravés, avec 48,3 % de matelots qui tanguent, bien que ce taux passe à 60 % au niveau national pour les hommes de 20-25 ans. Chez les femmes, 2 % lèvent le coude tous les jours, en moyenne pour moins d'un verre (7 g), et 13 % sont dépendantes, contre 7,3 % et 9,7 % en population générale.
Douze pour cent des professionnels de la pêche et du commerce maritime sontaccros à la fois au tabac et aux boissons alcooliques, contre (seulement) 5,9 % des Français toutes catégories sociales confondues.
• Cannabis : quatre pour cent des personnes exerçant une activité maritime grillent des pétards (2,8 % en population générale) et 14 % des hommes et 8 % des femmes ont été positifs au test urinaire effectué lors de l'étude.
Avec les autres substances illicites, la consommation de cocaïne, tout en apparaissant marginale est «tout de même» le fait de 0,8 % d'usagers occasionnels, contre 0,05 % dans la population globale, indique au « Quotidien » Emmanuel Fort.
Pour les auteurs de l'enquête, «une politique de prévention et de sensibilisation des effets du tabac, de l'alcool et des produits stupéfiants sur la santé peut de toute évidence être mise en place dans les ports», sachant que tous les postes sont à considérer «comme à risque ou à responsabilité». Et, recommandent-ils, une attention particulière doit être portée aux marins âgés de moins de 30 ans.
* Le Pr Alain Bergeret, codirecteur de l'UMRESTTE, est chef de service de l'Institut de médecine du travail de Lyon. Emmanuel Fort est statisticien. L'UMRESTTE dépend à la fois de l'Institut de recherche et d'étude sur les transports et leur sécurité (INRETS) et de l'Institut de veille sanitaire (InVS).
** Les données chiffrées se rapportant à la population générale empruntent au Baromètre santé 2005 de l'INPES. Pour ce qui est de la quantité moyenne d'alcool bue quotidiennement, le Baromètre santé renvoie, non pas à une journée type, mais à la dernière journée de consommation.
Près de 2 000 personnes
L'étude a porté sur 1 928 personnes, dont 70 femmes ; 39 ans de moyenne d'âge pour les hommes, 32 pour les femmes ; 56 % vivent en couple, 61 % n'ont pas le baccalauréat, 58 % sont des marins du commerce et 36 % de la pêche, 28 % des matelots, 27 % des officiers et 25 % des patrons. Un questionnaire leur a été remis lors de la visite médicale annuelle des gens de mer. La recherche d'une consommation récente de cannabis a été effectuée par dépistage urinaire, celle d'une dépendance tabagique et alcoolique respectivement par tests de Fagerström et DETA.
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