DE NOTRE ENVOYÉ SPECIAL
RASSURER sans promettre la lune. Devant les cadres de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf) réunis à Cannes pour leur université d’été, le ministre de la Santé avait un grand oral périlleux sachant qu’il ne pouvait en aucun cas accéder à l’exigence du syndicat d’un objectif « soins de ville » (1) à plus 2 % en 2007 – faute de quoi, avait pourtant prévenu le président Michel Chassang, la réforme serait dans «l’impasse» et le système conventionnel «bloqué». «Je ne suis pas un magicien»,a répondu Xavier Bertrand, conscient qu’il ne pouvait même pas proposer la moitié de ce taux dans la perspective de la réduction du déficit de l’assurance-maladie en dessous de 4 milliards d’euros l’an prochain. (Les prévisions de la commission des comptes de la Sécurité sociale envisagent un déficit de 5,1 milliards en 2007 – lire page 5 – en dehors de toute nouvelle mesure du gouvernement.)
Le ministre de la Santé s’est néanmoins efforcé de rassurer son auditoire dans lequel plusieurs dizaines de médecins généralistes arboraient des tee-shirts avec cette mention : «2007: C=23euros» (voir photo). «Il y aura davantage de marges d’action sur les honoraires en 2007 que les années précédentes», s’est engagé le ministre .
Ces fameuses marges de manoeuvre , souvent promises depuis la rentrée,ne proviennent pas uniquement des arbitrages budgétaires dans le cadre du Plfss 2007. Elles sont en partie liées aux «résultats» 2006 de la maîtrise médicalisée et aux «bonnes surprises» sur les dépenses de soins de ville grâce à une réforme que le ministre juge aujourd’hui «diablement efficace». Aux partenaires conventionnels de jouer les «Messieurs plus» – en accentuant encore les économies dans les mois qui viennent – et de faire leurs choix tarifaires. «Met-on la priorité sur le C? Fait-on autre chose? C’est à vous de le décider»,a lancé, plutôt habile, Xavier Bertrand, qui s’est même attiré quelques applaudissements des cadres confédérés. Même prudence de Sioux sur le passage du C à 23 euros que la Csmf réclame «avant les élections». «Ce n’est pas à moi de dire si on augmente leC au 1er janvier, au 1er février ou plus tard.» Une façon de renvoyer la balle dans le jardin des partenaires conventionnels, qui doivent cependant négocier dans le cadre des enveloppes fixées par le gouvernement.
«Xavier Bertrand est un parfait politique, il sait noyer le poisson»,dit un cadre Csmf de la région, qui note que «ce ministre maîtrise ses dossiers».
Michel Combier, chef de file des généralistes de la Csmf, est resté sur sa faim. «Le ministre ne veut pas se mouiller. Les médecins sont dans le flou. La maîtrise des dépenses fait boule de neige, mais la convention sans argent, c’est pas le TGV. Plutôt un tortillard...»
Invité de l’université d’été, le directeur de la Cnam, Frédéric van Roekeghem, confiait de son côté que les décisions sur les honoraires devraient prendre en compte les revendications tarifaires des autres professions de santé libérales.
Un partenaire particulier.
En revanche, prudent sur l’agenda tarifaire, Xavier Bertrand a consolidé l’axe politique et conventionniste autour de la Csmf en jugeant que les élections aux Urml n’ont pas modifié la donne. «Depuis deux ans, nous avons des partenaires forts, fiables et courageux. Quand on a des partenaires, on les garde.» Un hommage soutenu qui ne facilite pas forcément la tâche de la Csmf, placée en première ligne pour obtenir des résultats. Quant au risque de blocage de la convention – les syndicats qui la refusent veulent utiliser systématiquement leur droit d’opposition majoritaire aux nouveaux avenants y compris l’avenant sur la visite (« le Quotidien » du 25 septembre) –, le ministre reste de marbre. «Je ne crois pas à une paralysie du système, dit-il. Il va falloir qu’on m’explique comment des syndicats peuvent refuser des augmentations de tarifs!»
Au chapitre des engagements, Xavier Bertrand a garanti que la question du paiement de la PDS du samedi après-midi serait réglée très rapidement (à partir de midi et non pas 14 heures). Il a promis une accélération des procédures pour appliquer les évolutions de nomenclature et des propositions de simplification administrative «dans les jours qui viennent».
Il n’exclut pas enfin de relever plus rapidement que prévu le numerus clausus (pour l’instant programmé à 7 000 par an jusqu’en 2010) afin de prendre en compte le développement rapide du temps partiel dans les prochaines années .
(1) Cet objectif regroupe principalement les honoraires et les prescriptions.
La crainte de l’Umespe
Les spécialistes de la Csmf n’ont guère été rassurés, semble-t-il, par les propos du ministre de la Santé à Cannes.
L’Umespe, qui place comme «priorité» la réforme des actes de consultation afin d’aider les spécialités cliniques «sinistrées», craint que les arbitrages budgétaires dans le cadre du Plfss ne donnent aucune perspective dans ce domaine. Autre épine : le secteur optionnel. L’Umespe «ne partage pas la lecture» de Xavier Bertrand qui souhaite réserver ce secteur promotionnel aux seuls chirurgiens. L’Umespe «met en garde le ministre de diviser, une fois de plus, les diverses spécialités, en oubliant les pratiques coopératives autour du patient, gages d’une médecine et d’une chirurgie moderne».
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