C OMME les quelque 500 autres membres d'associations d'aide aux déficients visuels réunis sur 45 sites à travers la France, via une liaison téléphonique interactive organisée depuis Vincennes (Val-de-Marne), Josette Farges a enfin pu « visualiser » les huit pièces et les sept billets du futur euro, grâce à des spécimens prêtés par la Banque centrale européenne (BCE).
« Bien sûr, comme tout le monde, nous avions déjà entendu parler de l'euro, explique cette souriante retraitée paloise, membre de l'association Croisade des aveugles. Mais là, nous avons pu le voir, le toucher. »
Au creux de sa main, elle soupèse les pièces et en évalue le diamètre. Du bout des doigts, elle en caresse la tranche : « Celle-là, avec sept petits crans, c'est "la fleur espagnole", les 20 centimes », dit-elle.
Au bout de quelques manipulations, elle classe les huit pièces devant elle, dans l'ordre : 1, 2, 5, 10, 20 et 50 centimes, 1 et 2 euros.
Pour les billets, là aussi le toucher est primordial, avec certaines techniques particulières. Certains classent les différentes coupures (de 5 à 500 euros), toutes d'une taille différente, en les « mesurant » autour de leur poignet.
Alain Duverneuil, lui, préfère les « compter » en évaluant leur taille entre son index et son majeur. « Mais en cas de doute, il y a d'autres indices », explique ce Périgourdin, membre de l'association Valentin Haüy en effleurant l'infime ligne en relief présente sur les coupures de 200 et 500 euros, ou en lisant du bout du doigt le montant de chaque billet, indiqué avec une encre en relief, en haut à gauche et en bas à droite de chaque billet.
Si Josette et Alain ont pu découvrir cette nouvelle future monnaie pendant quelques heures, ils devront désormais patienter avant de retrouver ces pièces et billets et pouvoir à nouveau se préparer à la bascule vers l'euro. Comme le million d'autres déficients visuels (dont 70 000 aveugles) à travers la France.
« Lutte contre la fraude oblige, il nous est totalement interdit de conserver ces euros, même si ce sont des spécimens » (NDLR : les billets étaient imprimés sur une seule face et les pièces ne portaient pas les gravures définitives), explique Patrick Day, coordinateur-insertion au sein de l'Union des aveugles et déficients visuels (UnADV) et animateur de la réunion de Bordeaux samedi.« Selon le planning prévu par la BCE, il faudra désormais attendre octobre pour que les associations d'aide aux mal- ou non-voyants soient définitivement équipées d'un kit euro complet ».
Pour les 21 personnes venues samedi à Bordeaux à la découverte de l'euro, destinées à devenir des animateurs-relais sur la monnaie unique pour les 6 000 déficients visuels que compte la région Aquitaine, il faudra donc continuer à parler d'euro sans euro, à partir de quelques brochures en braille ou d'un jeu de pièces en carton. « Ça fait un peu canard boiteux », regrette Josette Farges.
Des jetons en euro pour les handicapés
La Commission européenne a produit plusieurs milliers de séries de jetons pour familiariser les groupes de personnes souffrant d'un handicap sensoriel ou mental avec les nouvelles pièces en euro. Leur aspect et leur toucher sont semblables à ceux de la monnaie réelle, qui sera mise en circulation dès le 1er janvier 2002. Les caractéristiques de la tranche, indispensables pour permettre aux aveugles de les reconnaître, ainsi que leur couleur, sont également identiques aux originaux. En revanche, la composition du métal n'est pas la même et les dimensions sont légèrement différentes.
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