Les malentendus

C'EST DANS UN DÉCOR étrange, ponton lugubre sous ciel de plomb, avec deux cabines de bain funèbres, enveloppées de voiles noirs, que Luc Bondy installe « la Seconde Surprise de l'amour ». Il s'intéresse surtout aux mouvements contradictoires des coeurs, ici. La versatilité des sentiments est constante et lorsque, comme deux grands enfants abandonnés, on quitte la Marquise (Clotilde Hesme) et le Chevalier (Micha Lescot), tout enveloppés de lourde tristesse, on n'est pas certain qu'une étincelle ne va pas les réveiller pour qu'encore ils s'étourdissent une fois, se fassent peur, jouent avec le risque du renoncement…

Tout Marivaux est là. Et Luc Bondy dirige à merveille des interprètes d'une subtilité magnifique. Dans le rôle des valets manipulateurs – ils ourdissent beaucoup pour leur propre bonheur, qui est plus simplement accepté ! – Audrey Bonnet et Roch Leibovici font merveille. Le prétendant que l'on éconduira est très bien dessiné par Roger Jendly tandis que le maître ès lectures, confident-philosophe délicieux mais ici continuellement moqué, est incarné avec une intelligence éblouissante et discrète à la fois par Pascal Bongard.

Quant aux amoureux, quant aux éternels adolescents, à ceux qui n'aiment l'amour que parce qu'il peut se dissoudre, ceux qui jouent avec le feu, ceux qui font semblant de confondre amitié et amour, ceux qui s'enchantent et finissent sans doute dans un certain désenchantement, exténués de s'être fait si peur, Clotilde Hesme, si belle et charnelle, Micha Lescot, si élégant et séduisant, ils sont comme deux virtuoses magnifiques, acrobates du coeur, spirituels et délicats, bref, marivaldiens...

Théâtre Nanterre-Amandiers dans le cadre du Festival d'automne, à 20 h 30 du mardi au samedi et en matinée le dimanche à 15 h 30. Durée : 2 h sans entracte (01.46.14.70.00). Jusqu'au 21 décembre.