1) Définitions
On peut distinguer plusieurs types de définition de la cholestase.
1.1) Définition physio-pathologique. La cholestase peut se définir de façon simple comme étant un trouble de la formation (par le foie et les hépatocytes…) ou de l'élimination (par les canaux biliaires…) de la bile.
1.2) Définition clinique. C'est un ictère à urines foncées et parfois des selles décolorées, avec ou sans prurit.
1.3) Définition clinique pratique. Elle peut comprendre les éléments suivants.
1.3.1) Il existe une augmentation des phosphatases alcalines, supérieure à 1,5 ou 2 fois la limite supérieure de la normale (N), selon les auteurs.
1.3.1.1) Cette élévation des phosphatases est parfois associée à une augmentation de la bilirubine conjuguée. 1.3.1.2) En cas de doute sur l'origine des phosphatases alcalines (os ou, au cours de la grossesse, le placenta), on recherchera des arguments associés : cliniques (prurit) et biologiques (augmentation des transaminases, voire des acides biliaires).
1.3.2) L'augmentation des phosphatases alcalines est généralement associée à une augmentation de la gamma-GT (GGT). En effet, les cholestases avec une GGT normale sont exceptionnelles chez l'adulte.
1.3.3) Lorsque l'on parle de cholestase, c'est en fait parce que celle-ci est prédominante par rapport à la cytolyse (jugée sur les transaminases [aminotransférases]) qui est souvent associée.
1.4) Cholestase « chronique ». En hépatologie, le terme « chronique » sous-entend habituellement : « depuis plus de six mois », qu'il s'agisse de cytolyse (augmentation des transaminases) ou de cholestase (augmentation des phosphatases alcalines).
1.5) Définition anatomopathologique. C'est l'accumulation de bilirubine dans le tissu hépatique, avec parfois dégénérescence spumeuse des hépatocytes.
2) Rappel anatomique
On peut distinguer de l'hépatocyte vers le duodénum (de l'amont vers l'aval) les structures suivantes :
2.1) Canalicules biliaires. Ils n'ont pas de paroi propre. Ils correspondent à une différenciation particulière de la paroi de deux hépatocytes adjacents. C'est le pôle biliaire (canaliculaire) de l'hépatocyte : c'est le premier segment excréteur de la bile sécrétée par l'hépatocyte.
2.2) Canal de Hering. Il est bordé à la fois par des cellules hépatocytes et biliaires.
2.3) Les ductules ou cholangioles sont formés de 3 ou 4 cellules cubiques ; ils ont moins de 15 µm de diamètre.
2.4) Les canaux biliaires interlobulaires siègent dans les petits espaces portes ; ils ont moins de 100 µm de diamètre.
2.5) Les canaux septaux naissent de la confluence des canaux interlobulaires. Leur revêtement cellulaire est cylindrique. Leur diamètre est supérieur à 100 µm.
2.6) Viennent ensuite les canaux segmentaires (entre 400 et 800 µm), puis les canaux hépatiques droit et gauche, le canal hépatique commun, puis (après l'abouchement du cystique venant de la vésicule) le cholédoque et la papille duodénale (ampoule de Vater)…
3) Rappel anatomo-pathologique (lésions élémentaires)
3.1) Bilirubinostase.
3.1.1) L'accumulation de pigment de bilirubine (sous la forme de grains jaune-brun) peut s'observer à différents niveaux :
– hépatocyte. D'aspect vitreux ou plumeux (Feathery Degeneration) ;
– canalicules biliaires, ductules et canaux biliaires interlobulaires, avec possibilité de « thrombi » ou « bouchons biliaires » (brun-vert) ;
– bilirubine phagocytée par les cellules de Kupffer, dans l'espace sinusoïdal.
3.1.2) La localisation de la bilirubinostase dans le lobule hépatique est variable :
– centro-lobulaire, en cas d'obstacle sur les voies biliaires,
– centro-, médio- ou pan-lobulaire, en cas de cholestase d'origine hépatocytaire.
3.2) Cholestase. L'accumulation de sels biliaires intracellulaires (stase des cholates) a, du fait de leur action détergente, un effet délétère sur les hépatocytes, qui prennent un aspect clair et ballonisé, avec un cytoplasme granuleux. Ces hépatocytes péri-portaux cholestatiques peuvent présenter des corps de Mallory. Il y a fréquemment aussi une prolifération ductulaire et un infiltrat inflammatoire.
4) Conduite à tenir initiale (« de débrouillage »)
4.1) On est habituellement en face d'adultes peu ou pas symptomatiques (parfois une asthénie, un prurit…), chez lesquels on découvre une augmentation des phosphatases alcalines et de la GGT, avec des transaminases normales ou peu élevées.
4.2) Deux ordres d'examens sont à envisager d'emblée : un examen biologique et un bilan par imagerie.
4.2.1) Examen biologique. La recherche d'anticorps antimitochondrie est très souvent positive (environ 60 % des cas), en cas de cirrhose biliaire primitive. Ce diagnostic doit être envisagé systématiquement chez une femme de la cinquantaine se plaignant de prurit.
4.2.2) Imagerie. La recherche d'une tumeur hépatique ou d'un obstacle sur la voie biliaire peut se faire selon le contexte et par ordre de complexité (ou d' «invasion» croissante) comme suit :
– échographie abdominale,
– bili-IRM,
– échoendoscopie,
– cholangiographie rétrograde endoscopique.
Les examens biologiques (biochimiques et immunologiques) nécessaires au bilan étiologique d'une cholestase chronique de l'adulte seront envisagés plus en détail dans un prochain article.
Réponse
L'assertion 4.2.1) est inexacte. En effet, au cours de la cirrhose biliaire primitive, les anticorps antimitochondrie sont présents dans plus de 90 % des cas et non pas dans environ 60 % des cas.
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