Le rapport annuel de la Cour des comptes sur la Sécu

Les magistrats plaident pour une maîtrise à long terme des dépenses

Publié le 10/09/2006
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LA COUR DES COMPTES rendra public jeudi son neuvième rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Un rendez-vous toujours attendu avec crainte dans le secteur de la santé, d’autant que Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, endosse à cette occasion les habits d’un procureur impitoyable. L’an passé, le rapport des magistrats de la rue Cambon avait notamment tiré à boulets rouges sur la politique conventionnelle de l’assurance-maladie, au motif qu’elle a fait dépenser «plus de 2milliards d’euros» d’incitations financières sur huit ans, alors que les professionnels de santé libéraux, eux, «n’ont quasiment jamais tenu leurs engagements». Lors de la présentation du rapport de 2005, Philippe Séguin avait aussi dénoncé la «situation de banqueroute virtuelle» des régimes ASV (avantage social vieillesse) dont bénéficient les médecins libéraux et quatre autres professions de santé conventionnées. Si le rapport 2006 est encore tenu au secret, la Cour des comptes a déjà indiqué quelles seront les principales cibles de son cinglant réquisitoire : les médicaments rétrocédés (1), la tarification à l’activité (T2A) des établissements de santé, les dépenses de soins infirmiers, les dépenses d’action sociale, ainsi que les régimes spéciaux de retraite. L’examen à la loupe de ces thèmes conduit la Cour des comptes à souligner «la nécessité de réformes profondes pour maîtriser durablement les dépenses de Sécurité sociale».

Le chapitre consacré à la T2A sera vraisemblablement sans surprise, puisqu’il devrait reprendre l’analyse et les conclusions d’un précédent rapport de la Cour des comptes commandé par les députés de la Mecss (Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale). Ce rapport, publié en juin dernier, confirmait les critiques formulées un an plus tôt par l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) à l’encontre de la T2A. Certes, la Cour des comptes se gardait d’émettre un jugement global et définitif sur ce nouveau système de tarification. Cependant, elle mettait à l’index «les incohérences» de la mise en oeuvre de cette réforme, le manque de contrôles sur les facturations des établissements, l’ «opacité» des tarifs et les défaillances du pilotage de la T2A (« le Quotidien » du 6 juin). La Cour des comptes a aussi déjà levé un peu le voile sur son diagnostic financier présenté jeudi. «Le déficit de l’ensemble des régimes de Sécurité sociale et des fonds de financement a augmenté en 2005, passant de 14,2milliards d’euros en 2004 à 14,4milliards, indique le communiqué de la Cour. Le redressement de la branche maladie du régime général (dont le déficit est passé de 12,3milliards d’euros en 2004 à 8 milliards en 2005) a été plus que compensé par la dégradation des résultats des autres branches.» Enfin, elle estime à «plus de 37milliards d’euros» les besoins de financement du régime général et des fonds de financement à l’horizon 2009.

Plfss : vers des prescriptions de ville à taux zéro en 2007.

Le gouvernement, de son côté, continue de travailler à la préparation du Plfss (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) de 2007. Ses intentions se précisent notamment sur la question de la ventilation d’un Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance-maladie) oscillant autour de 2,5 %. Logés sensiblement à la même enseigne qu’en 2006 (leur objectif était de + 0,9 %), les soins de ville seront soumis une nouvelle fois à des objectifs distinguant honoraires et prescriptions. Souhaitant, au chapitre des honoraires, laisser des marges de manoeuvre aux partenaires conventionnels, le ministère de la Santé envisagerait également de réserver aux prescriptions un cadre moins contraint qu’en 2006 : le taux d’évolution des prescriptions de médicaments était... négatif, à – 3 %, pour l’exercice en cours ; l’an prochain, il pourrait être... nul. Dans le cadre du Plfss toujours, la taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques – augmentée, elle s’élevait l’an dernier à 300 millions d’euros – pourrait revenir en 2007 à son niveau initial (0,525 % du chiffre d’affaires).

On répète par ailleurs au ministère que si des négociations entre les syndicats libéraux, l’assurance-maladie obligatoire et complémentaire n’avancent pas rapidement sur le secteur optionnel, des dispositions concernant ce nouveau secteur d’activité seront inscrites dans le Plfss.

> KARINE PIGANEAU

(1) Médicaments prescrits à l’hôpital, mais délivrés en officine et donc comptabilisés sur le poste de dépenses des soins de ville.

> AGNÈS BOURGUIGNON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8005