Certifier pour sécuriser et économiser
De quoi s'agit-il ? D'abord, d'améliorer la sécurité de la prescription et donc de lutter contre l'iatrogénie en détectant contre-indications, interactions, incompatibilités physico-chimiques, allergies, redondance de principes actifs, posologies hors normes. Selon la HAS, la prescription en DCI (dénomination commune internationale) permettrait en outre de favoriser un langage commun, de limiter les risques de surdosage et d'améliorer le suivi des traitements à l'étranger. La HAS se penche aussi sur les fonctions utiles à la pratique du médecin comme l'enregistrement de modèles pour faciliter la rédaction des ordonnances les plus fréquentes. Enfin, dernière fonction attendue, le LAP doit offrir la possibilité de diminuer le coût du traitement à qualité égale.
Des fonctionnalités nouvelles
Concrètement, la plupart de ces fonctionnalités sont déjà présentes dans les logiciels les plus performants. Mais cela varie d'un éditeur à l'autre.
De plus, le référentiel contient plusieurs nouveautés et notamment :
– l'adaptation de la posologie en fonction du poids, de la taille, du sexe et de la créatininémie (13) ;
– l'affichage du SMR (service médical rendu) (10) ;
– l'élaboration complète d'une ordonnance en dénomination commune ou DC (36) ;
– le rappel de l'indication lors de la prescription.
Ce qui suppose, bien sûr, que les bases de médicaments (BDM) apportent aux éditeurs de logiciels ces nouvelles possibilités.
Une charte de qualité pour les BDM
C'est d'ailleurs la condition préalable à toute démarche de certification, «l'éditeur s'engage à utiliser une BDM ayant adhéré à la charte de qualité des bases de médicaments de la HAS». Cette charte est en cours d'élaboration puisque la première réunion de travail s'est tenue à la mi-février. Y ont participé Vidal (CMP Medica), la Banque Claude Bernard (groupe Cegedim) et Thériaque, surtout diffusée chez les pharmaciens hospitaliers et gérée par le GIE-SIPS (1).
Du côté des BDM, on explique avoir déjà anticipé les exigences de la HAS. «Les données sont là, y compris les fiches de transparence, souligne Jean-François Magne, chez Resip, l'éditeur de la BCB. Nous sommes prêts à 80% mais il nous reste à intégrer dans les API (les interfaces de programmation,ndlr ) que nous diffusons aux éditeurs, des critères comme le service médical rendu ou la prescription directe en DC».
«La certification a fait poser sur le papier ce à quoi nous travaillions de notre côté depuis longtemps, constate le Dr Jean-François Forget. Le directeur scientifique de Vidal estime cependant que si « la certification a le mérite de donner des guidelines aux éditeurs», il reste des points délicats à traiter.
«Il ne faut pas faire prendre de risque au patient, ni au médecin» renchérit le Dr Pierre Bruneau (Cegedim logiciels médicaux), qui se demande comment va faire le praticien s'il doit compter les gouttes de cortisone nécessaires en fonction de l'insuffisance rénale...
La réaction des éditeurs
Les éditeurs qui ont fait partie des groupes de travail sont évidemment bien au fait de la situation.
L'éditeur s'engage à respecter 69 critères numérotés de 9 à 77. «Nous sommes toujours favorables à ce qui permet de tirer la qualité de la pratique médicale vers le haut mais en préservant le plus de simplicité possible», explique le Dr Bruneau. Chez CLM, les utilisateurs (Medigest, Crossway, Docware, Mediclick), sont abonnés à BCB à 80 %, soit un peu plus de 10 000 médecins. «Chez les nouveaux utilisateurs, c'est 100%, précise Régis Sénégou. Du moment que le médecin code en cours de consultation, tout est vérifié automatiquement et ce ne sera pas forcément plus long qu'aujourd'hui.»
La même tendance est observée chez les utilisateurs d'Hellodoc, de plus en plus nombreux à utiliser Vidal Expert selon une enquête de l'éditeur : 3 807 contre 3 000 pour le CD Vidal sur un échantillon de 8 400 médecins (2). Selon Marilyne Minault, d'Imagine Editions, «les médecins sont sur la bonne voie de la sécurisation de la prescription».
Chez Eglantine, le Dr Eric Jarrousse est allé plus loin en proposant à ses bêtatesteurs de relire eux aussi le texte de la HAS. «Il y a eu un appel à candidature.» Le président de la Feima prépare, il est vrai, cette certification depuis septembre 2004 et a participé aux deux groupes de travail et donc à la préparation du processus de certification.
Pascal Diamand, d'Axilog, juge lui aussi la démarche «intéressante». «En tant qu'éditeur, nous sommes plutôt contents, la moitié de notre parc de médecins fait aujourd'hui de la prescription sécurisée avec Vidal Expert ou avec le VidalCD qui permet de coder en CIM 10. Ce qui est en forte progression et montre l'évolution de la pratique. Pour le médecin, ce sera un enrichissement d'avoir des informations supplémentaires comme le SMR ou la prescription en DCI. On n'associait pas la ligne de traitement et le diagnostic, ce sera dorénavant possible; de même que la visualisation de l'historique des différents médicaments pour un patient donné.»
Avec le pharmaco-correcteur de Medistory, Thierry Kauffmann a toujours pris soin de séparer la sécurisation de l'ordonnance de sa rédaction. «C'est la base de médicaments qui fournit son expertise, pas le logiciel», précise-t-il.
Même si la présence des éditeurs a permis d'éviter certains desiderata de l'administration, la certification va renchérir le coût des logiciels, poursuit le fondateur de Prokov Editions.
Conserver l'ergonomie
Le principal souci des éditeurs, c'est l'ergonomie.
Chez Maidis/Easyprat, Waël Kombar «trouve ça intéressant et ambitieux, la réflexion est pertinente car il y a des aspects que les BDM n'offraient pas jusqu'à présent. Ce sera le travail du logiciel de rendre automatique le déclenchement tout en expliquant ce qu'il sait faire et ne sait pas faire pour que le médecin garde son expertise».
«Cela nous a donné des idées sur des fonctionnalités que nous n'avions pas développées, reconnaît Emile Pêtre (CRIP/Sephira) ; mais, dans certains cas, cela va trop loin. L'utilisateur n'a pas toujours envie de tout contrôler.»
«Il faut que cela reste ergonomique, réclame Yves Martin (Ouvrez la Boîte/Shaman), que cela serve à faciliter le travail du prescripteur, pour l'aider à ne rien oublier.»
«On va suivre Vidal et on fera ce qu'il faut quand nous aurons les API. A mon avis, cela va embêter le médecin dans certains cas et l'aider dans d'autres», estime Martial Bellegarde (Fisimed).
Au sein même des groupes de travail, les éditeurs ont été vigilants sur ce thème. Marilyne Minault alerte sur le risque de ralentir le processus d'élaboration de l'ordonnance. Et Pierre Bruneau rappelle qu'il faut éviter les alertes intempestives sur des sujets que le médecin connaît très bien.
Un processus lourd
«La certification sera un processus assez lourd pour l'éditeur», prévient Marilyne Minault. «On attend le cahier des charges définitif mais il y aura un gros développement dont il va falloir mesurer la charge de travail», confirme le Dr Bruneau. Trop lourd pour certains éditeurs ? La lecture du document de l'HAS en a laissé quelques-uns d'autant plus perplexes qu'ils n'ont pas participé à sa préparation. «A la première lecture, c'est une usine à gaz, s'exclame Alain Adam (Médimust) ; si on met ça dans le programme, le médecin va mettre cinq minutes à faire une ordonnance et il repasse au stylo! Cela dit, c'est médicalement cohérent, mais nous sommes loin de faire tout ça.»
Il ne sera pas obligatoire d'utiliser un LAP certifié. Mais on peut penser que, à l'heure où les médecins sont soumis à l'évaluation de leurs pratiques professionnelles (EPP), l'usage d'un tel logiciel sera considéré comme un gage de bonnes pratiques. Les éditeurs qui investissent dans la certification l'espèrent en tout cas. Une réunion des groupes de travail, après relecture du projet de référentiel et analyse des réponses, est prévue fin mars et les premières certifications sont attendues avant la fin de l'année. n
(1) le GIE -Système d'information sur les produits de santé a été créé le 1er janvier 2004 entre le Centre national hospitalier d'information sur le médicament (Cnhim) et trois caisses d'assurance-maladie (Cnamts, MSA et Canam). Le Cnhim vient de se retirer du GIE.
(2) Vidal Expert compte 10 000 médecins utilisateurs et le Vidal CD 25 000 médecins enregistrés.
Deux groupes de travail
Les cinq éditeurs de la très fermée Feima (Fédération des éditeurs d'informatique médical ambulatoire), représentés par le Dr Pierre Bruneau (CLM), Pascal Diamand (Axilog), le Dr Eric Jarrousse (Eglantine), Thierry Kauffmann (Prokov Editions), Marilyne Minault (Imagine Editions) ainsi que des médecins généralistes, des représentants de l'Afssaps, de l'HAS, du CIP (Club interpharmaceutique) et un universitaire comme le Pr Alain Venot, font partie du groupe de travail « référentiel ».
Les deux principaux éditeurs de base de médicaments (BDM) sont représentés par le Dr Jean-François Forget, directeur scientifique pour Vidal, et Gérard Simon, son fondateur, pour la Banque Claude-Bernard (BCB).
Plusieurs organisations spécialisées (Afaq-Afnor, Cofrac, le Comité français d'accréditation) font partie du groupe de travail « démarche de certification ».
La plupart des éditeurs ont ensuite reçu le référentiel pour relecture avec une fiche d'évaluation à remplir.
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