Transmission mère-enfant
Une consultation d'experts de l'OMS (Genève, 5 et 6 février) a abouti à la publication de recommandations pour les femmes enceintes infectées par le VIH : celles qui ont la chance d'être traitées doivent poursuivre leur traitement, en respectant les contre-indications existantes. Pour les autres, c'est-à-dire pour la grande majorité des femmes habitant les pays pauvres, il est stipulé que la prévention de la transmission à l'enfant repose, dans le meilleur des cas, sur l'administration d'AZT, à partir de la 28e semaine, avec une dose unique de névirapine au début du travail pour la mère, le nouveau-né recevant une dose unique de névirapine et une semaine d'AZT. D'autres possibilités existent : AZT seul (selon les mêmes règles), association d'AZT et de 3TC (à partir de la 36e semaine de grossesse jusqu'à la fin de la première semaine du post-partum, le nouveau-né recevant l'association pendant une semaine) et enfin dose unique de névirapine à la mère et à l'enfant.
Bien sûr, ces recommandations stipulent que les choix doivent être faits au niveau national sur des critères d'efficacité, mais aussi d'accessibilité, ce qui, on le sait, est le problème essentiel dans les pays du tiers-monde.
La résistance à la névirapine
L'étude présentée par N. Martinson, menée dans deux hôpitaux sud-africains, montre que l'administration d'une dose unique de névirapine au début de l'accouchement est associée à un fort taux de résistance chez les femmes ainsi traitées. En effet, à la visite du post-partum, en moyenne à sept semaines, on dénombre 39 % de mères présentant une résistance à la névirapine. Un pourcentage considérable, même s'il semble décroître dans le temps (43 % entre quatre et six semaines et 25 % après dix semaines). Par ailleurs, à l'âge de sept semaines, 42 % des enfants présentaient des mutations de résistance. A dix semaines, le taux de transmission materno-foetal avoisinait les 9 %, un taux plus élevé chez les femmes présentant des mutations de résistance.
Commentant ces résultats, Kate Carr, président de la Elisabeth Glaser Pediatric Aids Foundation, précise que ces données sont connues, même si l'on espérait un taux plus faible de résistances : « Il s'agit d'une information triste, mais nous ne devons pas oublier que, sur le terrain, 1 % seulement des femmes enceintes bénéficie d'une prévention quelle qu'elle soit. Le problème essentiel est à ce niveau. »
Le bon élève thaïlandais
Débuté en 2001, le programme Phpt 2 en Thaïlande avait pour objectif d'étudier si l'adjonction d'une dose unique de névirapine (chez les mères et les nouveau-nés) pouvait augmenter l'effet prophylactique d'un traitement par l'AZT. Ce programme, dont les résultats ont été présentés par le Dr Marc Lallemant (Institut de recherche pour le développement), est globalement très positif, ce qui a d'ailleurs conduit aux recommandations de l'OMS.
En effet, la première analyse intermédiaire a montré que le taux de transmission était de 1,1 % quand les deux médicaments sont administrés à la mère et à l'enfant contre 6,3 % avec le protocole AZT seul (p = 0,00026) ; quand seule la mère prend de la névirapine, le taux de transmission est intermédiaire (2,1 %). Ces données sont confirmées par les résultats définitifs présentés à la Croi, avec, là encore, une supériorité quand la bithérapie est administrée à la mère et à l'enfant (2 % de transmissions contre 2,8 %).
Les autorités thaïlandaises n'ont pas tardé à tirer les conséquences de ces résultats en annonçant qu'elles allaient généraliser la bithérapie prophylactique. Reste à savoir si un tel schéma est à la portée de tous les pays, même si le coût minimal de cette bithérapie est estimé aux alentours de 30 dollars.
Inquiétude pour l'avenir des femmes
Si l'essai Phpt fournit des informations favorables en ce qui concerne la prophylaxie de la transmission materno-foetale, il apporte également un élément d'inquiétude en ce qui concerne l'efficacité des thérapies chez la mère ultérieurement. En effet, comme l'a montré le Dr G. Jourdain (Harvard, Boston), il semble qu'une dose unique de nivérapine compromet l'efficacité d'une trithérapie ultérieure incluant la nivérapine. Plus précisément, cette sous-étude a porté sur 213 femmes ayant bénéficié d'une prophylaxie pendant leur grossesse et qui se sont vu proposer en post-partum une trithérapie associant d4T, 3TC et nivérapine (à noter que 61 d'entre elles présentaient une mutation de résistance deux semaines après l'accouchement).
Il apparaît que, après six mois de trithérapie, 53 % des femmes ayant reçu de la nivérapine mais n'ayant pas développé de résistances ont une charge virale indétectable et 34 % seulement quand une telle mutation est apparue. A titre de comparaison, ce pourcentage est de 75 % chez les femmes n'ayant pas reçu de nivérapine pendant l'accouchement.
Il apparaît donc que la dose unique de nivérapine, si elle augmente bien l'efficacité de la prophylaxie par AZT, peut sélectionner des populations virales persistant pendant de longues périodes, ce qui peut engendrer des échecs thérapeutiques et/ou obliger à changer de stratégie.
La césarienne prophylactique n'est pas une fatalité
Une étude présentée par le Dr D. Shapiro (Boston) ayant porté sur plus de 3 000 femmes montre que le risque de transmission materno-foetale dépend de la charge virale : il passe de 0,6 % quand celle-ci est inférieure à 1 000 copies/ml, à 2,7 % entre 1 000 et 10 000 copies et à près de 6 % au-delà. En outre, le nombre de molécules antirétrovirales prescrites, quelles que soient les classes thérapeutiques associées, influencent le risque de transmission, le risque est de 1,3 % en cas de trithérapie et de 5 pour la monothérapie par AZT. Pour ces deux paramètres, les différences sont statistiquement significatives (p < 0,01).
Par ailleurs, cette étude permet de répondre à la question : la césarienne prophylactique est-elle utile chez les femmes dont la charge virale a été ramenée à moins de 1 000 copies/ml. La réponse est non. Autrement dit, quand l'infection est bien contrôlée, la césarienne ne s'impose pas.
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