Le principal intérêt des nouveaux tests de dépistage de la tuberculose latente réside dans l'absence de réaction croisée avec le BCG. Deux études comparant chacun des tests à d'autres méthodes de dépistage montrent toutefois que ces tests semblent intéressants, mais qu'ils ne peuvent suffire à eux seuls au diagnostic. Manque de concordance avec les autres méthodes de dépistage, résultats parfois ininterprétables, variation de la réponse feraient partie des limites de ces tests.
LES SUJETS nécessitant une biothérapie doivent systématiquement faire l'objet d'une recherche de tuberculose latente en raison du risque de réactivation de la maladie lors du traitement. Le diagnostic de tuberculose latente repose actuellement sur les recommandations de l'AFSSAPS, qui comportent une intradermoréaction à la tuberculine (IDR), un interrogatoire poussé recherchant une notion de contage, des antécédents personnels de tuberculose et, de principe, une radiographie pulmonaire. L'IDR présente plusieurs limites, notamment sa réalisation, sa lecture et son interprétation qui sont difficiles. De plus, l'IDR manque de spécificité à l'égard du vaccin par le bacille de Calmette et Guérin (BCG). La vaccination par le BCG peut être responsable d'une IDR supérieure à 5 mm, malgré l'absence de tuberculose latente.
En 2006, la Haute Autorité de Santé a proposé le remplacement de l'IDR par les tests de détection de l'interféron-g (IFNg) dans le bilan préthérapeutique des biothérapies 1. Ces tests, le T SPOT-TB (Oxford Immunotec, Royaume-Uni), d'une part, et le QuantiFERON®-TB Gold In-Tube (Cellestis, Australie), d'autre part, ont été récemment commercialisés. Tous deux consistent à stimuler invitro des cellules de sang total mises en culture en présence d'antigènes spécifiques du complexe Mycobacterium tuberculosis et absents des souches vaccinales de BCG, puis à mesurer la production d'IFN-g, reflet de l'activation des lymphocytes T spécifiques. La détection d'IFNg est réalisée par une technique ELISPOT pour le T SPOT-TB, alors qu'elle repose sur une technique ELISA pour le test QuantiFERON.
Ces tests sont décrits comme étant plus spécifiques et plus sensibles que l'IDR, bien que leurs performances soient difficilement évaluables pour le diagnostic de tuberculose latente en l'absence de gold standard. Dernièrement, deux études ont évalué l'intérêt de chacun de ces tests dans le dépistage de la tuberculose latente chez des patients atteints de rhumatisme inflammatoire et nécessitant une biothérapie.
T SPOT-TB versus autres méthodes de dépistage.
Une étude prospective a été menée récemment au CHU de Nancy-II, l'objectif principal étant de comparer le nombre de tuberculoses latentes dépistées à l'aide du T SPOT-TB avec celui obtenu par d'autres méthodes de dépistage. Les résultats du T SPOT-TB étaient comparés à quatre autres méthodes de dépistage : l'IDR, les recommandations de l'AFSSAPS, un score proposé parl'équipe de J. Martin et une quatrième méthode de dépistage propre au service de rhumatologie de Nancy, reposant à la fois sur les recommandations de l'AFSSAPS et sur le T SPOT-TB. Le nombre de patients suspects de tuberculose latente était déterminé pour chacune des différentes modalités, puis comparé. Un autre objectif de l'étude était d'étudier l'influence de différents paramètres sur la réponse du test T SPOT-TB, et notamment les caractéristiques des patients, de leurs rhumatismes inflammatoires et des traitements.
Au total, 295 patients ont été screenés. La moyenne d'âge était de 49 ans et le ratio hommes-femmes indiquait une prédominance féminine. Les patients inclus étaient atteints de polyarthrite rhumatoïde, de spondylarthropathie, ou d'un rhumatisme inflammatoire indéterminé. Le nombre de patients suspects de tuberculose latente obtenu avec les différentes modalités était très variable : 27 % pour le T SPOT-TB, 40 % pour l'IDR, 64 % pour les recommandations de l'AFSSAPS, 15 % pour le score composite de Martin et 72 % pour la méthode nancéienne. Les résultats mettaient aussi en évidence de fortes variations de la réponse du T SPOT-TB. Les facteurs qui influençaient la réponse au test étaient la corticothérapie, la durée d'évolution du rhumatisme inflammatoire et l'indice de BASDAI. Une durée d'évolution de la maladie plus longue était corrélée avec un résultat positif du test, alors qu'un BASDAI élevé était associé de façon significative à un test négatif. L'étude montrait que, sous corticothérapie, on avait plus souvent une réponse négative du test. L'âge, le type de rhumatisme inflammatoire, une biothérapie antérieure et le DAS 28 n'avaient, eux, pas d'influence sur le résultat du T SPOT-TB. Les résultats de cette étude montrent que le nombre de patients éligibles pour une chimioprophylaxie n'est pas le même avec le T SPOT-TB et les autres méthodes de dépistage. Il existe notamment un facteur 5 entre le score de Martin et la méthode nancéienne, alors que ces méthodes incluent toutes deux le T SPOT-TB. Pour le Dr Dintinger , «les résultats de cette étude semblent indiquer que le TSPOT-TB serait plus intéressant que l'IDR pour diagnostiquer une tuberculose latente, mais, comme il existe des facteurs influençant sa réponse, il ne peut suffire à lui seul pour le diagnostic. Il reste à trouver la place exacte de ce test dans un score diagnostique».
Mesure de la concordance entre QuantiFERON et IDR.
Une deuxième étude prospective, menée au CHU Lyon-Sud-IV, a comparé le dépistage de la tuberculose latente par le test QuantiFERON® et l'intradermoréaction. Le test QuantiFERON® et une IDR étaient réalisés chez chacun des patients inclus dans l'étude avant la mise en route d'une biothérapie. La concordance entre les deux méthodes de dépistage a été évaluée par des méthodes statistiques spécifiques (test Kappa, notamment). Quatre-vingt-quinze patients ont été recrutés en rhumatologie entre février et août 2007 ; l'âge moyen était de 53 ans et on notait une prédominance de femmes. Les patients inclus étaient traités principalement pour une polyarthrite rhumatoïde, une spondylarthropathie ou un rhumatisme inflammatoire chronique indéterminé.
Le test QuantiFERON® était positif chez 17 patients et négatif chez 58. Les résultats du test étaient ininterprétables dans 21 % des cas (du fait de l'absence d'activation dans le contrôle positif ou d'une activation spontanée dans le contrôle négatif). L'IDR était supérieure à 5 mm dans 30 % des cas et inférieure ou égale à 5 mm dans 70 % des cas. Lorsque les résultats du QuantiFERON étaient interprétables et ceux de l'IDR disponibles (56 patients), les deux tests montraient des résultats différents dans 23 % des cas. Il semblerait donc exister une faible concordance entre les deux méthodes de dépistage, avec une valeur du test Kappa à 0,37. Le couple QuantiFERON négatif-IDR supérieure à 5 mm était plus fréquent (16 %) que son opposé (7 %) et n'était pas associé à d'autres arguments cliniques de risque de réactivation de tuberculose. Lorsque le test QuantiFERON® était ininterprétable, les résultats de l'IDR étaient variables (< ou > 5 mm). Les résultats ininterprétables pouvaient s'expliquer par un état inflammatoire (CRP élevée) ou une lymphopénie. Un contrôle positif semble indispensable pour interpréter correctement le résultat du test QuantiFERON® et éviter les résultats faussement négatifs.
Ces résultats, selon le Dr Cuerq, «mettent en évidence une faible concordance entre le test QuantiFERON®et l'IDR dans le dépistage de la tuberculose latente, chez les patients français souffrant de rhumatisme inflammatoire chronique. Des études prospectives portant sur un plus grand nombre de sujets sont indispensables afin de préciser l'intérêt de ces tests avant toute biothérapie».
D'après un entretien avec les Drs Hervé Dintinger, service de rhumatologie, CHU de Nancy Brabois, Vandoeuvre-lès-Nancy, et Charlotte Cuerq, laboratoire d'immunologie, centre hospitalier Lyon-Sud. (1) Test de détection de la production d'interféron g pour le diagnostic des infections tuberculeuses. Rapport de la Haute Autorité de Santé ; décembre 2006. (2) Dintinge Hr, Kennel-De-March A, Loeuille D, Costantino F, Rat AC, Béné MC, Pourel J, Faure G, Chary-Valckenaere I. Le diagnostic de tuberculose latente par le T SPOT-TB comparé à d'autres méthodes de dépistage dans le cas de patients atteints de rhumatismes inflammatoires (RI) : Influence de la maladie et des traitements. 20e Congrès français de rhumatologie, décembre 2007.
(3) Martin J, Gibbs A, Walsh C, Fearon U, McDonnell T, Veale D, FizGerald O, Bresnihan B. Screening for latent tuberculosis infection (LTBI) Prior to anti-TNF therapy : evaluation of T cell-based interferon-release assays. Arthritis and Rheum 2006 ; 9, S329.
(4) Cuerq C, Rouzaire PO, Rozieres A, Gaujac D, Cozon G, Llorca G, Vignon E, Tebib JG, Bienvenu J, Larbre J-P, Piperno M. Intérêt du test QuantiFERON‚ avant instauration d'un traitement par biotherapie. 20e Congrès français de rhumatologie (travail O37), décembre 2007.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature