De notre correspondante
LA QUESTION du transfert de charges avait déjà animé plusieurs discussions informelles à l'Union régionale des médecins libéraux (Urml) de Rhône-Alpes. Sous la houlette du Dr Philippe Degryse, également président de l'Union des radiologues de Rhône-Alpes, une commission a donc été chargée d'analyser ce phénomène au moyen d'une enquête (1), qui s'est appuyée sur 240 volontaires, 123 généralistes et 117 spécialistes.
Si la méthodologie choisie introduit des biais évidents de sélection et d'observation, le nombre de médecins interrogés et leur représentativité « permettent quand même d'obtenir une photographie du transfert des charges », estime Philippe Degryse.
Chronophage.
L'enquête révèle que les tâches administratives sont « chronophages» : elles représentent 18 % du temps d'activité des généralistes et 17 % des spécialistes interrogés. Dans le palmarès des activités qui prennent le plus de temps, la télétransmission des feuilles de soins électroniques (FSE) arrive en tête. Assurée par 90 % des généralistes et 75 % des spécialistes interrogés, elle occupe entre 23 et 25 minutes par jour. « En matière de perception, notent les auteurs, on relève que la transmission des FSE est considérée comme un transfert de charges par 80 % des généralistes et 90 % des spécialistes. »
En seconde position vient la gestion des tiers payants qui, dans cette enquête, concernait 13 % des patients de généralistes et 15 % des patients de spécialistes. En fonction des spécialités exercées par ces derniers, les tâches peuvent devenir pesantes, comme cela semble être le cas en radiologie. Installé en Isère, Philippe Degryse constate que, depuis le début de sa carrière, il y a vingt ans, « le taux de patients en tiers payant est passé de 30 à 85 % ». Dans ce petit cabinet qui compte deux radiologues, une secrétaire doit désormais affecter les trois quarts de son temps de travail à la gestion des dossiers tiers payant. L'enquête révèle qu'en moyenne la tâche prend 19 minutes par jour aux généralistes et 13 minutes aux spécialistes. Enfin, la gestion de dossiers lourds, tels que ceux de la Cotorep (commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnels, qui ouvrent des droits aux adultes handicapés), de l'APA (Allocation personalisée d'autonomie) ou autres, vient en troisième position dans ce palmarès. Bien qu'elle ne revienne pas trop souvent - les dossiers Cotorep, par exemple, ne représentent que 0,6 % des tâches accomplies par les généralistes sur 4 654 dossiers renseignés -, cette tâche prend « de 10 à 15 minutes, si on ne considère que le temps passé durant la consultation », écrivent les auteurs.
A côté de ces dossiers, le carnet de santé, les certificats médicaux et les arrêts de travail sont les tâches administratives les plus fréquemment effectuées.
Gains de productivité ?
En résumé, la télétransmission associée à la gestion des tiers payants, considérées comme les prototypes du transfert de charges, reste la bête noire des libéraux. Ces tâches « sont d'autant plus insupportables, analyse Philippe Degryse, que certaines doivent être effectuées en différé, le soir après les consultations ». L'enquête met l'accent sur le fait que « toute paperasserie qui augmente, sans rémunération adaptée ou revalorisation de l'acte, est forcément mal perçue par les libéraux ». Les résultats et LES conclusions de l'Urml ont été adressés aux institutions rhônalpines.
Pour sa part, le directeur de la Cpam de Lyon regrette que les gains et toutes les perspectives d'amélioration des conditions de travail liés à l'informatisation des cabinets médicaux n'aient pas été explorés dans le cadre de cette étude. « Se demander ce qui pourrait être fait pour diminuer les charges administratives et gagner en productivité, poursuit Gérard Ropert, serait une bonne réflexion. » Il cite l'exemple de la qualité des informations véhiculées par les logiciels de télétransmission qui serait très inégale. Quant à la gestion des tiers payants, « la surcharge existe pour nous comme pour les professionnels de santé, rappelle-t-il ; c'est la contrepartie d'une amélioration de l'accès aux soins pour les populations en situation d'exclusion ».
(1) Réalisée en 2003 par le centre Rhône-Alpes d'épidémiologie et de prévention sanitaires (Careps), à Grenoble.
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