« Procédures d'identification d'Adolf Hitler », présentées par un chirurgien-dentiste de Lausanne (Suisse) ; « Identification du cur de Louis XVII », par un légiste de l'université de Muenster (Allemagne) ; « Débat sur l'arsenic contenu dans les cheveux de Napoléon », par un professeur de pathologie légale de Paris-V ; « Utilisation de l'ADN dans l'analyse des restes de Nicolas II et de sa famille », par un légiste de Birmingham (Royaume-Uni). Et même « Reconstitution de l'accident de circulation qui a coûté la vie à Lady Diana », présentée par un expert de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) de Rosny-sous-Bois (France). Le congrès des sciences médico-légales, qui se déroule du 2 au 9 septembre à Montpellier, pour sa première édition en France et la seizième depuis sa création, en 1957, n'a pas inscrit à son menu que d'austères interventions sur les dernières avancées de la biologie moléculaire au service de la médecine légale ou autres développements de l'imagerie appliqués à l'élucidation du crime.
« C'est vrai qu'en mettant à l'affiche de tels thèmes nous cherchons à attirer les médias grand public », convient le Pr Eric Baccino, chef du service de médecine légale du CHU de Montpellier, président en exercice de l'IAFS. Le maître d'uvre du congrès triennal de l'IAFS se défend toutefois de céder le moins du monde au racolage. « Simplement, explique-t-il, nous voulons faire parler de nous, car notre spécialité le mérite. Et le nécessite : nous en avons assez d'être considérés comme des croque-morts, alors qu'en France, du moins, la thanatologie ne représente qu'une partie très minoritaire de nos activités. »« Ainsi, poursuit le Pr Baccino, les autopsies et levées du corps ne constituent que 20 % de nos actes dans un CHU comme celui de Montpellier, très représentatif de la pratique nationale. En fait, les légistes français consacrent la moitié de leurs interventions à l'examen des personnes gardées à vue et 35 % d'entre elles à celui des victimes vivantes, ce que l'on appelle la médecine légale clinique. Il est grand temps d'en finir avec les clichés qui continuent de nous être affublés, jusque et y compris dans le milieu médical ! »
Cette orientation est spécifiquement française, alors que les pays anglo-saxons restent en majorité dans leurs pratiques « autopsiant » : selon une étude du Pr Michel Durigon (institut médico-légal de Garches), 8 000 autopsies seraient pratiquées chaque année en France, contre 80 000 en Grande-Bretagne.
Le particularisme hexagonal, en l'occurrence, a pris son essor au milieu des années quatre-vingt, expliquera le Pr Didier Gosset (institut de médecine légale de Lille), à l'occasion de la communication qu'il va consacrer en session plénière à « la vue d'ensemble des différents systèmes de médecine légale clinique » :« C'est à cette époque qu'une nouvelle génération de légistes a pris le relais des anciens maîtres de la discipline, insufflant alors un vent nouveau dans beaucoup de CHU. Se multiplièrent alors des consultations, puis des services de médecine légale. Des services bénéficiant d'une approche multidisciplinaire et dotés des indispensables garanties d'indépendance et d'expertise. Ils formèrent, explique le Pr Gosset, la structure de base dans l'organisation de départementsforensiques (néologisme d'origine anglo-saxonne qu'affectionnent nombre de praticiens), comme à Lille, Toulouse, Strasbourg, Nice, Rennes ou Bordeaux. Mais leur existence reste aujourd'hui précaire et incertaine tant qu'elle n'est pas inscrite dans les textes. Une modification de la législation serait indispensable dans les prochaines années. »
Cette pérennisation via une nouvelle réglementation paraît d'autant plus souhaitable que, souligne le Pr Baccino, « on observe ces dernières années un plus grand souci de la prise en charge des victimes. L'évolution est inéluctable, de même que dans la répression des crimes contre l'humanité, où l'expertise des charniers, par exemple, fournit des indices essentiels ».
Un autre domaine dans lequel les légistes sont très sollicités concerne l'expertise de l'aléa thérapeutique ou de la faute médicale. Sans oublier la bioéthique et, d'une manière générale, toutes les interfaces, de plus en plus nombreuses et délicates, qui lient le droit et la médecine.
Pour répondre à l'étendue et à la diversité de tous ces sujets, le renouveau signalé depuis une quinzaine d'années ne suffit pas. « Avant, on était en pleins balbutiements, estime le Pr Gosset, mais, depuis, l'engouement a fait long feu. Désormais, c'est toute la question de la formation de la nouvelle génération des légistes qui est posée. »
Pratiquement, depuis la suppression des CES, un DESC a été institué ; les ministères de la Justice et de la Santé ont, en outre, créé une capacité de pratique médico-judiciaire qui, contrairement à son intitulé, consiste principalement en un enseignement théorique, dépourvu, à la différence du DESC, de toute pratique, hospitalière ou autre.
D'autres pays en Europe, telles l'Allemagne, la Grèce, l'Italie ou l'Espagne, proposent un cursus sur trois ans. Comme le remarque, laconique, le Pr Gosset, « quelques discussions restent nécessaires pour poser les bases d'une spécialité européenne en bonne et due forme ».
Un manque de vocations
Dans l'immédiat, les vocations ne se pressent pas au portillon. Un effet Columbo ou Navarro est bien noté ici et là : des lycéens en deuxième cycle prennent contact avec des chefs de service et leur demandent parfois la permission (bien sûr, systématiquement refusée) d'assister à une autopsie. Mais force est de constater que, dans leur très grande majorité, les légistes français ont embrassé leur discipline au hasard des postes offerts, sans motivation particulière. « Normal, commente, réaliste, le Pr Baccino. Quand vous attaquez des études de médecine, c'est mu par la vocation de soigner, de soulager, de guérir. Et certainement pas pour vous consacrer à des évaluations de préjudices. Nos actes ne sont guère gratifiants, du moins à court terme, car une gratification à retardement intervient parfois. La médecine légale pour affronter aussi les autopsies demande une maturation personnelle. Il faut être passé par diverses étapes d'accoutumance à l'horreur avant d'être capable de se pencher sur le cadavre d'une fillette de quatre ans qui vient d'être massacrée. »
Une spécialité qui en compte beaucoup
Du 2 au 7 septembre, les spécialistes réunis au palais des Congrès de Montpellier (Hérault) vont assister à 343 communications et 33 exposés pratiques ; ils vont participer à 10 petits déjeuners-séminaires et 33 ateliers. La liste des sujets abordés relève de toutes les spécialités des sciences médico-légales : génétique, toxicologie, balistique, psychiatrie, anthropologie, droit médical, bioéthique, odontologie. Sans parler des empreintes digitales, de la gestion de scènes de crime, des catastrophes de masse, de la radiologie, des nouvelles imageries...
« Nous avons un vrai problème de lisibilité, reconnaît le Pr Durigon, en raison de la très vaste étendue de notre champ d'investigation. »
Renseignements et inscriptions sur le site Internet www.iafs2002.com.
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