Prise en charge en pratique clinique de la BPCO

Les leçons à retenir du congrès américain

Publié le 07/06/2018
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BPCO

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Crédit photo : PHANIE

La théophylline n'est plus beaucoup utilisée dans la BPCO. Elle le reste toutefois encore assez largement dans certains pays, en particulier de l'autre côté de la Manche. En France, elle continue à faire partie de l'arsenal thérapeutique, même si elle est réservée aux patients en échec. Les propositions de la Société de pneumologie de langue française éditées en 2016 recommandant en effet d'envisager la théophylline uniquement quand des exacerbations persistent sous trithérapie inhalée, en particulier en présence de dyspnées (1).

Mais le traitement de la BPCO a largement évolué ces dernières années. Dans ce contexte, la théophylline a-t-elle encore un intérêt en pratique clinique ? La question est légitime. Seule une étude académique pouvait s'y intéresser. C'est chose faite ! Une étude britannique présentée à San Diego a évalué l'impact d'un ajout de théophylline aux traitements inhalés chez des patients non contrôlés sous bi- ou trithérapie inhalée incluant un corticoïde (2). Résultat, on n'a pas moins d'exacerbations plus une tendance à une surmortalité. « Cette étude vient définitivement enterrer la théophylline dans la BPCO », selon le Pr Pierre Régis Burgel (CHU Cochin, Paris).

Cette étude randomisée a comparé, chez plus de 1 500 patients, l'efficacité de l'adjonction de théophylline à faible dose – 200 mg deux fois par jour – au traitement inhalé laissé à l'appréciation du clinicien. Parmi les patients, 80 % étaient sous trithérapie inhalée et 20 % sous bithérapie inhalée incluant un corticoïde. Les patients, pour être inclus, devaient avoir souffert d'au moins deux exacerbations dans l'année. L'étude court sur un an de traitement.

Les résultats de cette étude randomisée versus placebo ne mettent pas en évidence de bénéfice associé à la théophylline chez ces patients sous traitements standards inhalés modernes. Les taux d'exacerbations dans les deux bras ne diffèrent pas. Et, alors que le rapport bénéfice risque de la théophylline fait depuis longtemps débat, les décès tendent à être plus nombreux sous théophylline (2,5 % vs 1,8 %). Bref, aucun signal n'est favorable au traitement en add on par théophylline. Cet essai pragmatique sponsorisé par les autorités de santé britanniques (NIHR : National Institute for Health Research) tend donc à mettre un point final à la théophylline dans la BPCO.

Retour de la trithérapie à une bithérapie bronchodilatatrice : pas toujours une bonne idée

Une autre étude présentée à San Diego a testé le retrait, 6 mois durant, de la corticothérapie inhalée chez 1 000 patients sous trithérapie au long cours exempts d'exacerbation. L'idée était de réduire la charge en corticoïdes en raison notamment du risque infectieux, en particulier pulmonaire. « Il s'agit d'une étude de non-infériorité en termes de fonction respiratoire (VEMS) », précise Pr Burgel. Or si la non-infériorité est atteinte dans cette étude, le retour de la trithérapie à une bithérapie bronchodilatatrice s'est accompagné d'une perte de 26 ml de VEMS comparativement au groupe resté sous trithérapie. Cette perte peut paraître limitée. Mais elle est à mettre en regard de la durée restreinte – 6 mois – de l'essai. Par ailleurs, si les exacerbations modérées et sévères ne diffèrent pas globalement dans les deux bras, chez les patients présentant plus de 300 éosinophiles/mm3 à l'inclusion, ces exacerbations sont significativement majorées. « En pratique clinique, en l'absence d'exacerbations, le retour de la trithérapie à une bithérapie bronchodilatatrice est donc possible. Les recommandations vont très probablement aller dans ce sens-là. Ceci d'autant que le nombre de patients sous trithérapie a très largement crû ces dernières années. En revanche, ce retour vers une bithérapie strictement bronchodilatatrice est à proscrire en présence d'une éosinophilie supérieure à 300/mm3 », conclut Pr Burger.

D'après un entretien avec le Pr Pierre Régis Burgel (CHU Cochin) en direct du congrès de l'American Thoracic Society à San Diego.

(1) M. Zysmana et al. Pharmacological treatment optimization for stable chronic obstructive pulmonary disease. Proposals from the Société de Pneumologie de Langue Francaise. Revue des Maladies Respiratoires 2016;33:911-36

(2) D Price et al. Abstract 7709, ATS 2018. Etude TWICS

(3) KR Chapman et al. Withdrawal of Inhaled Corticosteroids from COPD Patients Inhaling Long-Term Triple Therapy: The SUNSET Study. Amer J Respir Critical Care Med 2018;197:A1009

Pascale Solere

Source : Le Quotidien du médecin: 9671