Le projet de déremboursement d'environ 220 médicaments à SMR (service médical rendu) insuffisant, dont la liste devrait être rendue publique aujourd'hui par la commission de la transparence, concerne des spécialités appartenant pour l'essentiel aux domaines de la pneumologie, de la dermatologie, de la gastro-entérologie, sans oublier les veinotoniques et les sédatifs à base de plantes.
L'industrie pharmaceutique n'a pas tardé à sentir le danger et, par la voix de Bernard Lemoine, vice-président délégué du Leem (Les Entreprises du médicament), elle a fait savoir que si ces déremboursements entraient en vigueur, ils pourraient se chiffrer « en centaines de millions d'euros de pertes » pour les entreprises du secteur. Mais pour le Leem, le plus important est « que soit prise en considération l'utilité sociale de ces médicaments, sans créer de difficultés pour les populations modestes concernées ». Sans compter que l'industrie pharmaceutique a déjà pris sa part dans les économies prévues par la réforme de l'assurance-maladie, avec son engagement de réaliser 2,1 milliards d'euros d'économies sur le médicament d'ici à 2007.
Les entreprises du secteur pharmaceutique ont cependant obtenu un lot de consolation. Un décret paru au « Journal officiel » au mois d'août prévoit en effet que « la décision de radiation d'un médicament (...) peut autoriser la publicité pour ce médicament auprès du public pour une période maximale de six mois précédant l'entrée en vigueur de cette radiation ». Il s'agit en fait de préserver l'image du médicament déremboursé auprès du grand public.
Des garde-fous sont cependant prévus afin que cette publicité ne se traduise pas par une hausse excessive des ventes qui aurait des retombées sur les comptes de l'assurance-maladie avant que le déremboursement ne soit effectif. Les laboratoires seront donc autorisés à faire de la publicité grand public pour des médicaments encore remboursés par l'assurance-maladie.
L'exemple de l'Italie.
Quoi qu'il en soit, les médicaments « candidats à la radiation » ne sont pas choisis à la légère : à la suite des déboires rencontrés en 2003 lors de l'annulation par le Conseil d'Etat de la baisse de remboursement de deux médicaments, et après les critiques émises par le même Conseil d'Etat contre les avis rendus par la commission de la transparence, le ministre de la Santé de l'époque, Jean-François Mattei, avait engagé une réforme de cette institution. Désormais, les spécialités soumises à son analyse sont examinées médicament par médicament, et indication par indication, alors qu'ils étaient simplement analysés par classe thérapeutique auparavant. Rien n'interdit donc d'imaginer que le remboursement de certaines spécialités soit maintenu pour telle indication, et supprimé pour telle autre.
De la même manière, la liste des médicaments candidats à la radiation ne constitue vraiment pas une surprise. Dès l'automne 2002, Jean-François Mattei avait prévenu qu'il procéderait à trois vagues successives de déremboursements. La dernière, prévue pour 2005, doit concerner des médicaments « sans utilité médicale, mais qui n'ont pas d'équivalents plus utiles, et qui conservent donc une certaine utilité sociale ». Depuis cette date, étaient régulièrement cités les veinotoniques, les antitussifs, les sirops expectorants et autres sédatifs à base de plantes.
Mais si la liste des médicaments qui devraient être radiés ne constitue pas une surprise, l'effet sur les comptes de l'assurance-maladie pourrait en réserver quelques-unes. Pour les veinotoniques par exemple, de nombreux experts estiment qu'en cas de déremboursement il y aurait des reports de prescriptions massifs vers les Ains (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et les antalgiques. De même, en Italie, la loi portant réforme du système de sécurité sociale du 8 août 1995 prévoyait notamment le déremboursement des veinotoniques. Les consultations pour maladie veineuse s'élevaient auparavant à 18 millions par an, elles sont descendues, après l'application de la loi, à à peine plus de 7 millions. Dans le même temps, la consommation de veinotoniques a elle aussi chuté, mais surtout, le nombre de patients hospitalisés pour maladies veineuses est passé de 19 000 à 26 000. Avec pour conséquence, un coût total de la maladie veineuse chronique en hausse pour la Sécurité sociale italienne...
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