LA VRAIE SURPRISE du New Hampshire, c'est l'exploit de John McCain, candidat républicain, qui, quelques heures plus tôt, semblait en perdition. Le sénateur de l'Arizona n'est pas un candidat de derrière les fagots comme Mike Huckabee, venu de nulle part, ou Mitt Romney, copie conforme de George Bush. M. MacCain est un acteur du changement aux Etats-Unis et, s'il continue à penser que son pays doit rester présent en Irak, il a des idées rafraîchissantes en matière sociale et fiscale. C'est en outre un héros de la guerre du Vietnam et un homme dont le courage et la persévérance sont remarquables.
En dépit de sa performance dans le New Hampshire, il lui faut encore convaincre l'électorat républicain de tourner la page du bushisme. Il n'est pas du tout certain que l'appareil du parti le rejoindra dans cette démarche. Si son succès se confirmait, la droite américaine y gagnerait pourtant ; car elle opposerait au bon candidat que les démocrates investiront (qu'il s'agisse de Mme Clinton, de M. Obama ou même de John Edwards) un autre candidat de qualité. Et la campagne apporterait alors la démonstration que l'Amérique se trouve dans une phase historique, avec des choix entièrement nouveaux à faire, que les mots traditionnels de droite et gauche ne parviennent pas à recouvrir.
L'horizon n'est pas clair.
On ne niera pas pour autant le puissant comeback de Mme Clinton qui, à la veille de la primaire du New Hampshire, pouvait craindre que les carottes étaient cuites car les sondages réalisés dans ce petit Etat de la Nouvelle-Angleterre accordaient de nouveau à Barack Obama une avance considérable. Cette fois, les instituts d'opinion se sont trompés, mais l'avance de Mme Clinton sur M. Obama (deux points, à 39 % contre 37 %) reste faible. Elle a certes accompli un exploit, mais seulement par rapport à une sagesse conventionnelle qui la croyait perdue dès mardi. Elle a devant elle un parcours extrêmement dur à accomplir, la popularité de M. Obama n'étant nullement superficielle.
Toutefois, et c'est la raison pour laquelle nous pensions, depuis l'Iowa, qu'elle resterait dans la course, elle a, elle aussi, de fortes réserves de suffrages dans les 22 Etats qui participeront au Super Tuesday du 5 février. La campagne des primaires présente un aspect particulier : elle exagère les analyses, même chez les meilleurs observateurs : à la veille de l'Iowa, Hillary Clinton avait une réputation d'invincibilité que l'ascension de M. Obama ne suffisait pas à entamer ; au lendemain, on était prêts à la considérer comme quantité négligeable. Mais si Hillary avait semblé invincible, c'est bien parce que tous les sondages nationaux lui accordaient une avance irréductible sur le candidat noir. Elle vient de prouver qu'elle n'a pas perdu les forces qui la soutiennent. Et, de même que le joli coup d'Obama dans l'Iowa a fait croire au monde qu'il était à deux doigts de la présidence, de même la victoire de la sénatrice de New York laisse penser, un peu vite, qu'elle va accumuler les triomphes.
Un exercice démocratique.
Cela tient à un phénomène spécifique aux primaires : elles constituent indubitablement un exercice démocratique (qui n'est même pas inscrit dans la Constitution) dans la mesure où elles écartent les influences diverses, médiatisation, lobbying, désinformation ou intoxication, au profit d'une saine confrontation avec le peuple, qui sert de test préliminaire. Les caciques d'un parti ne peuvent pas, à la veille de la convention, créer un candidat artificiel.
L'AMERIQUE CONSPUEE DANS LE MONDE S'OFFRE LE CHOIX ENTRE UN NOIR ET UNE FEMME
Ils sont obligés de choisir celui qui, dans l'électorat du parti, se présente muni d'un nombre supérieur ou majoritaire de suffrages. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en France avec la désignation de Ségolène Royal comme candidate des socialistes, qui lui a octroyé une légitimité qu'elle renvendique aujourd'hui encore.
En revanche, les primaires, dans leur joyeuse confusion civique, créent aussi des « monstres », des candidats qui n'ont pas l'étoffe d'un président, ou qui sont incapables de défaire le candidat de l'autre parti quel qu'il soit (ils n'ont pas l' electability) , mais bénéficient d'un coup de coeur électoral. Encore une fois, les votants d'un petit Etat du Nord-Est ne sont représentatifs ni de la population des grandes villes ni de l'ensemble du monde rural. C'est ce qui s'est passé il y a quatre ans avec Howard Dean, qui semblait invincible selon les sondages mais s'est effondré dès les caucus de l'Iowa. Raison : il était trop à gauche pour rassembler tous les démocrates et afortiori pour battre le candidat républicain.
Tangage et roulis.
Empressons-nous de dire que ce n'est pas du tout le cas de M. Obama, certes à gauche, certes noir, certes détenteur d'un programme qui ne convainc pas les centristes républicains, mais qui a de formidables capacités, intelligence, logique, excellente connaissance des problèmes sociaux, conscience aiguë des injustices aggravées depuis huit ans par une gestion nuisible aux pauvres et à la classe moyenne. De sorte que Mme Clinton ne peut pas croire qu'elle va se débarrasser de lui dans les semaines qui viennent : la campagne des démocrates, ce sera tangage et roulis à la fois, avec le risque que les deux candidats obtiennent des scores comparables.
Cela prolongerait la campagne jusqu'à l'été alors que, en principe, elle devrait être jouée dès le mois prochain. A cette incertitude pourrait s'ajouter celle du camp républicain, où les candidats sont médiocres, Rudolph Giuliani compris, alors que M. McCain ne dispose pas, pour le moment, du franc soutien de son parti. La confusion ferait alors apparaître un nouveau candidat qui attend dans l'ombre : Michael Bloomberg, maire de New York et milliardaire, qui souhaite, si les primaires sont dans le brouillard, présenter une candidature (il a été démocrate, puis républicain et maintenant il se situe en dehors des deux camps). M. Bloomberg est un très bon administrateur de New York City, il a une fortune évaluée à 12 milliards de dollars et il a des idées intéressantes sur le respect dû aux pauvres et à la classe moyenne, sur la vertu du travail, et sur l'excessif engagement des Etats-Unis dans le monde. Mais cela est une autre histoire que nous ne vous conterons qu'en cas de nécessité.
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