CINEMA
DE NOTRE ENVOYEE SPECIALE
RENEE CARTON
« V A savoir » est un sextuor, un jeu de masques, un marivaudage qui commence et finit dans un théâtre. Une troupe italienne, à l'exception de la comédienne principale, Camille, qui est française, joue « Come tu me vuoi », de Pirandello, en tournée. Camille n'est pas contente d'être à Paris, où elle redoute de retrouver Pierre, qu'elle a quitté trois ans auparavant. Ugo, son metteur en scène et amant, est sur la trace d'un manuscrit inédit de Goldoni, ce qui va le conduire à rencontrer la piquante Dominique et son demi-frère Arthur. Enfin, sixième personnage - pas le moins du monde en quête d'auteur -, Sonia, qui vit avec Pierre.
Rencontres, disputes, fuites, retrouvailles, tentations, remises en question, séductions : Rivette et ses co-scénaristes, Christine Laurent et Pascal Bonitzer, tirent les ficelles de leurs personnages avec vivacité et subtilité, inventant des situations aussi plaisantes que justes. Les comédiens ne sont pas en reste, déclinant la gamme des émotions : Jeanne Balibar, Sergio Castellitto, Marianne Basler, Jacques Bonnaffé, Hélène de Fougerolles et Bruno Todeschini (auxquels il faut ajouter la savoureuse Catherine Rouvel).
La mise en scène de Jacques Rivette est fluide, mettant en valeur le travail des acteurs et les dialogues souvent irrésistibles de Laurent et Bonitzer. Si le fond de l'histoire est plutôt sombre, puisqu'il s'agit, une fois de plus, des difficultés de l'amour, le ton est drôle et certaines péripéties quasi burlesques. Contrairement à d'autres cinéastes de son âge et de son expérience, Rivette ne se penche pas sur son passé ou sur les ravages du temps. Il avance, toujours sensible aux mille et une façons d'aimer, aux mille et une nuances des relations humaines. Et ce n'est pas parce que l'on rit qu'on n'est pas touché, qu'on ne réfléchit pas, au contraire.
Sortie le 17 octobre.
« Mulholland Drive », de David Lynch
La cité des fantasmes
Une histoire d'amour dans « la cité des rêves », ainsi est résumé le scénario. Ah bon ? Lynch sait installer le mystère, dès les premières images. Le problème est que le mystère ne fait que s'obscurcir et ne se dissipe jamais, laissant une désagréable impression d'arbitraire, malgré les charmes aussi troublants qu'indubitables du récit.
A l'origine, « Mulholland Drive », du nom d'une célèbre artère de Los Angeles, devait être une série télévisée, pour rééditer, peut-être, le succès de Twin Peaks. Puis ABC a abandonné l'idée, n'aimant pas le « pilote », et « Mulholland Drive », sauvé par Canal +, est devenu un film de près de deux heures trente, avec ce qu'il faut de rebondissements pour que les futurs spectateurs du petit écran n'aient pas envie de zapper.
Après un drôle de pré-générique, Lynch, aidé par la musique d'Angelo Badalamenti, institue mystère et inquiétude tout en restant dans les codes du film noir hollywoodien. Des codes qu'il s'agit d'évoquer tout en les bousculant. La brune créature vêtue de noir ne sera pas la vamp qu'on attend, la petite blonde hitchcockienne sera plus perverse que prévu. Hitchcock, référence suprême, avec ces dédoublements, voire détriplements, de personnalité qui donnent le vertige.
Dans le même temps, Lynch se moque de la Mecque du cinéma, un meilleur des mondes qui se révèle le pire possible : producteurs mafieux, metteur en scène inconséquent, agents douteux, acteurs et actrices prêts à tout pour réussir et tueurs en tous genres, sans oublier quelques personnages-types des films hollywoodiens de la grande époque.
Clins d'il, évocations, citations, y compris de lui-même, David Lynch s'en donne à cur joie avec un scénario qui ne se refuse aucun changement de vitesse, aucune accélération, aucun tour, détour, retour. Si bien qu'on a du mal à le suivre et que la clé dont il est plusieurs fois question dans le film serait bien utile pour déchiffrer son dénouement. A moins que Lynch ne souhaite pas qu'il y ait d'explication rationnelle et qu'il faille en déduire que le monstre, dans l'histoire, c'est le cinéma.
Parmi les acteurs, sortis pour la plupart des séries télé américaines, on retiendra le duo principal, Naomi Watts, la blonde, Laura Elena Harring, la brune, deux créatures très cinématographiques. Avec elles, la virée à Los Angeles, pour déconcertante quelle soit, peut se concevoir.
« Le Métier des armes », d'Ermanno Olmi
Au beau temps des armes blanches
Après six ans d'absence, le cinéaste italien est de retour avec un film historique très beau mais au message obscur.
A 70 ans, rien n'interdit de diriger une armée. Du moins quand on est cinéaste. Ermanno Olmi revisite un épisode de l'histoire italienne (un peu confus pour nous autres Français, même si François Ier y est pour quelque chose), pour, semble-t-il, regretter le temps où les adversaires s'affrontaient face à face, les yeux dans les yeux. Alors qu'aujourd'hui, explique-t-il, « le soldat ne voit pas et ne sait pas qui il tue » et « qu'on perd toujours d'avantage la conscience de la souffrance et de la pitié ».
La souffrance, c'est celle de Jean de Médicis, condottiere (chef de guerre mercenaire) dont Olmi nous conte les derniers jours, en novembre 1526. Au service du pape et du camp français, Jean de Médicis affronte au bord du Pô l'armée allemande de Charles Quint, bien décidée à aller jusqu'à Rome. Jean, le courageux guerrier, qui, l'épée au poing, n'a peur de rien ni de personne, sera victime d'une trahison qui donnera à l'ennemi l'arme à feu, l'arme-machine.
Le réalisateur de « l'Arbre aux sabots » a mis beaucoup de soins et de talent dans la reconstitution des batailles, de spectaculaires combats d'arquebusiers et de chevau-légers dans de superbes paysages de brume et de neige, ainsi que des scènes de cour qu'on dirait parfois sorties de tableaux de la Renaissance. C'est très beau, avec des lumières à la « Barry Lindon », et des scènes majestueusement composées. Mais c'est un peu vain, hors le propos discutable évoqué ci-dessus.
Dans la lignée du néo-réalisme, Olmi, qui a tourné en Bulgarie, n'a dirigé que des interprètes non-professionnels. Une volonté de vérité qui va avec celle de reconstitution historique précise. Aux dépens peut-être du message.
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