LE GOUVERNEMENT A PLIÉ, mais a-t-il réellement rompu ? En signant aujourd'hui un protocole d'accord avec les associations d'internes (ISNIH et ISNAR-IMG), les chefs de clinique (ISNCCA), les jeunes généralistes (SNJMG) et les étudiants en médecine (ANEMF), le ministère de la Santé met un terme à un mois de conflit avec les jeunes médecins. Ces derniers devraient annoncer aujourd'hui la fin de leur mouvement de grève. Ils ont obtenu un amendement gouvernemental de l'article 33 du PLFSS qui privilégie «les mesures incitatives» pour les médecins qui s'installeraient dans des régions sous-dotées en offres de soins et exclut aujourd'hui «tout déconventionnement et non-conventionnement» (« le Quotidien » du 26 octobre). «Le gouvernement entend contribuer à résoudre ce délicat problème dans le respect du principe fondamental de la liberté d'installation, en concertation avec l'ensemble des professionnels de santé et acteurs concernés, est-il écrit noir sur blanc dans l'amendement adopté la semaine dernière par les députés. Après un mois de conflit, cette reculade du gouvernement est bien évidemment perçue comme une victoire par les jeunes médecins. Ces derniers ne se montrent toutefois pas expansifs, conscients que l'inégale répartition des médecins sur le territoire français ne se réglera pas d'un coup de baguette magique dans les prochaines semaines. «Si le premier projet était inefficace, injuste et dangereux, chacun pourra donc se féliciter que le débat lancé par le PLFSS2008 sur ce sujet aboutisse en fin de compte à une véritable amélioration de la situation», constatent les futurs médecins .
Les discussions renvoyées aux états généraux.
Le débat aura bien lieu. Pas dans le cadre du PLFSS, mais lors des prochains états généraux de l'offre de soins programmés en janvier 2008. Cette grand-messe sera pilotée par le Pr Yvon Berland, président de l'Observatoire national de la démographie des professionnels de santé, et Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. Elle aura pour objectif de préparer «l'évolution de l'organisation de l'offre de soins et de l'implantation des médecins sur le territoire». Le périmètre précis de ce rendez-vous sera défini dans les deux prochains mois. Les jeunes médecins ont d'ores et déjà obtenu la garantie d'avoir une voix «majoritaire et délibérative» à ces états généraux. «Une attention toute particulière sera portée aux aspirations légitimes des médecins en formation», assure le protocole d'accord.
Les conclusions de ces états généraux seront ensuite transmises par la ministre de la Santé à l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (UNCAM), et serviront de cadrage pour de futures négociations conventionnelles. Les jeunes se réjouissent de «l'écoute du gouvernement». Les syndicats de médecins libéraux expriment leur satisfecit après cet accord. La CSMF souligne que le gouvernement a fait un «premier pas significatif» en «préservant un des piliers fondateurs de la médecine libérale». L'intersyndicale majoritaire (MG-France, FMF, Espace Généraliste et UCCMSF) souhaite s'engager aux côtés des internes en apportant ses propositions au débat pour organiser le système de soins.
«Ce conflit aurait pu être évité si le gouvernement avait écouté ceux qui recommandaient la voie de la souplesse et de la concertation, remarque pour sa part le SML, selon qui cette mauvaise approche laissera des traces.» Dans le monde hospitalier, certains ne sont pas persuadés que le gouvernement a réellement reculé. «Les internes ont cherché une porte de sortie alors que l'opinion et les médias ne les soutenaient pas, estimeGérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF) . Des mots ont été simplement remplacés par d'autres car il faut que tout le monde sorte la tête haute.» Le Parti socialiste juge qu'il y a bien eu un «recul du gouvernement». Le PS souhaite que les états généraux de l'offre de soins n'entrent pas en collision avec le grand débat sur le financement de la protection sociale. Le président de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie, Michel Régereau, déplore pour sa part «une évolution regrettable» du projet de loi. Il demande qu'aux nouvelles aides «soient associées des mesures désincitatives pour les zones surdenses» pour obtenir une meilleure répartition des professionnels de santé sur l'ensemble du territoire.
La grève a pesé sur le budget des internes
Les internes et les chefs de clinique ont plusieurs raisons de se satisfaire de l'accord signé aujourd'hui. Outre le recul du gouvernement sur l'encadrement du conventionnement dans les zones surmédicalisées, les futurs médecins viennent de mettre fin à un mouvement qui a parfois lourdement grevé leur budget. Les internes de plusieurs villes étaient en grève totale depuis un mois. Après quinze jours de grève, Grégory, interne montpelliérain, va recevoir une fiche de paie amputée de 50 %, soit environ 1 000 euros. Françoise, chef de clinique à Paris, rémunérée 2 700 euros par mois, voit aussi d'un bon oeil la fin du mouvement : «Heureusement, j'ai été assignée plusieurs fois, je perdrais un peu moins de 50% de mon salaire.» Claire, interne de médecine générale parisienne, souligne que son budget est ric-rac ce mois-ci. En stage dans le cabinet d'un omnipraticien, elle touchera la moitié de ses 1 600 euros mensuels. «Avec le loyer et les 500euros d'inscription à la fac, il ne va pas me rester grand-chose à la fin du mois!», confie-t-elle. «Heureusement que le mouvement n'a pas duré plus longtemps, reconnaît un responsable syndical. Le manque à gagner pour les grévistes aurait pu faire s'essoufler le mouvement.»
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