Cher confrère,
C'est avec intérêt que nous avons lu votre intervention parue dans « le Quotidien du Médecin » en date du 30 août 2001.
Vous semblez stigmatiser vos futurs confrères qui, « formés à l'hôpital, n'ont pas la même ardeur à exercer leur art que leurs aînés ». Vous les engagez à se « ressaisir » et à apprendre ce qu'il en est de l'exercice libéral.
Le SNJMG, qui se propose de regrouper depuis dix ans l'ensemble de ces jeunes praticiens auxquels vous faites allusion (résidents, remplaçants en médecine générale, jeunes installés ainsi qu'attachés et assistants en médecine générale), s'est senti particulièrement concerné par la nature de vos déclarations. Inutile de préciser que le ton paternaliste de votre discours a déclenché de vives réactions.
Nous tâchons de nous faire l'écho de nos collègues, et ne retrouvons pas, parmi eux, la volonté impérative de passer aux 35 heures. Même s'ils ne restent pas indifférents à cet objectif symbolique qui reflète une évolution de la société française.
Exaspération
Vous semblez oublier que le milieu hospitalier, d'où sont issus tous ces jeunes médecins, n'a pas vraiment été pour eux l'école de la paresse. Comment oublier les gardes à répétition, les journées à rallonge, les présences de week-end non payées, l'impossibilité parfois de suivre les sessions d'enseignement obligatoires du troisième cycle, ni même d'avoir une vie de famille cohérente pour ceux d'entre nous qui sont parents ? Le tout dans un contexte de démographie médicale qui s'effondre et qui accroît la charge de travail des internes actuellement en poste.
Le rapport ministériel de M. Darnis, rendu public en janvier 2001, est particulièrement éloquent sur les conditions de travail des internes.
Nous ne pensons pas que nos collègues se considèrent comme des privilégiés. De ce climat d'exaspération sont nés deux mouvements de grève unitaire durant les printemps 1999 et 2000, donnant lieu à une révision du statut des internes avec l'apparition du repos de sécurité (...).
Ces mouvements de grève ont parfois rencontré l'incompréhension, voire la désapprobation, de certains de nos aînés, praticiens hospitaliers ou chefs de service : « Nous avons connu les mêmes difficultés que vous durant nos études, de quoi vous plaignez-vous ?», pouvait-on s'entendre dire. Est-ce une raison suffisante pour ne pas tenter de faire évoluer les choses ?
Il en va de même pour l'exercice libéral.
En effet, alors que tous les intervenants du système de soins s'accordent sur l'absolue nécessité de remettre le médecin généraliste au cur du système de soins, que propose-t-on à nos jeunes confrères dont la durée des études se prolonge inexorablement ? Certains envisagent de créer un « postinternat » qui rallongera encore un peu plus le cycle d'études, et dans les conditions de travail que nous connaissons. D'autres envisagent des mesures coercitives à l'installation pour pallier le déficit démographique dans certaines régions. Puis se profilent la perspective de contraintes administratives de plus en plus lourdes, d'une charge de travail forcément plus écrasante étant donné le vieillissement de la population française, d'une pression médico-légale de plus en plus lourde, de patients de plus en plus exigeants. Sans parler d'un pouvoir d'achat qui se réduit malgré l'augmentation des recettes et donc du temps de travail (baromètre UNASA des revenus) qui atteint une moyenne de 50 heures hebdomadaires (et sans doute beaucoup plus dans certaines régions). Sans parler encore des revenus plafonnés par l'impossibilité pour les jeunes généralistes qui le souhaitent d'accéder au secteur II (sauf pour ceux qui ont accompli deux années d'assistanat, bien sûr) et par une une absence de revalorisation des tarifs de base. Sans parler enfin de l'obligation pour les nouveaux installés d'assumer un nombre croissant de gardes de ville à l'heure où la génération du « baby-boom » commence à partir à la retraite.
L'exercice libéral est-il encore attractif ?
Nous pensons que ceux d'entre nous qui choisissent l'exercice libéral ne manquent pas d'ardeur pour s'engager dans cette voie-là. Et nous estimons légitime qu'ils souhaitent aménager leur temps de travail comme seule compensation possible à l'accroissement de la charge de travail qui les attend, même au prix d'une perte de salaire et malgré les problèmes de santé publique qui, si rien n'est fait, ne manqueront pas de se poser du fait de la diminution du nombre de praticiens.
Revendications légitimes
Nous considérons comme légitimes les revendications qu'ils ont exprimées au travers des différents mouvements de grève passés - qui ne manqueront pas de se reproduire - pour ne pas accepter cette situation comme un état de fait.
Et il vous appartient, en tant que responsable syndical, de prendre en considération ces aspirations et de les comprendre, plutôt que de stigmatiser vos jeunes confrères.
Les jeunes médecins sont conscients des responsabilités qui sont les leurs, mais nous ne pouvons que constater, depuis la position qui est la nôtre, qu'un certain nombre d'entre eux envisagent déjà une reconversion, ou choisissent d'autres modalités d'exercice, afin d'accéder à un salaire décent et des conditions de travail acceptables pour eux.
Pourquoi ne fait-on pas tout pour les retenir ?
En vous assurant, Monsieur et cher confrère, de nos salutations les meilleures, et dans l'attente de vous rencontrer.
Syndicalement vôtre.
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