LES LIENS entre l'environnement et la santé suscitent de plus en plus d'intérêt. Des ouvrages récents largement médiatisés ont renforcé le sentiment que des cas groupés, notamment de cancers, résultent forcément d'une exposition à un contaminant présent localement. De plus en plus de cas sont signalés et de nombreuses demandes d'études épidémiologiques parviennent aux services de l'Etat. Mais « les investigations permettent rarement d'identifier une exposition susceptible d'être responsable des pathologies observées. Le risque de produire un sentiment de frustration est alors important tant pour les équipes d'investigations que pour les personnes concernées dans la population », expliquent Maria Eugenia Gomes do Espirito Santo et Dominique Dejour-Salamanca dans le « BEH » (n° 49-50/2005) qui fait le point sur la question.
38 signalements en 5 ans.
On parle de cas groupés, ou encore de clusters ou d'agrégats de pathologies non infectieuses, lorsque plusieurs cas sont observés au sein d'un groupe d'individus, d'une zone géographique plus ou moins limitée et au cours d'une période de temps réduite. Dans une enquête réalisée en 2003, l'Institut de veille sanitaire (InVS) a tenté d'évaluer l'ampleur du phénomène entre 1997 et 2002. Sur ces cinq années, 38 signalements d'agrégats ont été reçus par les Ddass, provenant le plus souvent d'un médecin, mais aussi de particuliers. La plupart d'entre eux (28 sur 38) concernaient un cancer, les autres (4 sur les 10 restants), une pathologie thyroïdienne. Une source environnementale était incriminée dans 25 des 38 signalements (usine d'incinération d'ordures ménagères, site nucléaire ou site industriel). Une association citoyenne était impliquée dans 14 cas. Des actions pour surveiller ou protéger les populations d'un éventuel risque ont été mises en œuvre dans seulement 8 cas, cependant qu'aucune « hypothèse étiologique n'a pu être émise à la suite des investigations ».
Parmi les signalements, celui des cancers pédiatriques survenus à Saint-Cyr-l'Ecole est exemplaire. Des associations du quartier de l'Epi d'Or font état auprès de différentes institutions et services de l'Etat de la survenue de pathologies diverses parmi la population, dont trois cas de cancers chez des enfants, qu'ils attribuent aux antennes de téléphonie mobile sur le toit d'une école. Interrogée par la direction générale de la Santé, l'InVS considère en avril 2002 qu'il n'est pas justifié d'étudier une quelconque association entre des antennes de téléphonie mobile et l'apparition de pathologies. L'avis se fonde sur les connaissances scientifiques disponibles. L'intensité au sol immédiatement en dessous des stations de base des faisceaux de radiofréquence est faible ; les antennes de télévision et de radio transmettent des radiofréquences à des niveaux plus élevés que les stations de base des téléphones mobiles, tandis que les antennes de communication utilisées par les pompiers, la police ou les services d'urgence fonctionnent à des niveaux identiques. Toutefois, l'InVS a jugé pertinent d'évaluer si l'existence d'un agrégat était plausible. L'investigation a d'abord porté sur les huit premiers cas signalés. Mais deux nouveaux cas annoncés dans un contexte très médiatisé de crise ont conduit les autorités à reprendre l'enquête et à mettre en place un comité scientifique et un comité de suivi. Au total, 11 cas de cancers pédiatriques ont été recensés entre 1990 et 2002 sur l'ensemble de la commune, 6 chez des filles et 5 chez des garçons. Parmi eux, 5 tumeurs du système nerveux central et 3 leucémies, les 3 autres concernaient le rein, les os et le muscle. En dépit d'un nombre de cas de cancers pédiatriques deux fois supérieur au nombre estimé de cas attendus et malgré la plus grande proportion de tumeurs du SNC que dans la population de référence, l'étude conclut que la proportion observée « reste compatible avec les variations possibles dans un échantillon de onze cas ».
Une des façons de différencier une augmentation de cas due au hasard d'une élévation liée à une exposition est de mettre en évidence une source environnementale suspecte. Dans le cas de l'école, aucune source n'a été retrouvée. Les mesures de radiofréquences réalisées dans la cour de l'école en 2001, puis en 2004, ont montré des valeurs de champs très inférieurs aux valeurs limites.
Chez les adultes, la difficulté est encore plus grande, car le cancer est aujourd'hui une pathologie très fréquente, qui touche un homme et deux hommes sur trois au cours de leur vie. Certains cas apparaissent groupés sans qu'il existe une origine commune, mais font en fait « partie d'une distribution aléatoire plus large ».
Communiquer très tôt.
Ces difficultés ont conduit l'InVS à proposer un guide destiné à aider les professionnels des Ddass et des Cire à standardiser les procédures de traitement des signalements d'agrégats.
Enfin, la dernière difficulté, qui n'est pas la moindre, est la communication. « La tâche la plus importante et la plus difficile pour les responsables de la santé publique est de pouvoir communiquer clairement avec le public sur ces événements et ces agrégats perçus. La communication doit commencer très tôt en début d'investigation. » Les groupes concernés doivent être impliqués dans la démarche, tandis que les médecins jouent un rôle important dans l'information des patients et de leurs familles.
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