Les intervenants en toxicomanie pour la dépénalisation de l'usage

Publié le 06/06/2002
Article réservé aux abonnés

La loi d'exception du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants a vécu, selon l'ANIT. L'époque où le thérapeute était, face au toxicomane-délinquant, un auxiliaire de justice, serait révolue.

Pour la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILT), comme pour l'Académie de médecine, il n'existe pas de société sans drogues. Si certains sont encore sur le qui-vive lorsqu'ils négocient avec des dealers leur ration de cannabis, plus personne ne se cache pour fumer un joint. Malheureusement. L'ANIT en prend acte. Dès 1994, lors de ses Journées nationales, elle se prononce en faveur de la dépénalisation de l'usage des drogues, et « envisage une forme de légalisation du cannabis », rappelle au « Quotidien » le Dr Alain Morel, administrateur et cofondateur du mouvement.

Fixer des limites

Certes, s'il n'y a pas de société sans drogue, il n'existe pas non plus de société où la consommation ne soit pas encadrée par des règlements ou des lois. « Aussi, précise le psychiatre, qui juge toujours d'actualité les propositions de l'ANIT de 1994, il importe de réfléchir sur la place des interdits et de fixer des limites à l'usage. »
Tout appelle à une évolution, « d'autant que nous nous sommes rapprochés, dans la prise en charge des toxicodépendants, de nos confrères alcoologues et tabacologues », dit le Dr Morel. De fait, la MILT s'intéresse à l'ensemble des problèmes posés par toutes les substances psychoactives et donc, en particulier, par l'alcool, le tabac et les médicaments.
Pour leur part, les intervenants en toxicomanie sont devenus des « addictologues ». Dans le même temps, la notion de réduction des risques a fait évoluer la relation usager-thérapeute, notamment avec la généralisation de produits de substitution.
C'est dans ce contexte que l'ANIT préconise « une éthique de droit commun aux substances psychoactives, quelles qu'elles soient ». « Nous devons sortir d'une vision de fléaux sociaux et de droit d'exception, insiste le Dr Morel, tout en redonnant une crédibilité aux interdits. » L'ANIT entend bien faire passer son message à Jean-Pierre Raffarin, ou à son successeur, au lendemain du second tour des législatives. « Qu'on ne nous fasse pas revenir en arrière, prévient le Dr Morel, en mettant l'accent à nouveau sur les produits licites et illicites, ou en réintroduisant l'idéologie pour dicter une nouvelle politique. Il ne s'agit pasnon plus de s'associer à un combat illusoire et austère contre la recherche du plaisir, mais bien d'aider plus efficacement ceux quisont victimes de sa tyrannie. »
L'Association nationale des intervenants en toxicomanie espère que la direction générale de la Santé rompra, demain, en matière d'hébergements thérapeutiques, avec « une politique implicite de suppression de lits » (plus d'une centaine en trois ans).

*Créée en 1980, l'ANIT (tél. 04.78.50.78.50) est un lieu de rencontres et d'échanges, au niveau régional, national et européen. Elle réalise des formations, des études, des recherches et des colloques. D'autre part, elle a un rôle d'interface entre les pouvoirs publics et les dispositifs de soins, d'insertion et de prévention dans le champ des toxicomanies.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7141