ALORS QUE les garçons de 16 ans sont 9 % à fumer des joints plus de 10 fois par mois et 10 % à boire régulièrement (4 % et 5 % chez les filles), la lutte contre la toxicomanie est orpheline de toute « politique publique ». A l'Anit, qui s'apprête à tenir son 25e Congrès à Narbonne les 10 et 11 juin, on parle du « désengagement de l'Etat ». « Cette absence de politique publique, qui, en fait, a valeur de politique publique » pourrait renvoyer à « un discours minimaliste de santé publique et à une répression de l'usage », avertit son président, François Hervé, directeur adjoint du centre de soins spécialisé en toxicomanie (Csst) Trait d'Union à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine. « On ne voit rien venir. Rien n'est tranché », déplore-t-il.
En instance de validation.
Depuis 2002, il n'existe plus de plan quinquennal. Quant à la loi sur les stupéfiants, « après Mattei-Sarkozy, Douste-Blazy-Villepin annoncent, à leur tour, qu'il faut la changer. Mais, concrètement, rien ne se passe. Tout est en instance de validation par les instances publiques. »
Le nouveau plan alcool-tabac-produits illicites a été remis à Matignon au début du mois de février. Les consultations cannabis pour adolescents, dont le coût est chiffré à 2 millions d'euros pour l'année en cours avec une montée en charge jusqu'à 6 millions d'euros, « se font cruellement attendre ». Malgré tout, 80 % de ces structures, chargées de donner des conseils et de procéder à des évaluations, des dépistages et des orientations, tentent d'exister ici et là « avec la bonne volonté des uns et des autres et des fonds non pérennes ».
Ce qui fait défaut s'inscrit dans un contexte budgétaire délicat, souligne François Hervé. Pour 2004, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) a reçu 38 millions d'euros, contre 40 millions l'an dernier. « Quand il y a des difficultés d'argent, le premier domaine touché est la prévention. » La Mildt, pourtant, affirme avoir remis 4 millions d'euros à l'Institut national de prévention et d'éducation en santé pour conduire une campagne grand public sur le cannabis, initialement prévue pour septembre 2004 et désormais programmée « à la fin de l'année ou au début de la suivante », assure son responsable, le Dr Didier Jayle (« le Quotidien » du 19 avril).
Des finances fragiles.
Prévention (réseaux de proximité, notamment), ateliers d'insertion et diminution des risques dépendent, à ce jour, de « financements pour le moins fragiles ». « Certes, il est plutôt rassurant d'apprendre que la réduction des risques disposera d'un cadre juridique dans la loi de Santé publique, actuellement en discussion au Parlement, reconnaît François Hervé. Mais des équipes qui travaillent à la réduction des risques subissent des compressions de personnels ». Car, si les Csst dépendent de l'assurance-maladie depuis janvier 2003, il n'en est pas de même pour les autres aspects de la lutte contre la drogue. Les financements d'Etat confiés aux Drass et aux Ddass « peuvent se retrouver en bout de chaîne, affectés à des dépenses qui n'ont rien à voir avec la toxicomanie ». Mais, selon les prévisions du Dr Jayle, les consultations cannabis devraient être prises en charge à court terme par l'assurance-maladie.
Le futur plan quinquennal prévoit de développer les communautés thérapeutiques fondées sur l'abstinence, d'une capacité d'accueil de 50 places avec une durée de séjour de deux ans. Elles compléteraient les centres résidentiels thérapeutiques (25 à 30 places, séjour d'un an au maximum), qui dispensent de la méthadone et du Subutex, dont le nombre de places a chuté au cours de la dernière période de 700 à 500, faute de financement.
Pour la modification de la loi du 31 décembre 1970, de manière à en finir avec la prison pour les usagers de drogues - aujourd'hui passibles d'un an d'incarcération et d'une amende maximum de 3 750 euros -, la Mildt a suggéré quelques pistes au Premier ministre le 15 septembre 2003. Pour l'heure, le principe de la contravention comme sanction semble acquis. Jean-Pierre Raffarin s'est prononcé, le 21 septembre 2003 sur M6, pour des contraventions forfaitaires de 4e (135 euros) ou de 3e (68 euros) catégorie*. A partir d'un certain nombre d'infractions annuelles, l'usage serait associé à un délit passible de la correctionnelle, et les contrevenants figureraient sur un fichier.
« J'admets que les politiques n'ont pas la partie facile avec les toxicomanes, confesse François Hervé : quoi qu'on fasse, on mécontente 50 % de la population et on n'est jamais sûr de satisfaire l'autre moitié. ».
* Une barrette de 3 g de haschich, d'un coût de 15 euros, permet de faire de 7 à 10 joints.
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