« La décision de l'AP-HP (Assistance publique des Hôpitaux de Paris) nous mène droit à une situation ubuesque, où un interne en gynécologie-obstétrique, faute de place dans un service de sa spécialité, sera contraint de faire son stage en chirurgie viscérale, voire, plus aberrant encore, en neurochirurgie », dénonce par avance le Dr Raphaël Gaillard, vice-président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP).
Comment risque-t-on d'en arriver là ? Le SIHP a décidé de tirer le signal d'alarme après avoir assisté aux réunions des commissions de répartition à la DRASS Ile-de-France. Ces instances régionales décident, tous les six mois et pour chaque filière, d'ouvrir, de fermer ou de redistribuer les postes réservés aux internes dans les hôpitaux publics.
A cette occasion, explique le vice-président du SIHP, « on a découvert brutalement que l'objectif de l'AP-HP est de réduire de 10 % le nombre de postes ouverts aux internes au cours du semestre à venir, alors même qu'une réduction de 20 % a déjà été appliquée sur les quatre dernières années ». L'exemple de la filière médecine illustre bien la tendance : en novembre 1999, 1 014 postes étaient ouverts aux internes dans les hôpitaux franciliens. En mai 2003, il n'y en avait plus que 916. Un nombre qui tombe à 830 pour le semestre qui va débuter le 1er novembre prochain : ainsi en a décidé la commission de répartition.
Le Syndicat des internes des hôpitaux de Paris s'oppose à ce mouvement, également esquissé dans certaines DRASS d'autres régions, mais dans une moindre mesure, car « il compromet la continuité des soins dans certaines spécialités à l'hôpital », explique son vice-président. Raphaël Gaillard reprend l'exemple des internes nommés en gynécologie-obstétrique, au nombre de 160 en Ile-de-France : « La commission n'a ouvert que 130 postes pour cette spécialité cette année ! Que feront les internes en gynéco les moins bien classés, et ceux qui ont réussi le concours en 2003 et donc qui choisissent les postes en dernier ? Ils devront aller dans une spécialité assez proche, la chirurgie viscérale par exemple. Mais là aussi, ça risque de bouchonner. Certains atterriront peut-être en neurochirurgie, vous imaginez la catastrophe ! Le risque est majeur pour les internes débutants qui ont été nommés dans une filière de ne pouvoir matériellement y accéder et de ne pouvoir, à terme, en faire leur métier. Si tel était le cas, il faut s'attendre à ce que les étudiants engagent des procès. »
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n'y a aucune corrélation entre le nombre de postes ouverts au concours de l'internat par spécialité et par région, fixé par le conseil régional des études médicales, et le nombre de postes ouverts dans les hôpitaux, choisi par les commissions de répartition. Plutôt que d'être « adapté aux besoins », ce deuxième choix repose « sur une politiquesans queue ni tête, qui fait des coupes sans évaluer les conséquences, qui risque de bloquer l'accès à certaines spécialités et qui pérennise la pénurie dans celles qui sont désertées », dénonce Raphaël Gaillard. Avec un nouvel exemple à l'appui : au lendemain de la catastrophe liée à la canicule, seulement cinq postes de gériatrie sont ouverts aux 1 800 internes franciliens pour le prochain semestre.
Le syndicat accuse l'AP-HP, principal pourvoyeur de postes en Ile-de-France, d'avoir organisé le mouvement. En supprimant ces postes ou en les faisant occuper par des médecins à diplôme étranger, qui coûtent 30 % moins cher que les internes et qui sont corvéables à merci, l'institution diminuerait notablement ses coûts.
C'est du moins la théorie du SIHP, qui brandit la menace d'une mobilisation intensive des internes s'ils découvrent dans quinze jours qu'ils n'ont pas obtenu leur choix (qui pour la plupart ont été déposés lundi). « Ça pourrait aller jusqu'à la grève », annonce Raphaël Gaillard, convaincu d'avoir « le soutien total de la plupart des chefs de service, qui voient que la continuité des soins dans leur service est en cause. »
Face à ces accusations, l'AP-HP se défend. Les torts sont partagés, estime-t-elle. Ainsi, en ce qui concerne la gériatrie, « parmi les cinq postes proposés au premier semestre 2003 aux internes de spécialité, un seul a été choisi par les internes », regrette l'institution. L'évolution du nombre des internes, quant à elle, « n'est pas la conséquence d'un choix budgétaire mais s'inscrit dans la recherche d'une meilleure adéquation avec les besoins existants », écrit aussi l'AP-HP.
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