LOIN DE L’AGITATION de leur dernier rassemblement au cours duquel internes et résidents avaient lancé un mouvement de contestation contre la convention médicale, le 7e Congrès de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), qui s’est réuni à Tours la semaine dernière, a permis de mesurer l’attrait des futurs médecins généralistes pour l’exercice en groupe.
Une récente enquête de l’union régionale des médecins libéraux (Urml) de Rhône-Alpes, menée auprès des internes de médecine générale en stage sur les «modalités idéales d’exercice», avait déjà souligné l’ampleur de ce phénomène (« le Quotidien » du 18 octobre).
Selon cette étude, 78 % des étudiants envisageaient un exercice libéral, mais seulement 4 % déclaraient vouloir exercer seul, la moitié des étudiants étant attirés par un exercice mixte (libéral + salarié). Les futurs généralistes affirmaient également (à 90 %) vouloir privilégier la «qualité de leur vie privée et familiale», alors que les conditions financières étaient susceptibles d’influencer le choix de carrière de seulement 3 % des sondés.
« Deux ans et demi d’efforts ».
Lors d’une table ronde, l’Isnar-IMG a présenté les nouveaux modes d’exercice susceptibles de bouleverser l’organisation de la profession : le cabinet secondaire, le statut de collaborateur libéral et les maisons de santé.
Le Pr Jacques Roland, président du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), s’est félicité que «l’installation multisite» soit facilitée par les textes publiés en 2005 : «Le but est de donner davantage de souplesse au système en assurant une activité à plusieurs endroits.»
Le président de l’Ordre a également vanté les mérites du statut de collaborateur libéral. Plus codifié que le remplacement et plus souple que l’installation, ce statut doit permettre au professionnel de santé de partager son activité sans subir les contraintes d’une installation à part entière.
A l’origine de l’ouverture en novembre d’une maison de santé à Baumes-les-Dames, dans le Doubs, le Dr Arnaud Blessemaille, jeune médecin généraliste, a fait partager son expérience personnelle : il est parvenu à rassembler trois médecins généralistes, trois infirmières, deux kinésithérapeutes, un orthophoniste, deux podologues, un cardiologue, un rhumatologue, une diététicienne, un psychologue et quatre secrétaires dans un bourg de 5 600 âmes. «Ce projet a demandé deux ans et demi d’efforts et un million d’euros d’investissement pour les bâtiments. Nous n’avons reçu aucune aide financière ou technique de quiconque», explique le Dr Blessemaille. Le Dr Jean-Luc Préel, député UDF de la Vendée, défenseur des «maisons médicales cantonales», reconnaît que les aides au financement sont encore «au stade expérimental».
«Les élus locaux et les collectivités commencent à se mobiliser pour assurer les soins des habitants de leurs communes et de leurs cantons, mais trouver des financements est toujours très long», constate-t-il.
Apprendre à travailler ensemble.
Plébiscité par les jeunes médecins, l’exercice de groupe présente de nombreux avantages, que résume le Dr Blessemaille : «La maison de santé permet à chaque médecin d’avoir un peu de temps à lui et une meilleure prise en charge des patients par les différents professionnels avec des dossiers communs et la délégation de certaines tâches». Puisant dans sa propre expérience, le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, a néanmoins émis quelques réserves sur l’organisation collective : «L’interprofessionnalité a donné des résultats divers par le passé. J’ai travaillé dans un cabinet de groupe de six médecins et je suis maintenant tout seul. La gestion de l’affaire ou les mauvaises humeurs des confrères font que la situation n’est pas toujours rose. Il faut apprendre aux médecins à travailler ensemble.»
Quant au Dr Pierre Costes, président de MG-France, il prédit un bel avenir à ce mode d’exercice : «Nous terminerons tous en maison de santé, lance-t-il aux 400 internes de l’assemblée. La population va suivre les médecins et s’installer dans les régions où seront installés les centres de santé.»
La recherche, enjeu d’une discipline en mal de reconnaissance
A l’heure où internes et enseignants réclament la création rapide d’une filière universitaire de médecine générale, le développement de la recherche dans cette discipline est devenu primordial. « Une meilleure connaissance de la recherche, gage de la qualité du futur exercice, devrait faire naître des vocations », commente Catherine Laporte, porte-parole de l’Isnar-IMG. « La recherche concerne toute la profession et pas seulement une élite, confirme le Pr Bernard Gay, président d’honneur du Collège national des généralistes enseignants (Cnge). Les médecins installés ne conçoivent pas toujours la nécessité de la recherche. Pourtant, tout le monde doit s’impliquer. A travers le recueil de données de soins, la recherche est susceptible d’orienter les décisions de santé publique. Tant que notre recherche ne sera pas structurée, nous ne pourrons pas influencer ces décisions. » A l’occasion de son congrès, l’Isnar-IMG a présenté les principaux acteurs de la recherche (Inserm, Cnrs, sociétés savantes, fondations privées...) et les axes de recherche en médecine générale : essais thérapeutiques, épidémiologie, analyse des pratiques, recherche qualitative.
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