LES SOCIETES d'exercice libéral présentent un inconvénient important : lorsqu'on contracte un emprunt pour acquérir des parts de SEL, on ne peut déduire les intérêts de cet emprunt. L'administration, malgré les pressions de la doctrine, a toujours refusé cette déduction en considérant que l'associé d'une société de capitaux, qu'il soit salarié ou gérant, n'a pas de patrimoine professionnel lui permettant de pratiquer cette déduction. Et cette position avait été maintenue pour les SEL dans une réponse ministérielle du 3 juillet 1995.
C'est une gêne évidente pour le jeune praticien qui veut devenir associé d'une SEL. Il existe bien un montage juridique fort complexe pour déduire ces intérêts (constitution d'une société holding, achat des parts de la SEL par la holding, etc.), mais c'est une usine à gaz dont le coût est, en fin de compte, supérieur à l'avantage attendu.
On attendait donc un revirement de la jurisprudence des tribunaux administratifs pour faire avancer les choses. C'est ce que vient de faire le Conseil d'Etat dans un arrêt (n° 255 092) du 25 octobre 2004.
Un changement de cap.
L'arrêt concerne un expert-comptable qui, après avoir obtenu son diplôme, avait été invité à acquérir des parts de la société d'expertise comptable (une société anonyme, société de capitaux comme les SEL) dont il allait devenir associé et salarié. Il avait ensuite déduit de son salaire les intérêts de l'emprunt contracté pour cet achat. L'administration fiscale avait rejeté cette déduction au motif que les statuts de la société ne subordonnaient pas la poursuite de son actionnaire à la condition qu'il devienne associé de la SA. Le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel avaient confirmé cette position.
Le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord « qu'un salarié peut déduire de ses revenus les dépenses qui, eu égard à leur objet et à leur ampleur, peuvent être regardées comme directement utiles à l'acquisition ou la conservation de ses revenus, alors même que ni les circonstances de fait ni aucun texte ne les rendraient obligatoires. »
La Haute Assemblée considère ensuite que cet achat de parts « était de nature à faciliter directement la poursuite du contrat de travail de l'intéressé » et que le montant des intérêts déduits n'était pas « hors de proportion avec les revenus attendus de la poursuite de ce contrat. » Elle en conclut que la cour d'appel « a commis une erreur de droit en refusant la déduction de l'emprunt souscrit » par l'expert-comptable.
Les professions libérales devraient bénéficier de cet arrêt.
Pour Luc Fialletout, directeur général d'Interfimo, qui a attiré notre attention sur cet arrêt, « il est probable que toutes les professions libérales pourront bientôt bénéficier de cette importante évolution jurisprudentielle pour leurs parts de sociétés d'exercice libéral, dont les caractéristiques répondent généralement aux termes de cet arrêt capital ».
Un associé de SEL peut, en effet, avoir deux statuts : salarié ou gérant majoritaire. Mais, fiscalement, ces deux statuts sont traités de la même façon. La différence n'intervient qu'au plan social, le gérant majoritaire payant les charges sociales des travailleurs indépendants. La jurisprudence du Conseil d'Etat pourra donc s'appliquer à tous les associés de SEL.
Attention : l'administration fiscale ne s'aligne pas systématiquement sur les positions du Conseil d'Etat. Ou bien, elle le fait avec beaucoup de retard. Il est donc prudent d'attendre des précisions sur l'attitude que va adopter le fisc avant de déduire vos intérêts, si vous avez contracté un emprunt pour acheter des parts de SEL.
L'arrêt peut être consulté sur le site www.legifrance.gouv, à la rubrique « jurisprudence administrative ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature