DE NOTRE CORRESPONDANTE
« NOUS POURRIONS nous réveiller dans un pays composé d'intermittents de l'assurance-maladie. » Face à ses adhérents, réunis à Ecully, en banlieue lyonnaise, l'Uriopss a tiré la sonnette d'alarme : entre toutes les réformes en cours, celles de l'assurance-maladie et de la décentralisation lui font craindre le pire. « La politique sociale perd de son plan d'ensemble et son universalité », affirme l'union rhônalpine, en faisant notamment référence à l'extraction de certaines prestations de la solidarité nationale, telles que l'Apa (Allocation personnalisée d'autonomie), et à la nouvelle répartition des missions entre l'Etat et les différentes collectivités territoriales. Sur ce dernier point, François Boursier, conseiller technique de l'Uriopss, critique l'omnipotence à venir des conseils généraux et, donc, « l'avènement du département providence ». Car, en l'absence d'un système de péréquation, les départements pourraient avoir des difficultés à faire face aux nouvelles responsabilités qui leur incombent et accentuer les clivages existants. L'Uriopss s'interroge, en outre, sur les nuisances entraînées par ces changements législatifs dans les associations de santé publique. Le conseil général Rhône, par exemple, s'est désengagé d'un bon nombre d'entre elles, ce qui met leur existence en péril (« le Quotidien » du 4 mai). Comme les autres collectivités territoriales n'ont pas souhaité s'investir tant que les cartes n'étaient pas clairement redistribuées, la situation s'est muée en paradoxe : « D'un côté, on vote une loi de santé publique, mais, de l'autre, les associations qui font de la prévention doivent licencier à tour de bras », observe le conseiller technique de l'Uriopss. Ces associations pourraient cependant trouver une solution financière grâce à des contrats ultérieurs entre les collectivités locales et l'Etat.
Un Medef du social.
Si une certaine continuité semble plus ou moins assurée à court terme, l'Uriopss formule, pour l'ensemble du secteur non lucratif qu'elle représente, quelques craintes sur le moyen terme à l'échelle européenne. Bien qu'en France il représente 120 000 associations gérant 24 000 établissements et services et employant 430 000 salariés, ce secteur craint d'être purement et simplement rayé de la carte européenne par la vague libérale qui déferle sur le vieux continent.
« Il existe un projet de directive européenne susceptible de faire tomber les systèmes d'autorisations d'exception, qui nous menace réellement », précise François Boursier. Pour l'Uriopss, l'enjeu est donc de faire rapidement reconnaître les compétences du secteur non lucratif et les valeurs qui lui sont inhérentes :
« Il faut que nous soyons capables de faire un Medef du social », résume Laure Chareyre, directrice de l'Uriopss.
Près de la zone rouge
« Sur le baromètre mesurantla pressiondans le secteur non lucratif de la solidarité, le curseur approche dangereusement de la zone rouge », a souligné, en présentant son rapport annuel, le président de l'Union nationale des organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), Jean-Michel Bloch-Lainé. Sans remettre en cause « la nécessaire conduite de réformes », l'Uniopss craint que le « contrat social (ne soit) bientôt dans le rouge » et appelle l'Etat « à rester garant de la solidarité nationale et de l'égalité des droits ».
A propos de la réforme de l'assurance-maladie, l'Uniopss souligne des avancées « indéniables » dans l'organisation des soins, mais déplore que le diagnostic et les principes énoncés « reposent principalement sur le comportement des patients ». « Le risque, selon elle, outre celui d'une culpabilisation des malades, est de tenir le patient pour principal responsable du déficit actuel et de l'éventuel échec de cette réforme, sans s'interroger sur la part relevant de phénomènes démographiques tels que le vieillissement, de l'organisation de notre système de soins (...), de la revalorisation des honoraires des professionnels de santé... »
De façon générale, elle redoute que les politiques publiques engagées ne donnent lieu « à une rupture dans la solidarité nationale et à une aggravation des fractures sociales et territoriales dans notre pays ».
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