Allergies respiratoires à l'école

Les infirmières scolaires tirent la sonnette d'alarme

Publié le 18/03/2008
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LES INFIRMIÈRES scolaires le constataient depuis des années. Une enquête menée en collaboration avec le Comité français d'observation des allergies (CFOA) le confirme : les allergies respiratoires sont en hausse chez les enfants.

L'enquête a été menée de septembre 2007 à janvier dernier auprès de 149 infirmières en milieu scolaire : 84 % d'entre elles ont déjà été confrontées à des symptômes provoqués par des allergies respiratoires parmi les élèves dont elles ont la charge et 86 % estiment que le nombre d'enfants touchés augmente.

Or 74 % des infirmières scolaires interrogées renvoient, dans ce cas, l'enfant chez lui. L'impact est là, explique au « Quotidien » le Dr Riad Fadel, allergologue pour le laboratoire Stallergènes et porte-parole du CFOA. «Le problème, c'est l'absentéisme de ces enfants qui rejaillit ensuite sur leurs performances scolaires ou sportives, donc sur leur qualité de vie et d'intégration au sein de l'établissement. Aussi, une rhinite, certes moins grave qu'un asthme, peut devenir très embêtante pour un adolescent quand, en mai-juin, la saison des pollens et celle des examens coïncident...»

Soixante-deux pour cent des infirmières confirment que les enfants allergiques ne peuvent plus pratiquer, temporairement, certaines activités. Et 57 % ont constaté que ces enfants manquent un ou plusieurs jours d'école.

Les parents, eux, semblent démunis : 66 % des infirmières estiment qu'ils n'ont pas conscience de l'allergie dont peut souffrir leur enfant et 69 % les considèrent mal informés. Et, pour la majorité des infirmières, les parents d'élèves allergiques ne considèrent pas ces allergies comme un réel problème de santé. La sous-information peut d'ailleurs toucher les professionnelles elles-mêmes : 65 % s'estiment insuffisamment informées sur le sujet et donc pas en mesure d'aider enfants et parents concernés.

«L'infirmière scolaire est le premier point de contact médical avec l'enfant, souligne My-Lan Poulain, du SNAIMS, le Syndicat national autonome des infirmières en milieu scolaire. Il est donc déterminant et indispensable qu'elle sache mieux identifier l'allergie.»

«Cette enquête a confirmé ce que nous savions. Nous avions besoin de chiffres, de poser un diagnostic. Maintenant, il faut que les infirmières sachent mieux reconnaître les signes de l'allergie. Et qu'elles aient le réflexe d'orienter ces enfants vers un allergologue. Car plus on détecte tôt une allergie, plus tôt on met en route un traitement et plus on parviendra à éviter l'aggravation de cette allergie ou bien l'apparition d'autres. On sait par exemple que, dans 40% des cas, une rhinite mal traitée se transforme en asthme», précise le Dr Fadel.

Cette enquête est un premier pas, soulignent le CFOA et le syndicat infirmier. «Nous sommes en train de travailler avec les autorités pour développer des formations pour les infirmières», explique My-Lan Poulain. L'étude a déjà été présentée au ministère de l'Education nationale, un rendez-vous est prévu en avril avec le ministère de la Santé. «Tout le monde doit être sensibilisé, le grand public et les autorités.»

Le comité d'observation, créé en avril 2007, a vocation à mesurer l'impact des allergies respiratoires en France. Il estime que l'enjeu est encore «sous-estimé». Les allergies respiratoires toucheraient plus d'un Français sur trois chaque année, soit plus de 22 millions de personnes, «alors même que des traitements efficaces existent». Selon les prévisions de l'OMS, en 2010, la moitié des Français devrait être concernée.

www.comite-allergies.org.

Toujours plus de pollens

La situation des allergiques devrait encore s'aggraver avec deux phénomènes. Le réchauffement climatique entraîne dans nos régions des saisons polliniques plus précoces et plus longues. Et la pollution atmosphérique augmente la quantité d'allergènes dans les grains de pollens et facilite leur libération via la détérioration de la paroi du grain. Dans les années 1900, quand la teneur de l'air en CO2 était de 290 ppm, un pied d'ambroisie produisait 5,5 g de pollens ; aujourd'hui, avec un CO2 à 370 ppm, il en produit 10 ; et si la quantité de CO2 augmente dans la même proportion dans les cent ans à venir, chaque plante pourrait produire 20 g de pollens.

Des débats dans 100 villes

Demain, c'est le printemps, date symbolique choisie pour la Journée française de l'allergie. Sous l'égide de l'association Asthme & Allergies*, les allergologues organisent et animent des débats destinés au grand public dans cent villes, de 20 heures à 21 h 30, ce 20 mars. Un thème commun : les allergies aux pollens, qui touchent près de un Français sur cinq et dont la fréquence a doublé en trente ans dans les pays industrialisés. Les troubles (rhinite, conjonctivite, toux) sont souvent bénins, mais la répercussion sur la qualité de vie peut être importante : 83,5 % des patients se plaignent de fatigue, 86,7 % ont des difficultés de concentration et 81,9 % une gêne lors des activités de loisirs. Les conséquences peuvent aussi être sévères : 40 % des rhinites non traitées évoluent en asthme et, chez les asthmatiques, la présence d'une rhinite aggrave l'asthme. Il faut aussi compter avec les allergies croisées aliment-pollen (céleri-armoise, melon et banane-ambroisie...), qui touchent 50 % des allergiques. Quant à la charge économique, elle est loin d'être négligeable : 1 089 euros annuels par enfant et 1 543 euros par adulte selon une étude allemande ; et, en France, un coût total moyen évalué en 1998 à 1,6 milliard, dont 75 % de coûts indirects.

* En partenariat avec l'ANAIS (Association nationale des allergologues et immunologistes spécialistes), l'ANAFORCAL (Association nationale de formation continue en allergologie), la SFAIC (Société française d'allergologie et d'immunologie clinique) et le SNAF (Syndicat national des allergologues français), et avec le soutien de Schering-Plough et de Stallergènes.

> AUDREY BUSSIÈRE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8335