CE NE SONT QUE cinq lignes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2007 ; elles marquent néanmoins une étape nouvelle dans la concrétisation de la réflexion sur les transferts de compétences et/ou de tâches (voir ci-dessous) appelés à modifier le contenu des métiers médicaux et paramédicaux dans les prochaines années, sur fond de crise démographique.
L’article 34 du Plfss (adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et examiné au Sénat la semaine prochaine) autorise pour la première fois les infirmiers, «lorsqu’ils agissent sur prescription médicale», à prescrire eux-mêmes à leurs patients certains dispositifs médicaux dont la liste sera précisée par arrêté. Dans bien des cas, le patient n’aura plus besoin de retourner consulter son médecin traitant. Une «source de simplification pour les professionnels (...) et source potentielle d’économies pour l’assurance-maladie»,fait valoir l’exposé des motifs de cet article.
Ce droit de prescription, qui existait déjà pour les masseurs-kinésithérapeutes, est triplement encadré : il concernera uniquement des dispositifs médicaux (pansements, matériel de maintien à domicile…) et non pas ce qui relève du rôle infirmier propre (plan de soins) ; aucune indication contraire du médecin ne devra être formulée ; la prescription devra s’accompagner d’un retour d’information vers le médecin traitant pour les dispositifs médicaux qui le nécessitent (bandes élastiques, chaussures compensées, etc.).
Portée limitée.
Si les syndicats médicaux se sont prononcés en faveur de l’article 34, ils en relativisent volontiers la portée. «C’est limité et très encadré, constate Michel Combier, président de l’Unof (branche généraliste de la Confédération des syndicats médicaux français – Csmf) . Mais cette mesure va dans le bon sens, celui de la délégation de compétences, et cela peut renforcer le dialogue entre médecins et infirmières dans le cadre de la prise en charge à domicile.»
Pour Pierre Costes, président de MG-France, cette mesure «légalise une pratique fréquente» sans être à la hauteur des besoins d’une coordination renforcée entre les acteurs des soins ambulatoires. «Ce qui est intéressant dans l’article de loi, c’est le retour d’information au médecin traitant, analyse le Dr Costes. Mais c’est encore embryonnaire: l’évolution nécessaire, c’est l’intégration de paramédicaux dont les compétences seront valorisées dans des équipes de soins primaires exerçant dans des maisons de santé modernes, et non pas des délégations ponctuelles atomisées. Les généralistes sont trop seuls pour tout absorber, la crise démographique va imposer des changements.» Jean-Paul Hamon, chef de file de la FMF-Généraliste, estime que la reconnaissance du droit de prescription des infirmiers est un événement «marginal». «Pour l’instant, on amuse la galerie, juge-t-il. Seule la meilleure coordination des intervenants pourra améliorer la prise en charge des patients, ce qui passe par une nomenclature adaptée pour le médecin généraliste chargé de gérer cette coordination et le dossier médical.»
Xavier Bertrand : « Le sens de l’histoire ».
Lors du débat à l’Assemblée nationale sur l’article 34 du Plfss, les députés eux-mêmes ont paru conscients du chemin qu’il reste à parcourir dans le domaine de la délégation de compétences et de tâches.
Jean-Luc Préel (UDF, Vendée) a évoqué, à propos du droit de prescription infirmier, un «progrès timide qui permettra tout de même d’améliorer la pratique».
Dans le même esprit, le député centriste avait déposé un amendement (rejeté) visant à ce que les pharmaciens d’officine puissent dispenser des médicaments en cas d’urgence pour des affections de longue durée et dans le cadre d’un protocole de soins.
L’ancien ministre de la Santé socialiste Claude Evin considère, lui aussi, que les «missions des personnels doivent évoluer, non seulement pour réaliser des économies, mais aussi, dans certaines situations, pour améliorer la qualité des procédures». Encore faudrait-il, ajoute le député PS, «leur faciliter la tâche»…
Jean-Michel Dubernard, président UMP de la commission des Affaires sociales, apporte l’enseignement des expériences étrangères. «Dans un grand nombre de pays européens et d’Etats américains se développe une délégation de tâches qui va parfois très loin et peut poser problème, les infirmières se spécialisant de plus en plus, explique-t-il . On trouve des infirmières spécialisées en endoscopie urologique, en gynécologie ou en cardiologie, ce qui peut présenter des difficultés, sauf si, comme aux Etats-Unis, cette spécialisation couronne une carrière commencée comme infirmière généraliste.»
Pour Xavier Bertrand, ministre de la Santé, la question du champ des délégations de compétences et de tâches mérite une concertation entre les professionnels eux-mêmes avant l’arbitrage politique . Ce qui ne veut pas dire enterrer le dossier. Il souhaite que les expérimentations actuelles sur les délégations de tâches trouvent rapidement une «traduction pratique», ce qui passe par un cahier des charges de la Haute Autorité de santé et une évaluation. «Je souhaite que le processuss’accélère, explique le ministre de la Santé, et que chacun comprenne quel est le sens de l’histoire.»
Le Plfss en commission au Sénat
La commission des Affaires sociales du Sénat se penche aujourd’hui sur le Plfss 2007, texte déjà adopté en première lecture par l’Assemblée nationale avec les seules voix UMP. Si la Haute Assemblée ne modifie pas les grandes lignes de ce budget, quelques articles ou amendements importants pour les médecins devraient surgir au cours du débat. Comme il l’avait annoncé, Xavier Bertrand pourrait être contraint de légiférer sur le secteur optionnel en cas de blocage prévisible des négociations entre l’assurance-maladie, les complémentaires et les syndicats médicaux. Le gouvernement pourrait toutefois redonner un mandat de négociation aux trois partenaires afin qu’ils trouvent un accord sur le secteur optionnel avant la fin de l’année.
Autre amendement attendu : celui limitant le droit d’opposition à la convention en raison du risque de paralysie du système (« le Quotidien » du 6 novembre). Enfin, selon nos informations, un amendement dans les tuyaux du Sénat vise à généraliser la suppression du tiers payant pour les patients qui refusent la substitution (une pratique déjà en cours à Nice et à Paris). Le débat en séance au Sénat est prévu la semaine prochaine.
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