Epidémiologie
Deux principaux mécanismes d'ILC existent, selon l'ancienneté du cathétérisme. Lorsque celui-ci date de moins de quinze, au maximum trente jours, la colonisation survient à partir du site cutané d'insertion, parfois dans les quelques heures suivant l'implantation ; cette colonisation par voie extraluminale est l'équivalent d'une « infection de site opératoire ». Après ce délai (cathétérisme prolongé), l'infection par voie endoluminale à partir du pavillon (raccord) prend peu à peu le relais, favorisée par les manipulations itératives. Enfin, l'infection par voie hématogène, à partir d'un foyer à distance, représente environ 5 % des ILC.
Trois microorganismes prédominent au cours des ILC, au premier rang desquels les cocci à Gram positif, staphylocoques en particulier. Les staphylocoques à coagulase négative (SCN) sont plus fréquents que S. aureus, qui restent cependant responsables des infections les plus sévères avec possible dissémination viscérale. Une bactériémie à SCN ou S. aureus est un critère majeur pour attribuer cette bactériémie à une ILC. Les levures comme Candida spp. ( albicans et parapsilosis notamment) sont également évocatrices d'ILC, notamment chez l'immunodéprimé. Les bactéries à Gram négatif sont plus rarement en cause.
Suspicion clinique
1) Signes généraux
En présence d'un dispositif intravasculaire, la présence de fièvre ou de frissons doit faire évoquer le diagnostic d'ILC. Ces deux signes, très sensibles, sont cependant peu spécifiques. La survenue de fièvre, de frissons, a fortiori d'un authentique syndrome septique (tachycardie, hypotension, marbrures, polypnée...) lors de la manipulation du cathéter (injection, perfusion) chez un patient préalablement asymptomatique est très évocatrice d'ILC. Ces symptômes correspondent à la mise en circulation de germes « en latence » au niveau du site implanté ou de l'extrémité du cathéter.
2) Signes locaux
Un aspect simplement inflammatoire ou un écoulement sérofibrineux limités à l'orifice d'entrée d'un cathéter à émergence cutanée ne sont pas synonymes d'ILC ; ils doivent néanmoins susciter une grande vigilance et inciter à en surveiller l'évolution. En revanche, un écoulement purulent avec inflammation du trajet sous-cutané du cathéter (tunnelite), a fortiori des signes de cellulite signent une infection profonde.
Les infections de site implanté de longue durée ont essentiellement lieu par voie endoluminale. De ce fait, les signes locaux sont rares, en l'absence de thrombophlébite suppurée sous-jacente. Néanmoins, en cas d'infection précoce, dans les jours suivant la pose du site (contamination par voie extraluminale), des signes locaux francs peuvent être présents, associant rougeur, douleur, chaleur, et tuméfaction, parfois due à un hématome sous-cutané surinfecté.
Dans les deux cas, dispositif à émergence cutanée ou implanté, une infiltration profonde et douloureuse a une grande valeur diagnostique, en particulier chez l'aplasique où l'écoulement purulent manque souvent, faute de polynucléaires.
Exploration
En présence de signes locaux sans élément de gravité, tels qu'une inflammation ou un écoulement sérofibrineux simple, un écouvillonnage au point d'entrée d'un cathéter à émergence cutanée peut être utile. L'analyse microbiologique permettra d'orienter une éventuelle antibiothérapie ultérieure, en cas d'aggravation. Ce prélèvement doit précéder les soins locaux (nettoyage antiseptique).
En cas de signes généraux, y compris en l'absence de signe de gravité (simple fièvre), des hémocultures doivent être effectuées sur le cathéter ET en périphérie, si possible (quasi) simultanément, au moins deux fois par jour. Une autre cause de fièvre doit être recherchée (attention aux malades aplasiques, aspléniques, etc. qui justifient une antibiothérapie empirique en urgence). Les hémocultures restant difficiles à obtenir en ville, un transfert vers le centre hospitalier référent ou le plus proche est souvent nécessaire pour la poursuite des explorations.
Domicile ou hôpital ?
En cas d'infection locale ET superficielle, des soins locaux peuvent suffire et permettre d'éviter l'ablation du cathéter. Cette attitude doit être remise en cause en l'absence d'amélioration clinique dans les quarante-huit à soixante-douze heures.
En cas de signes généraux, une prise en charge hospitalière initiale permet de réaliser les hémocultures et d'instaurer le traitement, sans préjuger s'il nécessitera l'ablation du dispositif ou un traitement anti-infectieux court ou prolongé. L'instauration d'un traitement au domicile peut néanmoins être discutée dans quelques cas (en particulier, l'infection à SCN, sur cathéter à émergence cutanée ; cf. plus loin).
En cas de signes de gravité locaux (tunnelite, cellulite, hématome infecté sur site implanté) ou systémiques (sepsis évolutif), le transfert immédiat aux urgences de l'hôpital s'impose.
Traitement : les grandes règles
Les deux questions essentielles sont les indications de retrait du dispositif intravasculaire et la conduite de l'antibiothérapie.
Le retrait du cathéter est indiqué dans quatre circonstances :
1) un choc infectieux, sans autre cause évidente que le cathéter, impose son retrait immédiat ;
2) de même pour une infection locale profonde (tunnelite, cellulite) ;
3) une ILC due à S. aureus, Pseudomonas aeruginosa, Stenotrophomonas sp., Acinetobacter sp., Candida sp. ou Bacillus sp. ne peut être traitée cathéter en place ;
4) enfin, le constat de l'échec d'une tentative de traitement cathéter en place à quarante-huit - soixante douze heures (persistance de fièvre ou d'hémocultures positives) impose de retirer le cathéter.
Les meilleures indications de traitement cathéter en place sont les ILC à SCN, voire à entérobactérie multisensible, sur cathéter à émergence cutanée et en l'absence de critère de gravité. Le traitement d'une ILC due à l'un de ces derniers germes sur site implanté, sans retrait du site, est envisageable, mais s'accompagne d'un taux d'échec proche de 70 %.
L'antibiothérapie systémique dépend du germe et du retrait ou non du cathéter. Après retrait de celui-ci, une septicémie à S. aureus nécessite quatorze jours de traitement, la réalisation d'une échographie cardiaque transœsophagienne et la poursuite jusqu'à quatre semaines (dont cinq jours en bithérapie) en cas d'endocardite. Inversement, une ILC à SCN nécessite moins de trois à cinq jours de traitement après retrait du cathéter. Les autres germes nécessitent de sept à quatorze jours d'antibiothérapie. Les ILC à levures justifient quinze jours d'antifongiques après la dernière hémoculture.
Le traitement local par verrou antibiotique peut s'envisager en l'absence de critères de retrait. La lumière du cathéter est ainsi mise en contact avec une concentration locale élevée d'antibiotique (> 100 fois la CMI). Vancomycine et aminosides sont les plus utilisés, à des doses allant de 2 à 5 mg/ml, dans un volume de 2 à 3 ml de sérum physiologique, pour une durée d'environ quatorze jours (les trois premiers jours 24 h/24, puis 12 h/24).
Les antifongiques ne doivent jamais être utilisés en verrou pour une candidémie sur cathéter, indication formelle à son retrait. L'association à une antibiothérapie par voie générale (IV périphérique puis orale) n'est pas constante, mais est généralement proposée, notamment en oncohématologie, pour une durée de sept à quatorze jours après l'apyrexie. Après une évaluation d'efficacité à l'hôpital pendant quelques jours, la fin du traitement peut être réalisée à domicile.
Références :
Réactualisation de la 12e conférence de consensus de la Société de réanimation de langue française. Infections liées aux cathéters veineux centraux en réanimation. Réanimation 2003 ; 12: 258-265.
I. Chatzinikolaou, I. Raad, infections liées aux cathéters en oncohématologie. In « Réanimation en oncohématologie », F. Blot et G. Conti, eds, Elsevier, Paris 2004, pp. 109-119.
E. Desruennes, F. Blot, prise en charge des complications infectieuses et mécaniques liées aux cathéters en oncohématologie. In « Réanimation en oncohématologie », F. Blot et G. Conti, eds, Elsevier, Paris 2004, pp. 539-551.
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