DEPUIS les dramatiques attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, la France a très largement renforcé son dispositif sanitaire destiné à faire face à une éventuelle attaque bioterroriste. « Il convient toutefois de préciser qu'il n'a pas fallu attendre ces attentats pour que les autorités sanitaires françaises s'inquiètent de ce type de risque et engagent une réflexion sur ce thème avec des experts, parmi lesquels évidement les infectiologues. C'est dans ce cadre qu'a été mis en place le plan Biotox qui a été ensuite renforcé après les événements américains », explique le Pr François Bricaire, responsable du centre référent sur le bioterrorisme de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et expert sur ce thème auprès du ministère de la Santé.
Dans le plan Biotox, les infectiologues jouent un rôle de premier plan, étant donné le caractère infectieux de la plupart des pathologies susceptibles d'être utilisées par des bioterroristes. « La menace la plus inquiétante est aujourd'hui celle d'une attaque à la variole car, s'il existe un vaccin, un peu ancien, nous n'avons pas de thérapeutique curative efficace. Ensuite, la menace la plus vraisemblable concerne le charbon qui a déjà été utilisé aux Etats-Unis et même testé au Japon par la secte Aoun. On peut également craindre une utilisation de la toxine botulinique, de la peste, de la tularémie », explique le Pr Bricaire.
Le dispositif, élaboré par les autorités sanitaires, repose sur la mise en place de « centres référents », c'est-à-dire d'unités basées sur un service de maladies infectieuses à l'intérieur d'un CHU. Au total, il existe neuf centres référents hospitaliers (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille, Rennes, Rouen, Nancy et Strasbourg) répartis sur les sept zones de défense qui quadrillent le territoire français. « En ce qui concerne l'AP-HP, deux établissements ont d'abord été désignés pour assurer cette mission : Bichat - Claude-Bernard et la Pitié-Salpêtrière. Ensuite, nous avons estimé nécessaire d'inclure Necker pour permettre une meilleure prise en charge pédiatrique », explique le Pr Bricaire.
En cas d'attaque bioterroriste, le premier impératif serait de donner l'alerte le plus tôt possible grâce à un repérage précoce des premières personnes contaminées. « Si une attaque de ce type devait se produire, il est très vraisemblable, compte tenu de la période d'incubation d'une maladie infectieuse, que les premiers cas ne seraient repérables qu'au bout de quelques jours et dispersés un peu partout sur le territoire, poursuit-il. Et il y a une forte probabilité que ce soit alors des médecins de ville qui soient amenés à les détecter. Ce qui impose un important travail de formation et de sensibilisation autour de ces maladies anciennes et assez largement oubliées. »
L'alerte, une fois donnée, déclencherait la mise en place immédiate de deux cellules de crise : la première au niveau national avec les différents ministères concernés (santé, défense, intérieur, justice) en lien avec les experts ; la seconde, au niveau du centre référent hospitalier concerné. Ensuite, ce sera à ce centre d'accueillir et d'assurer la prise en charge des personnes contaminées mais aussi des cas-contacts. « On sait bien que, dans ce genre de circonstances, nous n'aurions pas uniquement à gérer les malades mais aussi un grand nombre de personnes inquiètes et pensant avoir été contaminées. Le rôle du centre référent est aussi de coordonner l'information et toutes les mesures à prendre dans la zone de défense concernée. Si le centre devait se retrouver saturé au niveau de l'accueil des patients, il devrait assurer l'ouverture d'autres centres repérés à l'avance, susceptibles de prendre le relais dans des conditions correctes. »
Face à la menace la plus préoccupante, celle de la variole, les pouvoirs ont d'abord veillé à reconstituer les stocks de vaccins. Aujourd'hui, le gouvernement est en possession d'un nombre de doses suffisant pour vacciner l'ensemble de la population si nécessaire. La décision d'une vaccination globale, très compliquée à mettre en œuvre, ne serait toutefois prise qu'en dernier recours, en cas d'apparition d'un ou de plusieurs cas de la maladie sur le territoire national ou dans un pays limitrophe.
Avant d'en arriver là, le plan Biotox a choisi de privilégier une « stratégie de riposte graduée » fondée sur cinq niveaux d'alerte. Aujourd'hui, une équipe de 150 personnes, principalement constituée d'infectiologues et autres personnels de santé, mais aussi de policiers, de pompiers, de gendarmes ou de magistrats, a été vaccinée pour pouvoir intervenir en première ligne. Si une personne devait être arrêté dans le monde, en possession du virus de la variole, de 600 à 900 autres professionnels de santé seraient vaccinés. En cas d'apparition d'un cas de variole, en dehors de la France, quatre millions d'intervenants seraient à leur tour immunisés. Les deux dernières étapes seraient franchies avec la survenue d'un ou de plusieurs cas de la maladie sur le territoire français. « Globalement, on peut estimer que le dispositif français de lutte contre des maladies infectieuses, utilisées à des fins terroristes, est aujourd'hui opérationnel et bien calé. Mais il faut rester modeste et vigilant car, dans ce domaine, l'imprévisible est toujours possible », estime le Pr Bricaire.
Plan Biotox
Les infectiologues en première ligne
Publié le 08/02/2004
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> ANTOINE DALAT
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7473
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