De récents travaux de l'OMS ont, une fois encore, montré que la santé est facteur de développement. Or il n'y a pas de santé sans thérapeutique. Donc, le rôle des industriels de santé dans le développement est indéniable. CQFD. L'analyse de Robert Toubon, directeur de la stratégie d'Equilibres et Populations, est facile à comprendre.
C'est en 1937 que naît la médecine moderne, avec les premiers médicaments vraiment efficaces. Les laboratoires français consacraient alors une bonne partie de leurs recherches aux maladies tropicales. Avec la Seconde Guerre mondiale, la France se sépare de son empire colonial et s'en désengage, notamment au niveau sanitaire. En créant le système de la coopération, elle assure un minimum. En revanche, les recherches partent très fort aux Etats-Unis. Entre 1959 et 1970, la France devient le deuxième producteur mondial de médicaments. Elle vit sa période de « recherche tous azimuts ». Dans la décennie suivante, la recherche sur les maladies tropicales disparaît des priorités d'Etat. Et depuis vingt ans, les laboratoires doivent faire des choix et réduire leurs domaines de recherche. Pierre Joly, président de la Fondation pour la recherche médicale, tire la conclusion : « Les laboratoires ne peuvent plus assumer une recherche tous azimuts. Les maladies tropicales ne sont plus du tout dans les priorités. Les coûts financiers sont tels que leurs objectifs restent les populations dites solvables. »
Au-delà du « marché solvable »
Personne n'a le droit de penser que les pays les plus pauvres ne doivent pas avoir accès à la santé. Le consensus est établi. « Par exemple, le diabète va augmenter chez nous de 42 %, chez eux de 170 %. Ce sont des paris devant lesquels on ne peut pas rester muet », s'inquiète Pierre Joly. La solution durable passe par un partenariat entre les pays en voie de développement, les industriels et les pays qui les accueillent. « Il faudra peut-être qu'un jour, si on veut vraiment une solidarité, on s'en donne les moyens », constate l'ancien président des fédérations française, européenne et mondiale des industries du médicament. Or les moyens sont bel et bien donnés. La France se place au rang de troisième donateur en consacrant 5 milliards d'euros aux pays pauvres. Et pourtant, 2 % seulement vont aux besoins prioritaires des populations (santé de la procréation, soutien direct aux actions des ONG locales).
Créée par une équipe de journalistes et de médecins autour de sa présidente, le Dr Marie-Claude Tesson-Millet (fondatrice du « Quotidien du Médecin »), l'association Equilibres et Populations se préoccupe du bon usage de l'aide au développement international. Elle collabore avec un réseau de décideurs tant dans le domaine politique que scientifique, médiatique et de terrain.
Certaines firmes ont engagé une stratégie d'entreprise qui ne s'arrête pas uniquement au « marché solvable ». Le Dr Jean-François Chambon, responsable des affaires gouvernementales du Laboratoire GlaxoSmithKline, affirme « la responsabilité des industriels du médicament face à la crise sanitaire mondiale ». « Globalement, à l'échelle de la planète, on a progressé. Mais 49 des pays les moins avancés voient leur situation sanitaire s'aggraver. » La pauvreté reste le problème majeur. Ces pays n'ont pas eu les moyens de trouver un système d'enrichissement. Mais on assiste également à un abandon des questions de santé par les gouvernements locaux, et pas seulement pour des raisons économiques.
GlaxoSmithKline suit trois axes d'engagement. D'abord, poursuivre l'investissement dans la recherche et le développement sur les maladies qui touchent particulièrement les pays pauvres (SIDA, tuberculose, paludisme) ; ensuite, faciliter l'accès aux soins (politique de tarifs préférentiels) ; et, enfin, mener des actions de proximité, grâce notamment au mécénat d'entreprise. Les responsabilités d'un tel développement doivent cependant être partagées entre les laboratoires, les pays développés, les ONG et les médias autour des pays en développement.
Michel Labie, responsable des relations institutionnelles du Laboratoire Sanofi-Synthélabo, déplore l'image catastrophique de l'industrie pharmaceutique. « Les journaux parlent de nos résultats financiers, on dit qu'on a plein d'argent. Lorsque, nous, nous expliquons nos travaux concernant l'aide et la recherche, certains sourient », déplore-t-il. L'industrie pharmaceutique a ainsi intérêt à aider au développement des pays pauvres. Et la plupart du temps, elle le fait à fonds perdus. « Si on ne fait rien pour les pays pauvres, ils vont copier nos médicaments et ainsi détruire la propriété intellectuelle. Ce serait donc la fin de l'industrie innovante », ajoute-t-il avec lucidité.
C'est aussi l'intérêt des pays riches que de se pencher sur le développement. Un pays pauvre reste en effet un pays potentiellement dangereux. Un pays en développement peut, du reste, devenir un jour un partenaire économique.
Tous les maillons de la chaîne existent. Ils doivent seulement travailler en bonne intelligence afin de rendre efficientes leurs bonnes volontés.
* 205, bd Saint-Germain, 75007 Paris, tél. 01.53.63.80.40, fax 01.53.63.80.50, www.equipop.org.
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