Economies sur le médicament

Les industriels haussent le ton

Publié le 03/07/2006
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Depuis la mise en place de la réforme de l’assurance-maladie, l’industrie du médicament a été largement mise à contribution dans la politique de réduction des déficits de l assurance-maladie. Ce secteur doit en effet avoir réalisé 2,1 milliards d’euros d économies à l’horizon 2007, dont 1 milliard grâce au développement des médicaments génériques. Ce plan d économies, auquel le Leem (Les Entreprises du médicament) avait donné son accord (le Leem s’est voulu un partenaire «bon élève» de la réforme), a été plutôt respecté par les entreprises du secteur, même s’il reste encore 820 millions d’économies à réaliser sur l’année 2007.

Ces mêmes industriels ont aujourd’hui des raisons d’être inquiets. En effet, le Sénat a tout récemment publié un rapport très dur (et très critiqué) à leur encontre, et la Cnam (Caisse nationale d’assurance-maladie) vient de remettre à Xavier Bertrand un rapport sur ses orientations de recettes et de dépenses pour l’année 2007, dans lequel elle prescrit une nouvelle cure de minceur à l’industrie pharmaceutique, pour un montant avoisinant les 500 millions d’euros. Enfin, un responsable du ministère de la Santé reconnaissait récemment que «si les économies prévues sur le médicament pour 2006 ne sont pas au rendez-vous, il faudra bien y remédier et prendre les dispositions qui s’imposent».

La préparation du Plfss.

Pourtant, le doute subsiste sur la volonté des pouvoirs publics de mettre à nouveau à contribution le secteur pharmaceutique. Lors d’un débat organisé par « les Echos » avec « le Quotidien » à la fin de mai dernier, Xavier Bertrand, ministre de la Santé, avait explicitement reconnu que, s’agissant de la préparation du Plfss (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) 2007, «le discours sur la confiance ne tiendra pas si le gouvernement a deux années de suite la même attitude». Une manière de dire que l’industrie avait déjà été substantiellement mise à contribution au cours des années passées dans la recherche d’économies. Plus récemment, c’est Noël Renaudin, président du Ceps (comité économique des produits de santé, l’instance gouvernementale notamment chargée de fixer le prix des nouveaux médicaments), qui, interrogé par « le Quotidien » sur les rumeurs de nouvelle mise à contribution financière de l’industrie pharmaceutique, déclarait : «En la matière, il n’y a que le ministre qui soit qualifié pour parler. Les autres prises de parole, d’où qu’elles viennent, doivent être considérées avec circonspection.»

Mais chat échaudé craint l’eau froide, et l’industrie pharmaceutique agit actuellement comme si ces mesures, pour l’instant virtuelles, étaient déjà une réalité. Il y a quinze jours, le LIR (Laboratoires internationaux de recherche, une association qui regroupe quinze filiales françaises de laboratoires internationaux) proposait par anticipation son plan alternatif aux présumées futures mesures d’économies gouvernementales, avec au menu une baisse des prix des génériques et un accès élargi à l’automédication. Christophe Weber, président du LIR et par ailleurs P-DG de GlaxoSmithKline (GSK), profitait de cette occasion pour rappeler que l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance-maladie) 2006 avait fixé la hausse des dépenses de médicaments pour 2006 à seulement 1 %, et s’en plaignait amèrement : «On est loin du compte, car le développement du progrès thérapeutique nécessite de préserver une croissance minimale du marché pharmaceutique, autour de 3 à 5%.» Interrogé par « le Quotidien », Christophe Weber va plus loin : «Depuis le Plfss 2006, la pression économique exercée sur les entreprises du médicament devient insupportable, notamment parce qu’elle s’exerce sur les nouveaux médicaments innovants. Si des mesures renforçaient ces choix, cela discréditerait le discours du gouvernement qui dit mettre en place une politique de l’innovation.» Certes, contrairement au Leem, le LIR n’est pas un syndicat professionnel, mais un organisme de réflexion. Il n’empêche que, comme le Leem, il tente de peser sur d’éventuelles futures décisions ministérielles.

Des emplois en jeu.

C’est aussi Christian Lajoux, tout nouveau président du Leem, qui ne manque pas une occasion de rappeler que l’industrie pharmaceutique n’est pas seulement une source de dépenses pour l’assurance-maladie, mais un secteur clé de l’économie française, avec des dizaines de milliers d’emplois en jeu. Vendredi dernier, dans les colonnes de notre confrère « la Tribune », il ajoutait que «daprès les premières estimations, la progression du marché français du médicament ne devrait pas excéder 0,1% cette année, à comparer à une hausse supérieure à 5% en 2005. Ce qui apparaît à certains comme une victoire sur le plan comptable est une catastrophe pour les industriels, comme en témoigne la petite dizaine de plans sociaux en préparation, après la douzaine engagée l’an dernier par les industriels du médicament».

Plus généralement, Christian Lajoux regrette que «la dimension multiple du médicament en France ne soit ni connue ni comprise des décideurs du domaine de la santé».

Au Leem, on souhaite manifestement insister sur cette implication des entreprises du médicament dans le tissu industriel français, et dans la lutte pour l’emploi. On souligne notamment que, jusqu’à ces dernières années, les laboratoires étaient créateurs d’emplois. «Mais les choses changent, poursuit-on : depuis quelque temps, nous n’avons plus les moyens de créer des emplois. Nous ne faisons que remplacer les personnes qui partent à la retraite. Selon les nouvelles mesures que le gouvernement nous imposera ou non, nous serons ou non en mesure de remplacer les 40000emplois que nous devrons renouveler d’ici à dix ans.»

Christian Lajoux prend officiellement ses fonctions cette semaine, en remplacement de Pierre Le Sourd, président sortant. Manifestement, ce changement à la tête du Leem va s’accompagner d’un nouveau ton, encore plus offensif, à l égard des pouvoirs publics, invités à prendre leurs responsabilités face aux choix politiques qui devront prochainement être faits.

> HENRI DE SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7992