Les fractures thoraco-lombaires (1) sont de mieux en mieux comprises grâce à l'imagerie moderne et à un effort de classification rigoureux. Des indications thérapeutiques sont ainsi mieux individualisées.
La topographie thoracique haute (de T1 à T10) représente vingt pour cent de ces lésions. Dans ce groupe, on retrouve une forme particulière, la fracture dislocation par cisaillement oblique, qui entre volontiers dans un contexte polytraumatique, et est de traitement chirurgical techniquement délicat. Les fractures lombaires basses (de L3 à L5) se caractérisent par une vulnérabilité discale toute particulière et par un plus grand retentissement fonctionnel ultérieur en cas de nécessité d'une chirurgie arthrodésante.
L'apport de l'imagerie.
Le bilan radiographique conventionnel se fonde sur des clichés de profil en décubitus centrés sur la zone fracturaire et mesure successivement la cyphose vertébrale, la cyphose locale, la cyphose régionale et l'angulation régionale traumatique, déformation créée par la fracture qui peut ainsi être comparée à la cyphose physiologique.
D'autres mesures peuvent se révéler utiles : mur vertébral antérieur et mur vertébral postérieur, sur le profil ; distance interpédiculaire sur le cliché de face.
Les clichés dynamiques ne peuvent, en revanche, être discutés qu'à distance de la période initiale du traumatisme.
Le scanner permet l'analyse de l'arc postérieur et du degré de retentissement de la fracture sur le calibre du canal rachidien et le recensement systématique de toutes les composantes fracturaires.
Les reconstitutions tridimensionnelles permettent d'apprécier le degré de comminution corporéal.
L'IRM parvient, quant à elle, à révéler des microfractures ou des contusions au sein du tissu osseux. Elle permet de dresser un bilan ligamentaire.
Les atteintes du disque intervertébral font également l'objet d'une lecture précise.
La prise en charge orthopédique.
Les modalités pratiques de la prise en charge orthopédique sont variées.
Le traitement fonctionnel consiste à assurer un lever ultraprécoce, dans les meilleurs délais (troisième jour), sans support extérieur. Il ne s'applique qu'à des lésions stables (tassement isolé modéré).
La mise en place rapide d'un corset, qui doit être correcteur (lordosant, en général), avec des appuis soigneusement choisis (bassin, sternum) et soigneusement confectionnés (protection cutanée).
Le traitement par décubitus lordosant (traversin situé en regard de la fracture), temporaire (trois semaines environ), accompagné d'anticoagulants et d'une rééducation précoce.
Plusieurs options chirurgicales.
Comme précédemment, le traitement a pour objectif de redimensionner le canal rachidien, de stabiliser et de corriger les déformations.
L'abord de la colonne rachidienne se fait soit par l'arrière, soit par l'avant, soit de façon alternativement combinée. La voie postérieure, la plus utilisée, provoque déjà une certaine réduction lors de l'installation, réduction améliorée par l'effet de distraction du matériel d'ostéosynthèse, fixé de préférence par des vis pédiculaires. L'étendue de cette instrumentation d'ostéosynthèse représente un compromis entre l'effet correcteur recherché, certains effets parasites perturbateurs des courbures rachidiennes naturelles et le retentissement à long terme de cette instrumentation sur la fonction rachidienne. Le montage d'ostéosynthèse peut être un peu long, mais l'arthrodèse doit demeurer cantonnée à la région fracturaire. La fixation au squelette de l'instrumentation doit être suffisamment solide pour permettre à l'opéré de se passer de maintien postopératoire.
La voie antérieure aborde le rachis haut par thoracotomie, le rachis L1 par thoraco-phréno-lombotomie et le rachis lombaire bas par laparotomie. Les abords mini-invasifs sous contrôle vidéoscopique commencent également à être utilisés. Cette voie antérieure se propose d'agir directement sur le corps vertébral, faisant alors volontiers l'objet d'une corporectomie-décompression du canal rachidien, suivie d'une greffe de substitution de ce corps vertébral fracturé (greffon iliaque autologue, cage de titane remplie d'os).
L'approche combinée commence souvent par le temps postérieur qui permet une protection stabilisatrice de la structure rachidienne sur laquelle peut ensuite se dérouler, sans risque, la reconstruction corporéale antérieure.
Les techniques d'introduction plus récentes (ostéosynthèse percutanée, vertébroplastie au ciment acrylique ou au substitut phospho-calcique) n'ont pas encore un recul suffisant pour occuper une place définitive et parfaitement définie dans cet arsenal thérapeutique.
Des indications de mieux en mieux ciblées.
La décision d'opter pour un traitement chirurgical plutôt qu'orthopédique ne dépend pas d'une mesure radiographique spécifique. C'est plutôt sur la base d'une analyse intégrée de plusieurs paramètres individuels que se décide l'option optimale : degré de compromis canalaire, importance de la déformation, risque évolutif ultérieur de cette déformation, stabilité, situation de la lésion dans un spectre « toutligamentaire » (telle une luxation pure) ou, au contraire, « toutosseux »...
La chirurgie mérite d'être privilégiée lorsqu'elle est, d'une part, plus avantageuse au stade aigu que le traitement orthopédique et, d'autre part, lorsqu'elle est en mesure, à terme, de conduire à un succès susceptible d'apporter une nette différence par rapport à l'option non chirurgicale. A contrario, l'aphorisme d'Argenson reste de mise : « Mieux vaut un bon traitement orthopédique qu'un traitement chirurgical médiocre. »
D'après une conférence d'enseignement du Pr Jean-Marc Vital, Bordeaux.
(1) Ne sont présentées ici que les fractures sans complications neurologiques.
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