PAR LE Dr WALID-MICHEL HADDAD*
LA THERAPIE PHOTODYNAMIQUE (PDT) s'appuie sur une réaction photochimique, et nécessite donc le recours à un agent photosensibilisant. Cet agent, doté d'une affinité particulière pour les cellules endothéliales en cours de prolifération (comme celles des néovaisseaux choroïdiens), est administré par voie intraveineuse. La perfusion dure une dizaine de minutes. Elle est suivie par l'application sur la zone ciblée au fond d'œil, préalablement identifiée par l'angiographie, d'une lumière dont la longueur d'onde correspond au pic d'absorption du produit photosensibilisant. La puissance lumineuse appliquée est faible (pas de réaction thermique et donc pas de photocoagulation), mais suffisante pour activer le photosensibilisant. En effet, l'absorption de la lumière par ce produit entraîne son passage à un état excité, à l'origine d'une libération de radicaux libres, induisant une activation plaquettaire et une photothrombose.
Le produit photosensibilisant disponible actuellement en pratique clinique est la vertéporfine (monoacide dérivé de la benzoporphyrine). La lumière utilisée pour activer cette vertéporfine fait appel à un laser diode émettant à une longueur d'onde de 689 nm. Il est recommandé d'éviter l'exposition au soleil ou à des sources lumineuses intenses (et donc de couvrir la peau) pendant les 48 heures suivant l'administration du produit.
L'utilisation de la PDT est fondée sur les résultats d'études randomisées, reposant sur des critères cliniques et angiographiques précis concernant la dégénérescence maculaire liée à l'âge (Dmla) exsudative et les néovaisseaux compliquant la myopie forte.
L'indication de la PDT était initialement la Dmla exsudative se manifestant par des néovaisseaux choroïdiens rétrofovéolaires « à prédominance visible » (la composante néovasculaire de type « visible » devant donc occuper une surface supérieure ou égale à 50 % de l'ensemble de la lésion identifiée en angiographie à la fluorescéine), avec une acuité visuelle (AV) comprise entre 1 et 5/10.
Depuis, cette indication a été étendue, d'une part à la Dmla accompagnée de néovaisseaux choroïdiens occultes rétrofovéolaires dits évolutifs (c'est-à-dire avec une perte récente documentée d'acuité visuelle et/ou une extension de la taille de 10 % lors de deux examens angiographiques consécutifs et/ou la présence d'hémorragies rétiniennes, en excluant les décollements vascularisés de l'épithélium pigmentaire) et, d'autre part, à la myopie forte compliquée de néovaisseaux choroïdiens rétrofovéolaires.
A côté de ces indications validées, de nombreuses séries ont rapporté l'efficacité de la PDT dans le traitement des néovaisseaux choroïdiens compliquant d'autres étiologies (posttraumatiques, stries angioïdes, idiopathiques, inflammatoires comme dans la choroïdite multifocale, nævus choroïdien, etc.), mais aussi dans la prise en charge des vasculopathies choroïdiennes polypoïdales, des hémangiomes choroïdiens, de la chorio-rétinite séreuse centrale et des épithéliopathies rétiniennes diffuses.
Dans la Dmla exsudative, la PDT permet surtout de limiter la perte d'AV observée dans l'évolution spontanée (de 45 à 59 % des yeux traités sur une période de vingt-quatre mois perdent moins de trois lignes sur l'échelle Etdrs contre 31 à 32 % des yeux non traités selon qu'il s'agit de néovaisseaux occultes ou à prédominance visible). Cependant, les améliorations de l'AV restent rares (moins de 15 % des cas). Le renouvellement des séances est en général nécessaire, en raison de la reperméabilisation fréquente des NVC au troisième mois suivant le traitement. Ces retraitements éventuels sont fondés sur la persistance d'une diffusion lors des contrôles angiographiques à la fluorescéine effectués selon un rythme trimestriel (en moyenne 3,4 séances, la première année, passant à 2,2 la deuxième année et 1,2 la troisième année dans le cas des néovaiseaux choroïdiens à prédominance visibles).
La PDT permet aussi de réduire la perte de la vision des contrastes et facilite une éventuelle rééducation basse vision des patients traités. Par ailleurs, la revue des résultats des études randomisées a mis en évidence le rôle majeur de la taille initiale des lésions néovasculaires dans la réponse à la PDT, avec de meilleurs résultats visuels pour les lésions de moins de quatre surfaces papillaires. Cela souligne l'importance d'une détection et d'un traitement précoces des néovaisseaux choroïdiens.
Dans la myopie forte, une stabilisation de l'AV (définie par une perte inférieure à 1,5 ligne environ sur l'échelle Etdrs) est obtenue au cours de la première année pour 72 % des yeux traités contre 44 % des yeux non traités, une amélioration étant observée sur 32 % des yeux traités contre 15 % des yeux non traités. L'effet favorable de la PDT se manifeste surtout lors des neuf premiers mois. A deux ans, 40 % des yeux traités ont gagné au moins une ligne d'AV contre seulement 13 % des yeux non traités (p = 0,003).
Les effets secondaires possibles liés à la PDT comprennent des accidents liés à la photosensibilisation (surtout en cas d'extravasation d'agent photosensibilisant lors de son administration intraveineuse) et des douleurs lombaires pendant la perfusion (2 % des cas). Ces douleurs restent transitoires et répondent bien aux antalgiques usuels. En outre, des baisses sévères de l'acuité visuelle dans la semaine suivant la PDT (plus fréquentes en cas de néovaisseaux occultes, mais souvent transitoires) et la survenue d'hémorragies rétiniennes et de déchirures de l'épithélium pigmentaire ont été rapportées.
Vers des assocciations thérapeutiques.
Par ailleurs, la vertéporfine est contre-indiquée en cas de porphyrie ou d'insuffisance hépatique grave.
En permettant une prise en charge de plusieurs formes de néovascularisation rétrofovéolaire pour lesquelles aucun traitement n'avait auparavant démontré d'efficacité, la PDT a permis une avancée thérapeutique significative. Cependant, ses limites sont nombreuses, la principale étant qu'elle ne permet que rarement une remontée de l'acuité visuelle dans la Dmla.
Pour améliorer l'efficacité de la PDT, plusieurs approches ont été proposées. La plus séduisante semble être l'association de la PDT à d'autres agents antiangiogéniques, notamment des corticoïdes (l'acétonide de triamcinolone) ou des molécules inhibant le Vascular Endothelial Growth Factor administrées par injection intravitréenne. Ces voies sont actuellement en cours d'évaluation par des études randomisées dont les premiers résultats sont attendus dans les prochains mois.
* Service du Pr Gisèle Soubrane (Créteil) et polyclinique de la Baie (Villedieu-les-Poêles).
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