PLUS DE 90 % des néoplasies intraépithéliales de haut grade et des cancers invasifs du col de l'utérus sont liés à l'infection par un papillomavirus potentiellement oncogène. Dans les deux tiers des cas, il s'agit du HPV16 ou du HPV18. HPV16 est associé de façon préférentielle aux cancers malpighiens, et HPV18, aux adénocarcinomes. Viennent ensuite les HPV31, 33 et 45, puis d'autres types moins fréquents, parmi lesquels les HPV35, 39, 51, 52, 56, 58, 59 et 68. Au moins treize virus à potentiel oncogène peuvent ainsi être identifiés dans les lésions intraépithéliales de haut grade et dans les cancers du col. Ce sont ces treize virus qui sont recherchés par les tests de biologie moléculaire actuellement disponibles : le test Hybrid Capture 2 (Digene) et, depuis peu, le test Amplicor (Roche). La mise au point de ces tests HPV constitue donc une avancée majeure. Ces tests ont une sensibilité supérieure à celle de la cytologie pour la détection des lésions de haut grade, mais leur spécificité est moindre. Leur place dans les stratégies de dépistage des lésions précancéreuses est en cours d'évaluation. L'une des difficultés est que l'infection de l'épithélium cervical par un HPV potentiellement oncogène est fréquente, en particulier chez les femmes jeunes, et qu'elle est le plus souvent inapparente et transitoire. Aucun traitement n'est disponible en cas de détection de ces virus chez une femme présentant un frottis normal, ce qui peut être une source d'anxiété. L'infection est néanmoins susceptible, dans certains cas, d'entraîner des modifications cellulaires détectées par la cytologie. Ces lésions intraépithéliales, le plus souvent malpighiennes, peuvent régresser, mais, quand les réactions immunitaires sont inopérantes, elles persistent et l'expression de certains gènes viraux entraîne des anomalies génétiques et chromosomiques, qui aboutissent au développement d'une néoplasie intraépithéliale de haut grade et, plus rarement, en l'absence de traitement, d'un cancer. En fait, c'est l'infection persistante qui constitue le risque majeur de développement d'une néoplasie de haut grade et d'un cancer.
Identifier les lésions atypiques à haut risque.
Les recommandations publiées en 2002 par l'Anaes portent sur la conduite à tenir devant une patiente ayant un frottis cervico-utérin anormal. L'indication retenue par les experts est limitée au suivi des femmes présentant des atypies des cellules malpighiennes de signification indéterminée, les ASC-US (voir encadré). Dans 5 à 10 % des cas, la biopsie révèle une lésion de haut grade. Il est donc important d'identifier les patientes à risque de développer un cancer. Face à un frottis ASC-US, soit environ 2 % des frottis en France, trois options sont proposées : une colposcopie de première intention, une cytologie de contrôle réalisée six mois plus tard ou une recherche des HPV potentiellement oncogènes. Si le test HPV est positif, une colposcopie est pratiquée.
Dans le cas de frottis avec une lésion malpighienne intraépithéliale de bas grade, deux options sont possibles : la répétition du frottis six mois plus tard ou une colposcopie d'emblée. Dans les faits, la colposcopie est facilement prescrite en France, ce qui n'est pas le cas d'autres pays, notamment les Etats-Unis. La recherche des HPV n'est pas recommandée, puisqu'elle serait positive dans la majorité des cas. Rappelons que, face à une lésion de haut grade, une biopsie sous colposcopie est réalisée d'emblée. Si la colposcopie n'est pas satisfaisante, une conisation diagnostique est recommandée.
La recherche des HPV dans le suivi du traitement des lésions précancéreuses présente un intérêt potentiel. Cette indication n'a pas été retenue dans les recommandations de l'Anaes en 2002, en raison de l'insuffisance des données de la littérature.
Aucune étude ne justifie, à l'heure actuelle, la substitution des tests HPV au frottis cervico-utérin. L'association du test HPV au frottis permet une valeur prédictive négative élevée. Des essais randomisés et des études de cohortes sont en cours. Ils devraient permettre d'évaluer l'intérêt médical et économique de cette stratégie. L'Anaes publiera sous peu un document concernant l'évaluation de l'intérêt de la recherche des papillomavirus humains dans le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col utérin.
Quels sont les tests disponibles ?
Le test Hybrid-Capture 2 (Digene) - le seul disponible en France jusqu'à ces derniers mois - est un test d'hybridation moléculaire permettant de détecter l'ADN des treize papillomavirus potentiellement oncogènes les plus fréquents. Il comporte une détection des hybrides par une réaction immuno-enzymatique engendrant un signal chimioluminescent très sensible. Depuis peu, un test PCR, le test Amplicor (Roche), est également disponible. Il recherche les mêmes treize virus. C'est une méthode également très sensible, utilisant une approche immuno-enzymatique de détection des séquences virales amplifiées.
D'autres tests non commercialisés en France à ce jour pourraient fournir des informations complémentaires, en identifiant précisément le ou les types de papillomavirus présents. En outre, des tests quantitatifs (permettant de déterminer la charge virale) sont en cours d'évaluation.
Améliorer la qualité des frottis.
Si les tests virologiques peuvent compléter la cytologie, celle-ci reste la méthode de dépistage la plus spécifique et donc l'examen de référence. Des progrès doivent néanmoins être réalisés pour améliorer et homogénéiser le contrôle de qualité des frottis, aussi bien en ce qui concerne les prélèvements que la lecture des lames. Ils devraient contribuer à augmenter la sensibilité de la cytologie, mise en cause par certains.
A cet égard, les frottis en milieu liquide apportent sans doute un progrès. Le prélèvement est mis dans un milieu de conservation liquide dans lequel les cellules « flottent ». Après une sédimentation ou filtration, on obtient une monocouche de cellules plus facile à observer que le frottis conventionnel de Papanicolaou. Si le frottis en milieu liquide réduit le nombre de frottis ininterprétables, la qualité du prélèvement reste néanmoins essentielle. Enfin, cette méthode permet d'utiliser le matériel résiduel pour d'autres tests diagnostiques, notamment les tests HPV.
D'après un entretien avec le Pr Gérard Orth (département de virologie, Institut Pasteur, Paris).
La classification de Bethesda
Elle distingue trois types d'anomalies des cellules mapighiennes
- les lésions malpighiennes intraépithéliales de bas grade, qui régressent le plus souvent spontanément ;
- les lésions malpighiennes intraépithéliales de haut grade, avec des anomalies des cellules basales ;
- les atypies des cellules malpighiennes (ASC) au sein desquelles on distingue :
les ASC de signification indéterminée (ASC-US) qui correspondent, dans 5 à 10 % des cas, à une néoplasie intraépithéliale de grade 2 ou 3 ;
- les ASC ne permettant pas d'exclure une lésion intraépithéliale de haut grade (ASC-H) qui correspondent dans environ 40 % des cas à une néoplasie de grade 2 ou 3.
Les HPV, une grande famille
Une quarantaine de types de papillomavirus très répandus sont capables d'infecter l'épithélium utérin. La majorité de ces virus induisent des lésions de bas grade qui régressent et n'ont pas de potentiel d'évolution vers la malignité.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature