Exacerbations aiguës des Bpco

Les indications de l'antibiothérapie se simplifient

Publié le 04/01/2005
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LES ANTIBIOTIQUES ne sont pas systématiquement prescrits dans la bronchopneumopathie obstructive (Bpco), on les réserve aux situations dans lesquelles une origine bactérienne est suspectée. C'est classiquement le cas lorsque sont présents deux des trois signes de la triade d'Anthonisen qui comporte l'augmentation du volume et de la purulence de l'expectoration et l'accroissement de la dyspnée. « Mais les données récentes de la littérature associée à la volonté de simplifier les messages ont conduit à l'élaboration de nouvelles recommandations sur l'antibiothérapie dans les exacerbations aiguës des Bpco », explique le Dr Daniel Benhamou. Actuellement, la présence isolée d'une franche purulence est un argument suffisant pour poser cette indication (la présence d'un deuxième signe de la triade d'Anthonisen est moins formelle). La décision prise, c'est l'absence ou la présence de facteurs de risque qui oriente sur le type de molécules à prescrire. Les facteurs de risque retenus sont : un Vems inférieur à 35 % en état stable, une hypoxémie de repos (inférieure à 8 kPa), des exacerbations fréquentes (supérieures ou égales à 4 par an), une corticothérapie systémique au long cours, une comorbidité et des antécédents de pneumonie. En l'absence de facteurs de risque, les antibiotiques potentiels sont, par ordre de préférence : la télithromycine, la pristinamycine, l'amoxicilline, la doxycycline, les macrolides. En leur présence, on fera appel à un autre groupe comportant l'association amoxicilline-acide clavulanique, les fluoroquinolones à visée pneumologique (lévofloxacine, moxifloxacine), les céphalosporines de troisième génération (cefpodoxime, céfotiam). La persistance ou l'aggravation d'une purulence franche des crachats associée ou non à de la fièvre après trois jours de traitement signe un échec du traitement et doit faire demander un examen cytobactériologique des crachats à la recherche d'une éventuelle infection à Pseudomonas aeruginosa.
« Le traitement des exacerbations aiguës de cette affection est très important », souligne cet expert, « car bien que ce soit les lésions bronchiques qui favorisent l'infection, cette dernière les aggravent. »


Dépister plus tôt.
Outre le traitement adapté des poussées aiguës, les pneumologues souhaiteraient, d'une façon plus générale, une amélioration importante du dépistage de cette maladie jugé nettement insuffisant en 2004. « Cela tient au concept erroné de la bronchite chronique qui est considérée comme une maladie bénigne, comme une conséquence normale du tabac », explique Daniel Benhamou. Or ce n'est pas le cas. C'est d'ailleurs pour recadrer cette affection que la dénomination de Bpco est maintenant préférée à celle de bronchite chronique. Elle inclut dorénavant toutes les formes de bronchite, y compris les formes initialement non obstructives, qui ont un potentiel d'évolution vers l'obstruction. La Bpco n'est plus uniquement un stade évolué de la bronchite chronique simple, elle comprend tous les stades, y compris la forme simple non obstructive.
Sur le plan physiopathologique, le tabac joue un rôle essentiel dans les mécanismes pathogéniques de l'inflammation et les fumeurs constituent la population la plus exposée.
« Il faut faire prendre conscience aux patients qu'il s'agit d'une maladie évolutive qui doit être évoquée principalement chez les tabagiques en cas de toux et d'expectoration », insiste Daniel Benhamou, « trop de patients consultent les spécialistes au stade de dyspnée précédée de plusieurs années de bronchite chronique ». De plus, la dyspnée est un symptôme peu fiable, car mal corrélé à l'obstruction, et son absence retarde encore le diagnostic.
La suspicion clinique doit faire appel à la prise de mesures objectives. Le médecin généraliste dispose dans son cabinet d'un débitmètre de pointe. C'est un premier élément, mais son résultat ne peut suffire car il est très effort-dépendant et reflète incomplètement le niveau d'obstruction bronchique. L'objectif des années à venir est le développement de spiromètres portables qui mesurent le Vems, voire la capacité vitale et, dans certains cas, la courbe débit-volume. La facilité de son utilisation pourrait en faire un outil en médecine générale, tout comme l'électrocardiogramme, mais son coût est un frein à son développement.

Un avis spécialisé précoce.
Dans tous les cas, un avis spécialisé précoce et la réalisation d'explorations fonctionnelles restent indispensables pour évaluer la gravité de cette maladie de plus en plus fréquente avec un contingent féminin en augmentation. Le meilleur moyen d'arrêter son évolution reste l'arrêt du tabac, car les traitements n'ont pas fait la preuve de cette efficacité. En revanche, ils gardent un intérêt important à visée symptomatique et dans la prévention des exacerbations. Les traitements de fond et les traitements des exacerbations reposent pour une grande part sur le niveau d'obstruction et donc une bonne évaluation du stade évolutif de la Bpco.

* Service de pneumologie, hôpital de Bois-Guillaume, CHU de Rouen.

> Dr MARIE-LAURE DIEGO-BOISSONNET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7659