Les IEC auraient un effet bénéfique sur les muscles des sujets âgés

Publié le 17/03/2002
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Chez les personnes âgées, de nombreux handicaps sont liés à des maladies aiguës (AVC, fracture de hanche) ou chroniques (insuffisance cardiaque, maladie coronarienne, diabète, arthrose). Ils peuvent aussi être liés à une perte progressive de la masse et de la force musculaires.

On sait que, chez les insuffisants cardiaques, les IEC réduisent le déclin des capacités physiques. Cet effet pourrait provenir d'une action directe des IEC sur le muscle squelettique, comme l'a suggéré le travail publié par Vescovo en 1998 dans « Circulation » et celui publié par Schaufelberger en 1996 dans « Eur Heart J ».
L'équipe de Graziano Onder est partie du principe que, effectivement, les IEC pourraient prévenir le déclin physique chez les personnes âgées non insuffisantes cardiaques. Elle a donc mis en place une étude pour voir si un traitement par IEC est associé avec un moindre déclin de la force musculaire et un moindre déclin de la vitesse à la marche, cela chez des femmes âgées hypertendues.
Elle a donc sélectionné des participantes à l'étude WHAS (Women's Health and Aging Study), rapportant une HTA. Les femmes ayant une insuffisance cardiaque étaient exclues.
Au total, chez 641 femmes, on a évalué le déclin, sur trois ans, de la force musculaire et de la rapidité à la marche. Ces femmes étaient réparties en quatre groupes selon leur traitement antihypertenseur: IEC en continu ; IEC en intermittence ; absence de traitement ; autres médicaments.
La force musculaire a été évaluée au niveau du quadriceps à l'entrée dans l'étude, à un an, puis tous les six mois pendant deux ans. Pour cela, on demandait aux femmes, assises, d'étendre le genou en poussant sur un dynamomètre placé un peu au-dessus du niveau de la cheville.
La rapidité de la marche était évalué sur une distance de quatre mètres, les femmes devant marcher à leur vitesse habituelle.
Enfin, elles étaient interrogées sur leur activité physique quotidienne (périmètre de marche, tâches ménagères, exercice physique) ; en fonction du score obtenu, elles étaient classées en physiquement inactives, légèrement actives et modérément actives.

Force du quadriceps et vitesse à la marche

En ce qui concerne la force musculaire, le déclin moyen sur trois années a été, de façon significative, moins important (- 1 kg) chez les utilisatrices régulières d'IEC que chez les femmes prenant d'autres médicaments (- 3,7 kg ; p = 0,016) ou n'en prenant pas du tout (- 3,9 kg ; p = 0,026) ; il ne différait pas de façon significative de celui des utilisatrices irrégulières d'IEC.
En ce qui concerne la vitesse de marche, le déclin chez les utilisatrices régulières d'IEC (- 1,7 cm/s) a été moindre que dans tous les autres groupes (- 13,6 cm/s chez les utilisatrices irrégulières d'IEC ; - 15,7 cm/s chez les utilisatrices d'autres médicaments ; - 17,9 cm/s chez les femmes ne prenant pas de médicaments).
« Nos résultats montrent que chez les femmes âgées n'ayant pas d'insuffisance cardiaque, au bout de trois ans, la diminution de la force du quadriceps et de la vitesse de marche est significativement moindre chez les utilisatrices régulières d'IEC que chez celles qui utilisent d'autres antihypertenseurs ou qui n'ont jamais pris de traitement », estiment les auteurs.
« Ces résultats suggèrent que, comme chez les insuffisants cardiaques, les IEC pourraient aussi prévenir le déclin des muscles squelettiques chez les hypertendus qui n'ont pas d'insuffisance cardiaque », poursuivent-ils.

D'autres études sont nécessaires

Dans ce travail, les femmes hypertendues n'avaient pas de signe d'insuffisance cardiaque. Les bénéfices attribués aux IEC ne peuvent donc pas être mis sur le compte d'une amélioration de la fonction cardio-vasculaire. Si les IEC ont la capacité de ralentir le déclin de la force musculaire et des aptitudes physiques, quels sont les mécanismes d'action en jeu ? Les auteurs ne peuvent qu'avancer des hypothèses. Schématiquement : une action mécanique ou métabolique au niveau du muscle ; une diminution de la réponse proinflammatoire à l'angiotensine ; une augmentation du statut nutritionnel par le biais d'une inhibition de l'interleukine 6.
Quoi qu'il en soit, les auteurs estiment que leurs résultats doivent être confirmés dans des études randomisées. Si tel est le cas, « les IEC pourraient non seulement être utilisés en première ligne chez les sujets âgés hypertendus, mais aussi pour ralentir le déclin physique chez les personnes âgées ».

« Lancet » du 16 mars 2002, pp. 926-930.

Dr Emmanuel de VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7088