C’est une première dans l’histoire conventionnelle: CSMF, SML, MG France se sont en effet mis d’accord avec l’Assurance maladie sur une nouvelle convention médicale. Le protocole d’accord a été signé le 21 juillet à 4 heures du matin, à l’issue d’une ultime séance de négociation qui a duré 18 heures ! Cette nouvelle convention, qui a été signée mardi 26 juillet, régira l’activité des médecins généralistes et des autres spécialités pendant cinq ans. Le texte consacre la généralisation du paiement à la performance, mais reste relativement chiche en matière de revalorisation. Dans le détail, la nouvelle convention médicale des médecins libéraux prévoit plusieurs nouveautés.
1/ Prime à la performance pour tous les généralistes
La paiement à la performance est l’innovation principale de cette convention. Le nouveau dispositif entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier prochain. Il s’inspire du Capi, mais en sophistiquant le dispositif et en le généralisant. Ce nouveau mode de rémunération sera proposé à tous et il faudra que le médecin le refuse expréssément dans les trois mois de réception de la convention pour qu’il n’entre pas dans le dispositif. Réservé pour l'instant aux médecins traitants, le dispositif doit permettre aux médecins de toucher jusqu'à 9.100 euros de prime s'ils atteignent tous leurs objectifs, soit une «rémunération par patient de 11,4 euros» au maximum pour une patientèle de 800 patients. En pratique, 29 d'objectifs sont définis dont la réalisation est comptabilisé en 1300 points. Dans ce cadre on retrouve des objectifs de prévention (250 points pour vaccination, dépistage des cancers,etc.) de suivi des pathologies chroniques (250 points pour diabète et HTA), des objectifs de maîtrise des dépenses (400 points sur les prescriptions), mais aussi des objectifs tenant au cabinet médical (400 points). La fonction de médecin traitant fait l’objet d’une rémunération dans ce cadre, puisque les seules justifications de la tenue de dossiers médicaux informatisés ou d’un logiciel d’aide à la prescription sont attributives de points.
2/ Pour les jeunes, un bonus et pas de malus
Les jeunes médecins obtiennent une majoration de la prime à la performance pendant les trois premières années de l’installation. A la différence des infimières, ils conservent l’assurance de pouvoir s’installer où bon leur semble. En outre, l’Assurance-maladie a abandonné sa proposition initiale qui visait à ne plus prendre en charge les cotisations sociales des médecins remplaçants. Une hypothèse qui aurait renchéri les charges de ces praticiens de 10 à 15 % et aurait généré une économie de plus de 100 millions d’euros pour l’Assurance-maladie.
3/ Deux nouvelles options en zones déficitaires
A défaut de contraintes et de régulation autoritaire de l’’installation, de nouvelles mesures d'incitation sont prévues pour attirer et fidéliser les médecins dans les déserts médicaux. Deux nouvelles options sont ainsi créées.
La première, «l’option démographie» se greffe dans la continuité du «bonus» de rémunération en zones déficitaires. Sauf que le surcroît de rémunération ne sera plus de 20%, mais de 10% sur les C et les V pour un exercice en groupe (plafonné à 20 000 euros) et 5% pour un exercice en pôle de santé (plafonné à 10 000 euros). En contrepartie, une une aide à l'investissement de 5.000 euros viendra s’ajouter pour les médecins secteur 1 exerçant dans un cabinet de groupe ou de 2 500 euros pour une installation en pôle de santé.
Les médecins qui le souhaitent pouront aussi adhérer à «l’option santé solidarité territoriale» directement dérivée des «contrats santé solidarité» définis par le Parlement. Il s’agira de médecins des zones surdotées qui accepteraient d’aller prêter main forte ponctuellement (minimum 28 jours par an) à leurs collègues des zones sous-dotées voisines. Avantage : une rémunération revalorisée de 10% pour cette activité (dans la limite de 20.000 euros).
4/ Des revalorisations ciblées
Cette nouvelle convention médicale est un tournant dans la rémunération du généraliste. Même si le paiement à l’acte demeure le socle, le C de base ne bouge pas et il y a fort à parier qu’il ne bougera pas avant un moment. Le forfait par patient ALD demeure à 40 euros. L’essentiel des revalorisations est donc obtenu via un paiement à la performance désormais incontournable pour le médecin généraliste. Toutefois, certains actes du généraliste seront mieux rémunérés. Ainsi de la consultation à domicile du médecin traitant chez un patient atteint de la maladie d'Alzheimer: elle sera cotée 2 C (66 euros). De même le généraliste pourra désormais cumuler la cotation d’un frottis avec un C. Les autres spécialités cliniques ne sont pas oubliées: instauration d'une consultation de dépistage du mélanome chez les dermatologues (46 euros), création d'une consultation médicale de sortie de maternité (38 euros), majoration de 3 euros pour les pédiatres en secteur 1 (portant leur consultation à 31 euros), augmentation de 2,70 euros du Cpsy et instauration d'une consultation spécifique pour les psychiatres recevant des jeunes en difficulté ou des patients dans des situations d'urgence, valeur du forfait thermal porté de près de 62 euros à 70 euros...
5/ Une extension du tiers payant
Cette nouvelle convention étend le «tiers payant social» au-delà de la CMU, au profit des patients les moins fortunés. Il devient systématique pour les assurés qui bénéficient d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, pouvu que l’acte intervienne dans le cadre du parcours de soins. De même pour les actes effectués dans le cadre de la pds préalablement régulée ou encore pour des actes particulièrement coûteux.
6/ ASV : deux tiers pour la Sécu
La question de l’ASV, dont tous les syndicats avaient fait un préalable à leur signature, a été en partie réglée. Le directeur de l’Assurance maladie envisage désormais une cotisation proportionnelle à l’ensemble des revenus, et non pas forfaitaire comme aujourd’hui (180C). Et surtout, l’Assurance maladie est finalement prête à s’engager à prendre en charge les deux tiers de ces cotisations ASV pour les médecins en secteur 1. Le ministère de la Santé aurait promis aux partenaires conventionnels une parution rapide des décrets sur la base de négociations qui se sont déroulées sous son égide avec les syndicats, la CARMF et l’Assurance-maladie au début de l’été. L’âge de l’ASV devrait rester à 65 ans.
7/ Secteur optionnel pour les spécialités chirurgicales
La Sécu et les médecins ont jeté les bases d'un nouveau secteur tarifaire, le «secteur optionnel», à mi-chemin entre les actuels secteurs 1 (médecins pratiquant les tarifs Sécu) et 2 (honoraires libres). Réservé aux médecins de «plateaux techniques lourds» (chirurgiens, anesthésistes, gynécologues-obstétriciens) actuellement en secteur 2 (sauf exceptions), il vise à mieux encadrer les importants dépassements d'honoraires pratiqués dans ces spécialités. Les médecins qui choisiraient ce secteur s'engageraient à plafonner leurs dépassements, dans une limite de 50% au-dessus du tarif opposable qui sert de base de remboursement à la Sécu et à réaliser un minimum de 30% d'actes sans dépassements. Ces deux bornes sont l’acquis principal des négociations de juillet. En contrepartie, les médecins du secteur bénéficieraient d'une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales. Et les complémentaires santé s'engageraient à prendre en charge ces dépassements encadrés. Mais tout cela est encore au conditionnel. A renégocier avant le 30 septembre et en fonction des réponses des pouvoirs publics d’ici à cette date. Présentes à la dernière séance de négociation du 20 juillet, les complémentaires de l’Unocam ont refusé que le secteur optionnel soit lié aux « contrats responsables » qui prévoient des abattements fiscaux très importants pour les assurances complémentaires; une hypothèse qui aurait rendu incontournable pour leurs adhérents le recours à des praticiens ayant choisi l’option.
8/ La taxe sur les feuilles papier discutée à la rentrée
Le secteur optionnel ne sera pas la seule obligation de rentrée des nouveaux partenaires conventionnels. Ils vont devoir aussi rouvrir le délicat dossier de la télétransmission qui empoisonne les relations médecins-caisses-pouvoirs publics depuis pas mal de temps. Prudemment, l’Assurance maladie n’a pas évoqué pendant cette négociation la taxe pour les récalcitrants à la télétransmission. La proposition de loi Fourcade, votée mi-juillet, impose néanmoins le règlement de cette question avant le 30 septembre.
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