IL NE SUFFIT pas d'aimer seulement l'amour, il faut que ce sentiment se spécifie en une personne précise sur qui « tombera » notre passion. Si la littérature et le cinéma se sont plu à mettre en présence les êtres les plus dissemblables, Lucy Vincent nous dit très prosaïquement qu'il est important que l'un soit un homme et l'autre une femme.
Dans un premier temps, explique l'auteure, le cerveau en mode reproducteur repère les signes du sexe opposé qui stimulent l'inconscient de l'autre : seins, fesses, voix, odeurs ou phéromones. Cela, bien sûr, ne suffit pas, une hormone, l'ocytocine relie cette vision, ces signes au centre de récompense du cerveau : la présence de l'autre procure du plaisir et entraîne des comportements qui, à froid, semblent aberrants, par exemple, gommer, nier tout ce qui chez l'autre semble négatif. C'est l'amygdale et ses circuits cérébraux qui opèrent cette oblitération.
Si nous suivons bien notre auteure, on voit qu'à partir de cette rencontre tout est en place pour la reproduction. Oui, dans le cadre théorique de ce livre, c'est pour le grand bien de la permanence de l'espèce que les tourtereaux se content fleurette, et chaque sexe a, dans cette situation, sa stratégie propre pour jeter sur l'autre ses filets.
Mais lorsqu'on s'imagine des stratégies amoureuses et un peu de piquant érotique, le livre nous renvoie impitoyablement aux situations bio-objectives de chaque sexe : la femme s'économise dans la production de ses gamètes, elle ne produit qu'un ovule par cycle. Cette rareté en fait un objet de convoitise. A l'inverse, l'homme pourrait féconder plusieurs femmes le même jour, de fait nous en connaissons qui sont peu avares de leurs spermatozoïdes... Cette disparité fait à la fois que la femme est convoitée, mais qu'elle peut sélectionner le reproducteur pour elle et pour son enfant. On a bien compris qu'on n'est pas du tout, ici, dans le domaine du psycho-affectif. Parlez à Lucy Vincent de demande en mariage, elle vous répondra contrat neuronal.
Radicalement différents.
Mais, fondamentalement, le leitmotiv est le suivant : hommes et femmes sont radicalement différents. Leurs cerveaux ne sont pas agités par les mêmes biorythmes, même si, dans les deux
cas, c'est l'hypothalamus qui agit sur la petite hypophyse située à la base du crâne (la « glande pinéale » de Descartes). Cela détermine des comportements divisant les sexes : l'homme veut donner le moins possible tout en multipliant le nombre des conquêtes ; la femme doit capturer et garder celui qui restera avec elle le temps d'une grossesse et élèvera son enfant. Oui, là encore, réapparaissent les fins de l'espèce. L'amour est une duperie spécifique, sous le chatoiement des séductions, la très darwinienne auteure de cet opus lie l'exigence de permanence d'un couple qui doit se reproduire. Face au mâle dispensant tous azimuts sa semence, la femme sait qu'elle est la mère de l'enfant et qu'il lui faut un protecteur dans la durée.
C'est avec beaucoup d'humour que nous est racontée la chasse à l'homme. Il doit avoir un fort taux de testostérone pour vouloir s'accoupler avec la femme, mais un faible taux pour demeurer et élever l'enfant. A moins que le mariage ne fasse automatiquement baisser ce taux... Il reste que le couple humain est, contrairement à beaucoup d'animaux, l'un des rares représentants du club des monogames et fidèles. Deux conditions aux exigences passablement chahutées. Demeure un impératif catégorique, la survie de l'espèce, et, pour ce faire, «la maman et le papa doivent rester ensemble autour de l'enfant le temps nécessaire pour lui assurer un début de vie protégée», dit Lucy Vincent.
C'est devenu un sujet de plaisanterie assez commun : hommes et femmes s'attirent, mais ne sont nullement faits pour vivre longtemps ensemble, de par des équipements hormonaux incompatibles entre eux. Relais des exigences de l'évolution, la société s'emploie à les garder ensemble par le biais de l'institution monogamique.
Or, l'ouvrage doit rendre compte de ses présupposés théoriques : on peut se moquer de ces amoureux croyant en leur libre élan vers l'autre alors que testostérone et phéromones les mènent, mais c'est une autre erreur de voir en nous les pantins d'une déesse Evolution qui, affublée d'une majuscule, réglerait un ballet mystérieux à notre insu.
Par ailleurs, croire qu'une hormone sert à déclencher l'amour, c'est confondre la cause et la condition. Restons-en à la simple observation empirique d'un adage anglais : «L'homme court toujours après la femme qui l'attrapera.»
« Où est passé l'amour ? », de Lucy Vincent, éd. Odile Jacob, 200 p., 21,90 euros.
* Odile Jacob, 2004.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature