En Bretagne, les vacanciers sont au rendez-vous, les médecins hospitaliers sur la brèche. Et pas uniquement dans les stations balnéaires, constate le Dr Dominique Sebbe, qui dirige le service des urgences du centre hospitalier de Pontivy (Morbihan), et préside depuis trois mois le Syndicat des urgentistes hospitaliers (SUH).
« Les hôpitaux de la côte nous appellent à cause de l'afflux de touristes, or on rencontre déjà d'énormes problèmes pour hospitaliser nos personnes âgées, nombreuses en centre Bretagne ». Mais le Dr Sebbe relativise : pour lui, l'été 2003 ne se présente pas plus mal que ceux des années passées. « On va sûrement s'épuiser pendant des heures à caser les patients, mais je ne m'attends pas à des clash particuliers. Certains confrères étant en congé, je fais deux nuits par semaine au lieu d'une en temps normal. C'est fatigant, mais ça fait partie du métier, il faut l'accepter, être raisonnable. » Le président du SUH refuse d'entrer dans un conflit avec les tutelles pour réclamer plus de moyens. Son idée : faire avec ce qui existe. « Dans mon service, on tourne à sept emplois à plein temps : c'est honnête, même si ce n'est pas le Club Med. On a connu des périodes beaucoup plus difficiles : en 2000, il y avait deux postes de PH vacants. »
Les urgentistes d'Ile-de-France se montrent plus revendicatifs. Plus inquiets, aussi. Ainsi, le Dr Patrick Pelloux s'attend à une « catastrophe » cet été. « Les hôpitaux se servent de la période estivale pour faire rentrer leur budget dans les clous et ferment des services entiers, les moyens prévus au titre de la RTT ne sont toujours pas arrivés - les postes seront créés au premier septembre, nous dit-on -, les budgets sont étranglés... », déplore le président de l'Association des médecins urgentistes (AMUHF).
Résultat : « Des prématurés nés à Paris vont se retrouver hospitalisés à Reims ou à Amiens, des hospitalisations programmées seront annulées le matin même car, dans la nuit, le lit aura été pris pour une urgence, des médecins refuseront les patients des autres hôpitaux pour protéger les quelques lits qu'il leur reste », anticipe le Dr Christophe Prudhomme. Le responsable du collectif des médecins des SAMU d'Ile-de-France reproche aux tutelles leur manque d'anticipation et de réactivité : « Il faudrait pouvoir ouvrir quelques lits là où ça coince. En période de crise, c'est aux tutelles de prendre ces décisions. »
Réaction de Jacques Marshall, conseiller médical à l'ARHIF (agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France) : « On a fait ce qu'il fallait en recensant les fermetures de lits à l'avance, on devrait donc être capables de faire face. Après, ce n'est pas à l'ARHIF de régler le cas par cas, mais aux établissements. » La balle est renvoyée. Il ajoute même à l'adresse des médecins : « C'est au chef de service de mettre ses personnels en congé en même temps. Ça permettrait de planifier les fermetures de services, les hôpitaux voisins pourraient s'organiser comme le font les boulangeries d'un même quartier. »
A Paris, le cap difficile de l'été est aggravé par une double spécificité propre à l'Ile-de-France : « Les infirmières sont une denrée rare, et le déficit en lits de soins de suite se chiffre en milliers », résume Patrick Camphin, responsable de la coordination des urgences à l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le recours aux intérimaires est limité aux secteurs qui souffrent le plus (les blocs opératoires), faute de budget suffisant. Pour le responsable de l'AP-HP, ce n'est pas l'accueil aux urgences qui risque de poser problème, mais plutôt la prise en charge en aval. Le plus gros hôpital de France affirme cependant s'être préparé au mieux pour affronter les mois de juillet et d'août : la capacité en lits est maintenue à 82 % (soit 17 500 lits sur 21 500), toutes disciplines confondues. L'ARHIF précise pour sa part que dans ses hôpitaux, la situation est globalement identique : la capacité en lits de soins de suite, par exemple, est maintenue autour de 84 %. S'agissant des urgences pédiatriques, l'accueil est assuré dans l'ensemble des sites d'Ile-de-France, précisent l'AP-HP et l'ARHIF dans un communiqué commun. Un exemple de complémentarité : les hôpitaux Necker - Enfants-Malades et Saint-Vincent-de-Paul vont mutualiser leurs activités médicales et chirurgicales, de manière à répartir l'accueil sur les deux sites en fonction du niveau de prise en charge requis.
Malgré ces indications rassurantes, « l'été s'annonce mal », affirme Jean-Michel Bénazéraf, urgentiste à Saint-Denis, qui relève déjà les premiers dysfonctionnements : « Il y a trois jours, dans notre hôpital, six personnes attendaient encore le lendemain matin aux urgences, sur leur brancard, qu'un lit se libère dans les étages, alors qu'ils avaient déjà passé une bonne partie de la journée au SAU. C'est partout pareil et l'on n'est qu'à la mi-juillet... »
Avignon expérimente la transmission en temps réel des données d'urgence
Le système existe déjà en Suède et au Royaume-Uni, mais, pour la France, c'est une première. Pendant trois mois, cet été, le SAMU 84 évalue une solution de transmission en continu des informations médicales entre unité mobile et centre de régulation : Mobile Urgence Médicale.
L'innovation consiste à transférer les paramètres vitaux (pouls, tension, ECG, etc.), enregistrés par un moniteur embarqué (du nom de Mobimed), vers une tablette adaptée pour communiquer avec le poste de travail du SAMU, au centre hospitalier, via une plate-forme de télécoms qui assure à la fois l'intégration de toutes les technologies mises en uvre et la sécurité des échanges.
Résultat : la destination du patient est optimisée dès sa prise en charge et l'équipe médicale anticipe les actes qu'elle aura à effectuer grâce à la transmission en temps réel de ce dossier d'urgence qui constitue un véritable journal de bord concernant non seulement les données vitales et leur évolution, mais aussi les antécédents médicaux et les conditions de l'accident et de la prise en charge du patient.
Cela fait plusieurs mois que le Dr Philippe Olivier, directeur du SAMU 84, y travaille avec France Télécom et CardioGap, distributeur du Mobimed. Maintenant, il se déclare convaincu de l'efficacité et de la fiabilité de cette solution. Il y voit même, d'ores et déjà, de nombreuses autres applications, comme les unités de soins ambulatoires dans les prisons ou la surveillance des malades à risque.
Patrick Canac, son concepteur au sein de France Télécom, insiste sur le fait qu'il n'y a pas de risques de perte de données, même si le système est en partie basé sur le GPRS (General Packet Radio Service) qui peut pâtir de zones de moins bonne réception : « L'information est alors stockée et réémise », assure-t-il.
Après cette phase d'expérimentation, France Télécom pourra préciser comment et à quel prix sera commercialisé Mobile Urgence Médicale, explique Marie-Françoise Serra, directrice du secteur Santé. Vraisemblablement sur une formule d'abonnement mensuel.
D. L.
Voir aussi :
> Les libéraux pilotent à vue
> Quand la Vienne montre l'exemple
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature